Ariane 6, çà vous dit quelque chose ? Avez-vous pu voir récemment dans les journaux télévisés de vos chaînes françaises préférées, quelques reportages sur les essais en cours à Kourou ? Que nenni, et pourtant trois projets phares de l‘Agence spatiale européenne (ESA) ont franchi ou atteindront des jalons critiques ce mois-ci, à la fois sur Terre et dans l’espace ( voir article: Ariane 6, remarquable succès de l’Agence spatiale européenne, essai réussi ). Quel formidable exploit qui devrait pourtant faire les unes des actualités. Alors en France notre société serait-elle devenue blasée ou tout bonnement pitoyable, frileuse et étriquée, à commencer par la scène médiatique?
Pesanteurs de la société française, « la Corréze avant le Zambèse* », on en est encore là ! L’espace, notre New frontier, sans laquelle nous ne disposerions sans doute point aujourd’hui ni de nos téléphones portables ni d’une science de la météorologie si affinée, manifestement (et sans jeu de mots), c’est loin de nous, bref…!
A quand une retransmission en direct d’un lancement depuis Kourou, et mieux encore quand verrons-nous en prime time Un Grand Échiquier scientifique ?
La simple curiosité intellectuelle serait elle devenue l’apanage de quelques « farfelus ». Pourtant notre époque est formidable et ce qu’accomplissent au quotidien nos scientifiques (on vient de le voir avec l’attribution du Prix Nobel de chimie à Emmanuelle Charpentier), devrait remplir nos journaux de multiples contributions éditoriales, mais aussi de fiertés et de joies.
L’informatisation mondialisée de nos sociétés et l’usage de l’internet ont bouleversé le monde et c’est une platitude que de le dire. Bien au-delà, le différentiel (pour parler « mécanique »!) entre ceux qui savent et les autres s’est élargi de façon astronomique. Devrait-on en voir un exemple: les manipulations d’information (« hoax » en anglais) autour de l’Intelligence artificielle (IA) et de la 5G suscitent des réactions ataviques embrumées de ténèbres funestes. Nous avons affaire là à un déficit de communication, d’explications et ce déficit même percole dans l’ensemble de nos structures à commencer par l’enseignement. D’une façon générale, ce qui ne se voit pas fait peur, l’abstraction, le mystère, l’inconnu font peur. On est là même à la source de toutes les métaphysiques.
C’est faut-il le souligner, le trou de souris quasi psychanalytique, qu’empruntent les courants les plus dangereux et souterrains de nos sociétés politiques, extrêmes-droites et extrêmes-gauches confondues, pour manipuler des esprits fragiles ( notamment les plus jeunes) et déstabiliser l’état. Cela est valable tant en France qu’aux États-Unis par exemple. On vient de le voir avec l’emprise de QAnon aux USA et tout récemment la tentative d’attentat et de coup d’état avorté déjoué par le FBI dans l’état du Michigan avec l’arrestation des protagonistes ( enlèvement du gouverneur, une femme, et pose de bombes, prémices de la préparation d’une guerre civile déclenchée à l’occasion des élections présidentielles US). Il ne s’agit là nullement d’une fiction!
Les causes de ce recul de la culture scientifique en France tout particulièrement sont nombreuses et les racines anciennes. Pourtant nos élites scientifiques sont saluées, nos prix Nobel nombreux** et en physique tout particulièrement. Cependant l’espoir renait, la France start up nation, ce n’est pas qu’un slogan pour étudiant brillant ou à l’opposé pour gauchiste renfrogné. Bien au delà des mots, des réalités sont déja palpables avec des créations d’entreprises innovantes avec emplois à la clé et des marchés internationaux conquis. Depuis 4 ans les budgets de la recherche progressent et c’est très bien, mais il faudrait encore davantage.
Pas moins de 40 ans que l’on vivait dans l’immobilisme, sous le verbe haut et creux des donneurs de leçons avec les échecs en prime, alors ces bonnes nouvelles sont à saluer! Quant à cet immonde Covid qui bouleverse notre quotidien, il aura peut-être eu pour rare mérite de dynamiser tout cela et de transformer les mentalités (mais il nous faut être prudent!). Lumni, l’offre éducative gratuite de l’audiovisuel public comme elle se définit elle-même, l’air de rien fait sa percée dans le paysage médiatique et enseignant.
De terrienne alors la France redeviendra-t- elle maritime, ne sera-ce point là un mince mérite? Dans le pays de Cyrano, tout est possible!
– Alors, une entropie culturelle, un désir effréné de connaissance, d’études, une renaissance intellectuelle, artistique et scientifique?
Mieux encore une médiation de tout ce corpus dynamique du savoir, une démultiplication de la diffusion d’information scientifique, une vulgarisation bien assimilée et expliquée de cette nouvelle civilisation de l’internet, de toutes ces réalisations en cours dans nos laboratoires et nos entreprises, n’est-ce point là le meilleur des projets, fédérateur, fécond et européen ! Là même où notre jeunesse puisera la vitalité de son énergie à venir. Il nous appartient de VOULOIR, et sans naïveté !
* Allusion à un propos des années 50 associé à Raymond Cartier journaliste à Paris-Match qui eut son heure de gloire.
**Prix Nobel décernés à des scientifiques français depuis 1965:
1965. François Jacob, André Lwoff, Jacques Monot. Prix Nobel de médecine.
1966. Alfred Kasler. Prix Nobel de physique.
1970. Louis Néel. Prix Nobel de physique.
1977. Roger Guillemin. Prix Nobel de médecine.
1980. Jean Dausset. Prix Nobel de médecine.
1987. Jean-Marie Lehn. Prix Nobel de chimie.
1991. Pierre-Gilles de Gennes. Prix Nobel de physique.
1992. Georges Charpak. Prix Nobel de physique.
1997. Claude Cohen-Tannoudji. PrixNobel de physique.
2005. Yves Chauvin. Prix Nobel de chimie.
2007. Albert Fert. Prix Nobel de physique.
2008. Françoise Barré-Sinoussi. Prix Nobel de médecine.
2008. Luc Montagnier. Prix Nobel de médecine.
2011. Jules Hoffmann. Prix Nobel de médecine.
2012. Serge Haroche. Prix Nobel de physique.
2016. Jean-Pierre Sauvage. Prix Nobel de chimie.
2018. Gérard Mourou. Prix Nobel de physique.
2020. Emmanuelle Charpentier. Prix Nobel de chimie.
Voir la liste complète des Prix Nobel français depuis 1901.