Avec son roman Applaudissez-moi!, Philippe Zaouati donne aux lecteurs à penser. La pandémie de la covid 19 continue de sévir, voilà déjà un an que le monde entier entrait en sidération face à ses conséquences. Souvenez-vous, à la mi-mars 2020, la population s’est trouvée confinée chez elle, sans pouvoir franchir la porte d’entrée sauf pour un motif impérieux. Et les premiers écrits romans portant sur cette époque ou l’ayant en toile de fond commencent à paraître. Une réactivité que nous devons saluer.

En arrière-plan, c’est exactement ce qu’est la pandémie dans le court roman de Philippe Zaouati : Applaudissez-moi !, qui vient de paraître aux éditions PIPPA.

Samuel K est le fondateur d’un fonds international spécialisé dans le financement du fondement durable. Durant le premier dé-confinement, il est convoqué à la brigade financière de la Police Judiciaire où il se voit signifier sa garde-à-vue pour « faux et usage de faux, usurpation d’identité, détournement de fonds, escroquerie en bande organisée et abus de bien social », excusez du peu ! Et Samuel, devant l’inspecteur (rectifions et préçisons cependant qu’il n’y a plus, hélas, depuis une réforme Pasqua au millénaire dernier, d’inspecteur de police mais que des officiers…) déroule sa vie, ses motivations.

Ainsi, il est ce jeune prometteur qui en 2008 se retrouve avec le carton contenant ses affaires personnelles, sur le perron de la banque Lehman Brothers qui vient de faire faillite. Il décrit sa dépression, sa fuite en Afrique qu’il découvre, sa rencontre avec un humanitaire spécialisé dans la préservation des forêts, son idée de créer un fonds pour le développement durable. Il est ce patron, sidéré par cette nouvelle crise qui se confine physiquement et moralement, psychiquement dans son immense appartement parisien. En outre il est aussi celui qui accueille une jeune infirmière montée de son Sud-Ouest pour aider ses collègues parisiens.

Or cette rencontre le fait réfléchir sur la vanité de son métier, une sorte de fuite en avant pour créer de l’argent pour ceux qui en ont déjà à plus n’en savoir que faire alors que certains autres, moins privilégiés, se battent et risquent leur vie pour sauver celles des autres humains. C’est à ce moment là qu’il décide, en manipulant une stagiaire, de détourner une cinquantaine de millions d’euros pour les donner à des associations d’aide aux populations réparties sur toute la surface du globe. 

Olécio partenaire de Wukali

Est-ce légal ? Non, sûrement pas. Est-ce moral ? Philippe Zaouati n’apporte aucune réponse, de fait c’est chaque lecteur qui apporte sa propre réponse. Instinctivement, tout humaniste dira oui. Mais, si on réfléchit bien, quelles sont les vraies motivations de Samuel. Bien sûr on peut se dire que le contact avec la jeune Angèle (l’infirmière) l’a fait évoluer, mais en même temps, il est doté d’un ego surdimensionné : la fraude, sous couvert d’empathie, n’est-elle pas pour lui un moyen de faire parler de lui ? Il sait qu’il finira par passer devant un tribunal, ne cherche-t-il pas une tribune pour faire la une des médias ? Il ne faut pas toujours voir avec un seul angle de perception, la réalité est rarement binaire, surtout quand il s’agit d’agissements humains.

Et je penche pour la second proposition, Samuel est sûrement sincère avec son passé qui l’a traumatisé, mais il fait trop souvent preuve d’une certaine rouerie, d’un recul face aux événements qui semble montrer qu’il ne les subit pas autant qu’il voudrait que l’inspecteur (et à travers ce dernier, le lecteur) le croit. Je n’en veux pour preuve que la réflexion assez cynique qu’il se fait sur les ONG qui veulent préserver la nature africaine. Il a du lire l’excellent livre L’invention du colonialisme vert pour en finir avec le mythe de l’éden africain  de Guillaume Blanc (et dont on peut trouver la critique dans Wukali) qui explique brillamment cette problématique.

Philippe Zaouati l’excellent auteur d’Applaudissez-moi ! , nous laisse juger. Samuel est-il sincère, cynique, égotiste, c’est au lecteur d’en décider

Applaudissez-moi !
Philippe Zaouati

éditions Pippa.15€

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