La littérature jeunesse recèle de grands écrivains, Jean-François Chabas est de ceux-là.. Il n’est pas habituel de parler de la jeunesse dans les colonnes de WUKALI. Les dessins animés qui y sont diffusés ne trouvent jamais leur place dans ceux diffusés dans la chaîne Guli à la télévision. Et après qu’est ce que la jeunesse et surtout qu’est-ce que la littérature pour la jeunesse. Je ne vais pas entrer dans ce débat, mais il est certain que la production littéraire n’est pas la même pour un jeune homo sapiens sapiens de 3 ans ou de 17 ans. Même si c’est la même autrice qui les écrivit, il y a un monde entre la série des oui-oui et le club des cinq.
N’étant pas, loin de là un spécialiste, je me garderai bien de donner un âge à partir duquel on peut lire, et comprendre Red Man, dernier opus de Jean-François Chabas. La pré-adolescence ? Le héros à 13 ans et sûrement qu’à cet âge, le lecteur est capable de s’identifier à lui.
Mervelous est membre d’une tribu aborigène du centre de l’Australie. Il est tiraillé entre la culture de ses ancêtres et les ravages que la modernité a fait aux siens. Ses deux parents sont morts à cause de l’alcool, partout autour de lui, ce n’est que suicide, que misère, que racisme. Car les blancs depuis plus de deux siècles ont volé aux autochtones leurs terres, leurs cultures, les ont massacrés, parqués, ont pillé leur sous-sol. Et ce sans rien comprendre à la nature, eux qui vivent dans des bulles de climatisation. Les « noirs », eux connaissent la nature, vivent en harmonie avec elle depuis des millénaires, la respectent et étaient heureux.
Mervelous, du haut de ses 13 ans, est déjà alcoolique et se drogue régulièrement avec de l’ice, une drogue terrible qui le plonge dans un monde artificiel, seul moyen qu’il a trouvé pour fuir le désespoir qui le ronge. En outre, il ne veut pas passer les épreuves d’initiation pour faire partie de la communauté des hommes, car tout cela, pour lui, est vain, des restes d’un passé qui n’a plus à être. Mais un jour, il fait une rencontre improbable dans le terrible désert du Red Center : celle d’une jeune suédoise « championne du 400 mètres de Stockholm ». Elle est blanche et le considère, lui parle en égal, comme si sa couleur de peau n’existait pas. Alors quand il s’agit d’essayer de la sauver, il se transcende au risque de perdre sa vie. Et de fait, ce qu’il fait, même si les blancs racistes ne comprennent pas, n’est-ce pas le début de ces épreuves d’initiation qui vont le transformer, le faire grandir et retrouver pleinement la plénitude de la culture de ses ancêtres. C’est, en filigrane, ce que lui dit Red Man, sorte d’ermite, de vieux sage, dépositaire du passé, du présent et du futur de la tribu.
En peu de mots, dans ce court roman Jean-François Chabas décrit un univers non seulement qui existe encore, mais aussi un choc entre deux cultures, l’une ancrée dans la terre et le passé, l’autre dans un univers consumériste, artificiel, raciste. Il montre les ravages de l’alcool, des drogues, de la marginalisation, de la disparition des éléments structurant le cadre de vie. Ensuite il décrit quelques traditions des aborigènes comme l’os pointé, l’interdiction de parler des morts, les tabous, etc. De fait, il donne la possibilité à ses lecteurs de réfléchir sur la tolérance, la différence, tout en leur faisant découvrir une culture différente de celle des occidentaux mais d’une immense richesse.
Red Man
Jean-François Chabas
éditions Au Diable Vauvert. 12€
Jean-François Chabas est né en 1967 à Neuilly-sur-Seine. Il a exercé différents métiers avant de se consacrer à l’écriture en publiant chez Casterman Une moitié de wasicun en 1995, puis Les Secrets de Faith Green en 1998 pour lequel il obtient 14 prix. Il est l’auteur de plus de 80 livres chez Gallimard, L’école des loisirs, Calmann-Lévy, etc., qui lui ont valu de nombreux prix. Considéré comme l’un des auteurs majeurs de la littérature jeunesse contemporaine, il est traduit en plus de dix langues. Une dizaine de ses livres est sur la liste de l’Éducation nationale.Red Man est son premier roman young adult au Diable vauvert. Il est le fruit de deux longs séjours de l’auteur avec les tribus, à travers toute l’Australie.