Voilà un petit roman qui est dans la droite ligne d’un feuilleton que les auteurs ont tenu durant plus d’un an dans le journal 20 minutes. C’est d’ailleurs plus une compilation des pages écrites qu’une réécriture, d’où (ce qui fait bien le charme de bien des romans feuilletons du XIXème siècle), un certain nombre de répétitions.
L’histoire est, et c’est évident, bien tirée de faits réels : le pouvoir des oligarques russes, les turpitudes qui se passent dans une certaine principauté (surnommée le « Royaume » dans le livre), près de Nice, enclavée dans la France (qui de fait apprécie le côté quelque peu « falot » du prince régnant), la spéculation immobilière qui a lieu dans la susdite principauté, les services secrets français ou ceux des Etats-Unis, la corruption qui gangrène nos sociétés, corruption due, avant tout, aux oligarques mentionnés ci-dessus.
Cette organisation sociétale est totalement remise en cause avec la guerre en Ukraine. Au niveau des oligarques, dans un premier temps, soit ils font soumission à Poutine, soit alors ils décèdent mystérieusement. Ceux qui arrivent à rester vivants hors Russie, voient leurs biens gelés, et comme ils conservent encore une grande aisance financière, alors pour maintenir leur statut et conserver leurs biens, ils se montrent très proches des Ukrainiens et discrets dans le « Royaume ».
Une exception : Oleg Chestov, un ancien médecin, devenu multi-milliardaire grâce au trafic lié à la potasse et aux diamants. En outre, il a racheté et énormément investi dans le club de football du « Royaume », dans l’espoir, vain, d’obtenir la nationalité de ce petit pays. Il a deux filles, dont l’ainée, Emma, est destinée à reprendre l’empire paternel, et ce n’est pas rien. Deux îles en Grèce, le plus grand (et cher) appartement de New York (et de même dans le « Royaume »), un yacht de plus de 80 mètres, une collection de tableaux de maîtres, et j’en passe. Mais Chestov est rongé par un cancer de la prostate qui gagne du terrain, malgré les plus grands spécialistes mondiaux et les remèdes chamaniques. Lors de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, s’il fait attention à préserver ses biens, il ne fait l’objet ni des foudres du Kremlin, ni des sanctions occidentales. De fait c’est un vrai agent double qui sait parfaitement naviguer entre deux eaux.
Et c’est sûrement la partie la plus intéressante de ce livre : la corruption par l’argent d’Hollywood et de l’administration américaine (pour obtenir un financement, les méchants du script original, étaient russes, ils deviennent iraniens). C’est criant de vérité, la puissance de l’argent peut tout. Enfin, presque tout, car Chestov ne gagne pas à tous les coups, il suffit de voir ses déboires lors de son divorce ou ses relations avec son marchant d’art. Et c’est le cas aussi dans l’échec de Patros, le plus grand promoteur immobilier du « Royaume » quand il veut écarter le Prince, ou du moins en faire une sorte de marionnette entre ses mains. Tout est manipulé par des agences de désinformation dont la puissance pour « orienter » les opinions publiques est loin d’être négligeable.
A titre personnel, je trouve que ce roman (et c’est dommage) finit un peu en « eau de boudin », mais ne serait-ce pas pour les auteurs la possibilité ainsi d’envisager une suite ? Et surtout le titre : Monaco confidential … Pourquoi cet adjectif anglais (qui par ailleurs est d’origine française), pourquoi ne pas le formuler en français, cela veut dire la même chose, mais, c’est certain, c’est moins snob, moins dans « l’air du temps ».
Quoiqu’il en soit, ce livre offre les plaisirs des romans feuilletons tout en montrant les potentielles manipulations de nos société occidentales par un pays quelque peu expansionniste en se servant de la puissance financière de certains de ses ressortissants.
Monaco confidential
David d’Equainville/ Pascal Henry
Éditions Nouveau Monde. 9€50
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