Accueil Actualités Charles Roux, auteur de ce roman Les monstres, une approche pointilliste et fine de l’écriture

Charles Roux, auteur de ce roman Les monstres, une approche pointilliste et fine de l’écriture

par Émile Cougut

Charles Roux peaufine l’écriture et crée personnages et intrigue à hauteur de mythe contemporain.

Trois personnes dans une capitale tentaculaire où sévit un monstre qui terrifie la cité.

D’un côté Alice, professeur d’histoire plus par hasard que par vocation, dépassée par ses élèves. Elle est seule, n’ayant aucune vie sentimentale, l’image qu’elle a de la gent masculine étant particulièrement influencée par l’image négative que sa mère lui a asséné durant toute son enfance. Elle se sent complexée, elle ne s’aime pas, n’aime pas l’image qu’elle renvoie aux autres. Or elle a une seule passion : la sculpture. Son but est de faire une statue lui ressemblant, mais tous ses essais sont des échecs, sauf le dernier qui semble receler d’étranges pouvoirs. Ce faisant n’aurait-elle pas créé un nouveau Golem ?

Or David est le contraire d’Alice : cadre commercial, sûr de lui, doté d’un ego surdimensionné. Il considère les autres comme des zombis seuls bons à exécuter les ordres de plus puissants qu’eux. Certes il est marié, mais son couple est rongé par la routine. De plus c’est un gand consommateur d’alcool et de produits stupéfiants. David correspond parfaitement à ce que disait Baudelaire des femmes : il « s’adore et s’aime sans dégoût » quitte à dégoûter les lecteurs par sa personnalité tant il est « puant ».

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Dominique est Dominique. C’est un homme d’âge mûr ayant un passé bien rempli, toujours pas remis de la mort de son compagnon.

Il a ouvert un restaurant confidentiel où les mensonges sont interdits. Il y fait tout : cuisine, service, animateur de la soirée. Son restaurant est particulier, il est situé au centre de sa maison, véritable cabinet de curiosité remplis d’objets les plus rares ou bizarres. En plus (et surtout), il est sorcière, pas sorcier, sorcière. Il connaît potions et évocations qui agissent comme de vrais révélateurs de vérités.

Comme sa femme est partie en vacances avec les enfants David a lancé une invitation sur les réseaux sociaux et c’est la timide Alice qui fut l’élue.

La soirée au restaurant va révéler pour tous les angoisses, les non-dits que chacun porte en soi. Et ils arriveront à se trouver..

Alors, Dominique, sorte d’ange noir en voulant lutter contre l’hypocrisie, les mensonges, les faux semblants, au lieu de rendre le meilleur, n’a-t-il pas libéré les démons qui logent en nous ?

L’écriture de ce roman se décompose en courts sous chapitres ceux qui concernent David sont écrits à la seconde personne du singulier, Alice à la seconde du pluriel et Dominique à la troisième du singulier. Très beau travail d’écriture parfaitement réussi qui met du mouvement dans ce livre.

Ainsi David et Alice, sont étudiés avant tout par leur passé, leur avenir est esquissé. C’est l’inverse pour Dominique, son passé est plus sous-entendu qu’étudier. Tout au plus sait-on qu’il a perdu le seul homme qu’il a aimé. Par contre son avenir est bien dessiné : quand il en aura le courage, il se transformera définitivement en femme. Il en résulte un certain sentiment de frustration autour de ce personnage : où a-t-il trouvé les moyens pour réunir les pièces de son musée ? Où a-t-il appris la sorcellerie ?

Et c’est d’autant plus dommage que Charles Roux, l’auteur de ce beau roman, avance lentement. Il bâtit son histoire, comme un pointilliste le ferait avec un tableau. Il avance par minuscule touches. En étant moderne, on peut dire qu’il lie entre eux des milliers de pixels dont il change lentement les colorations ce qui donne un vrai relief, une vraie profondeur aux personnages. Mais le contrecoup de cette façon de procéder c’est que c’est long, très long.

Nul doute, le point d’orgue est bien sûr le dîner. Mais il ne commence qu’au milieu du roman, vers la page 300. Et le lecteur de rêver d’un texte plus « serré » avec moins de répétitions. Car, à force de changer imperceptiblement les points de personnalité, les points de vue, on lie et relie les mêmes choses.

Qui plus est, ce roman, ou ce conte, est aussi pétri de fantastique, sans vraiment en donner les clés. Pourquoi cette statue se change en Golem, quels sont les secrets de Dominique ? Autant le lecteur est sollicité pour percevoir les évolutions des personnages, est interpellé sur les concepts de mensonges, d’hypocrisie, de soumission à l’autorité, quand il s’agit de fantastique, il doit croire et surtout ne pas réfléchir. Dommage.

Les Monstres
Charles Roux

éditions Payot. 23€


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