Florian, jeune homme habitant encore chez sa mère qui enchaîne « petit boulot après petit boulot », travaille dans une boutique de téléphonie. Un jour, le hasard l’amène à rencontrer Olivier, alcoolique repenti. Ce dernier est une sorte de mythe dans son milieu, et il vient après une cure de désintoxication d’accepter à la demande d’un de ses amis, de recommencer à travailler : il va être le régisseur du tournage d’un feuilleton télévisé. Florian se retrouve son adjoint et sa vie va changer !
Le jeune homme, va rejoindre l’équipe de tournage dans une usine désaffectée en banlieue parisienne. Mais dans une partie de cet immense bâtiment se trouve un groupe de Maliens en situation irrégulière. Une cohabitation commence à se tisser entre les deux groupes, initiée par Olivier qui tente de créer une sorte d’utopie entre les deux groupes, dans le respect des cultures et des aspirations de chacun.
Mais, bien sûr, la réalité vient troubler ce début d’harmonie : lutte sourde entre les sans-papiers et l’association locale des Maliens, arrivée d’un groupe de défense des immigrés, très marqué à l’extrême gauche, d’un groupe revendiquant le communautarisme au nom de la responsabilité coloniale de la France, arrivée des salafistes, d’un promoteur immobilier sans scrupule.
Face à ses attaques,une partie de l’équipe de tournage crée un groupe « les soucieux » pour expliquer leur démarche et défendre les sans-papiers. Mais ils sont, de fait, totalement dépassés par les arguments idéologiques, la mauvaise foi, la déformation du réel et de l’histoire, la manipulation des réseaux sociaux, le cynisme des politiques. Ils n’ont que leur sincérité et une certaine naïveté à leur opposer. De cette lutte, Florian en sortira transformé, plus adulte.
François Hien nous décrit, de façon mordante, notre société, une société qui privilégie avant tout le conflit, parfois violent. Les gens parlent, s’expriment, mais en fait ne font que s’écouter, ne s’adressent qu’à ceux qui sont déjà convaincus, De fait, il nous décrit des groupes qui ne peuvent survivre que dans le conflit, même factice, même quand leurs actions ont un résultat totalement opposé au discours proféré.
Il se dégage un cynisme certain « Les immigrés sont des victimes ! Pas seulement du racisme ou du système français inégalitaire. Ils sont aussi victimes du marché de dupes qu’on leur propose depuis des années. On leur a fait croire que les règles avaient changé, qu’on exigerait rien d’eux ; ils ont vu à la télé des petits Blancs en cravate répéter que la discrimination était épouvantable.. ils se sont dit : c’est la prime au geignard, et ils se sont mis à geindre. Ce pays ne réformera pas sa culture, c’est criminel de l’avoir fait croire. Le jeu n’a pas changé, mais on a supprimé les outils qui permettaient aux pauvres d’en apprendre les règles. »
Voilà, parfaitement dit une critique de l’idéologie issue de certaines mouvances post soixante-huitarde que l’on retrouve toujours dans certains courants de la gauche.
Et que dire de la démarche d’Houria, fille d’immigré, partisan d’un Islam rigoriste : « elle vivait comme une violence cette normalité française qui, avec les outils intellectuels de l’émancipation, imposait à ses nouveaux communiants de rejeter le mode de vie et les idées de leurs parents. C’était cette double injonction à la liberté et à la fidélité filiale, d’apparence inconciliables, qui l’avait conduit à la politique : il est des équations qu’on ne peut résoudre que par la poursuite active d’un idéal. Elle avait fait de l’entrisme en République, jouant le jeu de l’intégration républicaine pour y acquérir des armes contre le principe d’intégration même. »
Injonctions contradictoires, discours idéologiques voire utopiques, loin de la réalité, le dialogue devient difficile et les « purs », les sincères qui défendent les idées humanistes, l’héritage des Lumières, la culture française avec sa conception originale de la laïcité, sont totalement désarmés face à ces attaques.
Mais au-delà, c’est aussi avec plaisir que le lecteur se meut dans les méandres d’un tournage d’une série télévisée. On ne peut que souhaiter une bonne lecture de ce livre écrit avec coeur et une subtile intelligence, et ce n’est pas si fréquent !
Les soucieux
François Hien
éditions du Rocher. 20€