Le pharaon égyptien Seqenenrê Tâa II souverain ayant appartenu à la XVIIe dynastie (-1558 à -1554) serait-il mort sur le champ de bataille, poignardé sous les assauts violents d’ assaillants armés de poignards, de haches et de lances, c’est ce que laisse entendre une étude de sa momie réalisée par tomodensitométrie (CT) autrement dit par scanner.
Ainsi l’examen de la momie endommagée du pharaon a révélé de nouvelles blessures au visage que d’anciens embaumeurs ont essayé de dissimuler. Le pharaon avait une énorme coupure au front, des coupures autour des yeux et des joues, et une blessure par arme blanche à la base du crâne qui aurait pu atteindre le tronc cérébral. Les assaillants, semble-t-il, ont débordé et encerclé le monarque vaincu de tous côtés.
Pour madame Sahar Saleem, professeur de radiologie à l’Université du Caire « Cela permet d’estimer que Seqenenrê était vraiment en toute première ligne avec ses soldats, risquant sa vie pour libérer l’Egypte«
Une guerre pour des hippopotames
Seqenenrê Taa II (également orthographié Seqenenre Tao II) était le souverain du sud de l’Égypte et a gouverné entre environ 1558 av. et 1553 av.J.-C., pendant l’occupation de l’Égypte par les Hyksos, un peuple probablement venu du Levant. Les Hyksos contrôlaient le nord de l’Égypte et exigeaient un tribut de la partie sud du royaume.
Selon des récits fragmentaires sur papyrus, Seqenenrê Taa II s’est révolté contre les occupants après avoir reçu une plainte du roi Hyksos le notifiant que le bruit des hippopotames dans une piscine sacrée à Thèbes dérangeait son sommeil. Le roi vivait dans la capitale, Avaris, dans le delta oriental à 644 kilomètres. Sur cette accusation forgée de toutes pièces, le roi Hyksos exigea que la piscine sacrée soit détruite – soit une grave insulte à Seqenenrê Taa II.
Cette insulte a peut-être été le prélude à la guerre. Un texte sur une dalle de pierre sculptée trouvée à Thèbes raconte que le fils et successeur immédiat de Seqenenrê Taa II, Kamose (également nommé Ouadjkheperrê Kames), est mort au combat contre les Hyksos.
Personne ne savait ce qui était arrivé au pharaon, même après la découverte de sa momie en 1886. Les archéologues avaient alors remarqué des blessures sur son crâne et émis l’hypothèse qu’il avait été tué au combat ou peut-être assassiné lors d’un coup d’État au palais. Les archéologues du XIXe siècle qui ont trouvé la momie ont rapporté une odeur nauséabonde lorsqu’ils l’ont déballée, ce qui les a amenés à soupçonner que la momie avait été embaumée à la hâte sur le champ de bataille.
La nouvelle étude dont nous rendons compte utilise des rayons X sous plusieurs angles pour construire une image 3D de la momie du pharaon. Les restes du pharaon sont en mauvais état, avec des os désarticulés et la tête détachée du reste du corps.
Résultats d’analyse scanner publiés dans Frontiers in Medicine
Statut de conservation
La momie de Seqenenrê est en mauvais état; la tête et de nombreux os sont lâches et mal placés. La momie est désarticulée dans la plupart des régions du corps. La tête est séparée du corps. La plupart des vertèbres et des côtes sont lâches. Le sternum, les clavicules et les omoplates sont désarticulés et situés à l’intérieur de la cavité torse. Les membres supérieurs sont désarticulés des épaules avec un minimum de tissus mous ou de muscles restant sur les os. Les deux fémurs sont désarticulés des orbites de la hanche. Les os de l’avant-pied gauche sont désarticulés. La symphyse pubienne et les articulations sacro-iliaques droites sont perturbées.
Estimation de l’âge
Nous avons estimé l’âge au décès à environ 40 ans sur la base de la fermeture épiphysaire de tous les os longs, de la fusion du méta et du méso-sterne et de la symphyse pubienne (stade 6 correspondant à 35–39 ans) (13). Il y a un ensemble complet de dents à l’intérieur de la bouche, y compris toutes les troisièmes molaires. Une attrition légère à modérée des dents est observée: grade G dans les dents mandibulaires (correspondant à 35–40 ans) et grade H dans les dents maxillaires (correspondant à 40–50 ans) (14, 15).
Stature
Nous n’avons pas pu mesurer la longueur du squelette dans sa position anatomique articulée en raison de son état partiellement désarticulé. Cependant, nous avons mesuré la longueur maximale du tibia (384 mm) pour calculer la stature en utilisant l’équation de régression dérivée par Raxter et al. pour les anciens Égyptiens mâles: (Stature = 2,554 × 38,4 + 69,12 = 167,2 cm ± 3,002). Nous avons ainsi estimé la taille de Seqenenre à environ 167 cm ± 3 cm (16).
Momification
Le cerveau rétréci desséché occupe le côté gauche de la cavité crânienne. Il n’y a pas de résine intracrânienne ou autre preuve d’autres matériaux d’embaumement. La plaque cribriform est intacte sans preuve CT de tentative d’ablation cérébrale (Figure 3). Il n’y a aucune preuve de cœur ou de viscères à l’intérieur de la cavité corporelle. Les cavités abdominale et pelvienne sont remplies de paquets de densités CT variables compatibles avec du lin (-100 HU) et de la résine (70-120 HU) (Figure 4). Une ouverture de flanc gauche mesurant 157 mm de longueur a probablement été utilisée pour retirer les viscères et insérer les emballages. Aucune amulette ou bijou n’a pu être détecté dans la momie ou sur sa surface.
Changements pathologiques
Les deux bras sont fléchis au niveau des coudes, les mains sont fléchies au niveau des poignets (plus sur le côté gauche), tandis que les doigts sont hyper-étendus au niveau des articulations métacarpo-phalangiennes et fléchis au niveau des articulations inter-phalangiennes. Aucun signe de fracture osseuse des membres supérieurs n’a été observé. Les deux membres inférieurs sont étendus; le pied gauche est luxé mais il n’y a aucun signe de fracture osseuse. La tête et le visage sont gravement touchés. Les lèvres supérieures et inférieures sont rétractées, laissant apparaître les dents.
Une mort violente
Néanmoins, les blessures sur le crâne du pharaon racontent quant à elles l’histoire d’une mort brutale. En effet le pharaon porte une fracture longue de 7 centimètres sur le front. Elle aurait été provoquée par un coup de hache ou d’épée venant d’en haut. Cette blessure à elle seule aurait pu être mortelle. Par ailleurs une autre lésion potentiellement mortelle elle-aussi située au-dessus de l’œil droit du pharaon mesure 3,2 cm de long, elle fut probablement provoquée par un coup de hache. On compte aussi d’autres entailles sur le nez, l’œil droit et la joue droite pourraient avoir été provoquées par un coup asséné par un manche de hache ou un bâton émoussé, ont ainsi pu déclarer les chercheurs.
Pendant ce temps, quelqu’un devant le roi balança une épée ou une hache sur la joue gauche du pharaon, provoquant ainsi une autre entaille profonde. De la gauche, une arme – probablement une lance – a pénétré la base de son crâne, créant ainsi une blessure de 3,5 cm.
C’est pourquoi les premiers archéologues avaient déjà signalé plusieurs de ces blessures, mais la professeure Saleem et son collègue, l’égyptologue Zahi Hawass, ont découvert une nouvelle série de fractures du crâne recouvertes de produits servant à l’embaumement. Ainsi visiblement, concentrés sur le côté droit du crâne, les dommages semblent avoir été causés par un poignard et un objet lourd et contondant, peut-être un manche de hache.
Les mains de la momie étaient fléchies et serrées, mais il n’y avait pas de blessures défensives sur ses avant-bras, ce qui a conduit les chercheurs à suggérer que les mains de Seqenenrê Taa II étaient peut-être liées quand il est mort. Il a peut-être été capturé sur le champ de bataille et exécuté par plusieurs assaillants, suggère madame Saleem dans un communiqué.
Bien que les chercheurs aient découvert des momies de pharaon avec des blessures violentes auparavant, il n’y avait eu aucune preuve de décès de pharaons sur le champ de bataille jusqu’à présent, a déclaré le professeur Saleem. Par exemple, Ramsès III a eu la gorge tranchée lors d’un coup d’État dans un palais, a-t-elle précisé. Des récits historiques racontent que Ramsès II et Thoutmosis III ont pris part à la bataille, mais il n’y a aucune trace de blessures sur leurs momies. Par ailleurs la momie d’un noble non identifié avait une flèche incrustée dans sa poitrine, ce qui pourrait laisser présager qu’il est mort au combat a déclaré madame la professeure Saleem.
Selon la nouvelle étude publiée le 17 février dans la revue Frontiers in Medicine, le fait que les embaumeurs aient tenté de soigner les blessures au crâne de Seqenenrê Taa II suggère qu’il n’a pas été embaumé à la hâte. Le cerveau desséché du pharaon était également collé sur le côté gauche de son crâne, ce qui laisse supposer que quelqu’un l’a mis sur le côté après sa mort, soit à l’endroit où il est tombé, soit pendant que son corps était transporté pour l’embaumement.
Certes Seqenenrê Taa II a peut-être perdu la vie au combat, mais ses successeurs ont finalement gagné la guerre. Après la mort de Kamose, l’époux de Seqenenrê Taa II, Ahhotep I, a probablement régné en tant que régent, poursuivant ainsi la rébellion contre les Hyskos. Lorsque le fils de Seqenenrê Taa II et Ahhotep I, Ahmôsis Ier, est devenu majeur, il a hérité du trône et a finalement chassé les envahisseurs étrangers. Ahmose I unifiera l’Égypte et lancera le Nouvel Empire, il sera le fondateur de la XVIIIè dynastie qui culminera par sa puissance et à travers les arts.
Adaptation et traduction par Pierre-Alain Lévy
Sources: Live Science et Frontiers in Medicine
Illustration de l’entête : la momie de Seqenenrê Tâa II vue sous deux angles différents