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Héritage de Miguel Bonnefoy. Le plaisir retrouvé, intense, bouleversant et jubilatoire de la lecture

par Émile Cougut

Je reconnais, je n’avais jamais ni entendu parler, ni lu, un livre de Miguel Bonnefoy, aussi n’avais-je aucun a-priori en commençant la lecture de son livre intitulé Héritage.

A son issue, malgré un nom de famille qui sent bon l’Hexagone, je me suis attardé sur le prénom quelque peu hispanisant. En effet, comment à cette lecture ne pas penser à la littérature sud-américaine (d’origine ou d’inspiration) ?

En effet, comment ne pas penser à  Louis de Bernières (La guerre des fesses de Don Emmanuel, La calamiteuse progéniture du cardinal Guzman) ?
Ou encore Isabelle Allende (La maison des esprits) par bien des aspects.
Voire, et c’est de pure évidence, à Gabriel Garcia Marquez. Oui, Cent ans de solitude, ce bijou, cette pépite qui vous prend et ne vous quitte jamais. Cette saga familiale qui révolutionne le genre de la saga familiale. Un prix Nobel n’est vraiment qu’une petite récompense au regard du cadeau à l’Humanité que représente ces quelques pages.

Et oui, comment ne pas penser à tous ces auteurs et à ce livre à la lecture d’Héritage.

Car c’est une petite saga familiale dont il est question : des Français qui partent, poussés par la misère vers un Eldorado fantasmé : le Chili. Soyons honnête le but du voyage est la Californie, mais les aléas de la navigation en cette fin du XIXè siècle obligent le « fondateur » à faire escale au Chili et à y faire souche. Il faut dire que « LE » pied de vigne qu’il a réussi à sauvegarder des ravages du phylloxéra, s’est parfaitement adapté et apporte une vraie aisance à cet immigré et à sa progéniture).

Une famille, d’origine française, se mariant dans la communauté française qui réside au Chili. A la base des personnages en errance, qui partent, poussés par la misère, par un idéal, vers un ailleurs qui ne pourra qu’être meilleur.

Pour autant, ils gardent en eux leur culture, une partie de leur mère patrie, une « certaine idée de la France » qu’ils vont transmettre à leur descendance. Et quand elle est en danger, alors, ils vont retraverser l’océan Atlantique pour la défendre.
Première Guerre mondiale : des trois frères un seul revient des tranchées, marqué à vie comme tant d’autres.
Seconde Guerre mondiale, c’est la fille qui va se battre  dans l’aviation. 

Et puis arrive, la dictature et ses horreurs. Et le dernier rejeton de la famille pour fuir ce pays, ce morceau du monde qui a si bien accueilli ses ancêtres, revient dans la mère patrie, prenant le nom de celui qui symbolise les racines françaises, celui qui symbolise le mythe fondateur de cette saga. La boucle et bouclée.

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A travers une écriture serrée, avec un style limpide, clair et percutant, Miguel Bonnefoy nous emmène dans cette histoire qu’ont vécu plus d’un Français ces cent dernières années.

L’exil, l’exil lointain, il ne s’agit pas de traverser la Méditerranée, mais l’océan Atlantique, avec l’espoir de vivre loin de la misère, de vivre de son travail, de sa passion, dans une terre où tous les espoirs sont permis.

Mais surtout, et c’est une constante chez tous les immigrés, ce lien, intellectuel voire charnel, avec son lieu d’origine. C’est à dire le réinvestissement vers ses racines vers lesquelles on revient toujours même plusieurs générations après. L’héritage n’est-ce pas cela : ce lieu plus ou moins fantasmé d’où l’on est issu ? Ce terreau sans lequel on serait autre, différent!

Avec une pointe de surnaturel, mais si bien introduite qu’elle paraît… naturelle, Miguel Bonnefoy nous amène non point vers de lointaines contrées, mais au centre de nous-mêmes et de nos vraies origines, de nos racines.

Héritage
Miguel Bonnefoy
éditions Rivages. 19€50

                                                         

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