Le département Mobilier Objets d’Art de la maison PIASA organise une vente* autour de l’ouvrage L’Histoire de Minoutchehr selon le Livre des Rois illustré par Michel Simonidy et édité en 1919 chez L’Edition d’Art Henri Piazza.
Cette vacation online only comporte 48 des 49 illustrations originales de l’artiste qui ont servi à imprimer les 550 exemplaires.
Le Livre des Rois dont est tirée L’Histoire de Minoutchehr a été écrit aux alentours de l’an 1000 par le célèbre poète persan Ferdowsi. Cet ouvrage qui retrace l’histoire de la Perse peut être considéré comme l’une des oeuvres littéraires majeures en Iran, à l’égal de L’Iliade et L’Odyssée en Grèce.
L’histoire du roi Minoutchehr est en fait le septième chapitre du Livre des Rois. La traduction en français qui figure dans l’ouvrage édité par Henri Piazza en 1919 a été réalisée par Jules Mohl (1838-1878), membre de l’Institut et professeur au Collège de France, alors que Le Livre des Rois connaît un regain d’intérêt en Europe.
Le livre est illustré de 49 dessins en couleurs rehaussées d’or et d’argent par Michel Simonidy (1870-1933). Elève du peintre Léon Bonnat, cet artiste d’origine roumaine porté par un goût pour l’allégorie se fait également connaître par ses talents d’affichiste et d’illustrateur.
L’Histoire de Minoutchehr serait l’unique livre dont il a produit l’intégralité des illustrations, qui se caractérisent par un style orientaliste.
Que fédèrent mieux l’esprit et la mémoire d’un peuple, d’un pays, d’une nation que son art, son architecture, son histoire et ses mythes et bien entendu sa littérature.
Près de nous, L’Iliade et l’Odyssée pour les Grecs anciens, la Bible pour le peuple juif, la Chanson de Roland pour la France. Bien entendu il existe moult autres exemples selon les cultures et traditions, et des héros de romans sont mêmes devenus des héros (hérauts) nationaux voire transnationaux se moquant des frontières arbitraires nées des divisions de l’histoire .
Cependant, notre temps est à certains égards bien triste et s’étiole , tout du moins la vision du monde est faite de replis identitaires porteurs de nuées funestes. Une forme d’ethno-nationalisme frétille à bas-bruit. Le champ politique n’est pas épargné et le parti lepéniste et ses « idiots utiles » en France caracolent dans des sondages. Rappelons toutefois, quant aux sondages, que la ligne d’horizon est une ligne imaginaire qui recule à mesure que l’on se rapproche d’elle !
Une surdité-cécité-mutité irréelle nimbe nos imaginaires européens comme les empêchant de découvrir des horizons plus vastes, généreux, semblables parfois selon les apparences et différents, voire déconcertants d’autres fois. Le handicap de la connaissance de la langue d’autrui, mais surtout une acculturation et un manque d’appétence globale bien française au demeurant pour l’autre aujourd’hui, (l’ alienus latin ou l’alien anglais , l’étranger, même origine) constituent les signaux avertisseurs, les prolégomènes, de ce dessèchement conceptuel. La France terrienne opposée à la France maritime, concept « braudelien » par essence, dont on n’arrive pas à s’en sortir)
Paradoxe effarant et aberrant au temps de la mondialisation, et en ce temps particulièrement de COVID où tout un chacun est empêché de voyager. Les combats pour les émancipations de naguère, décolonisation du Tiers-Monde, luttes contre le racisme et la xénophobie, droit des femmes pour l’égalité, prennent des tournures parfois inattendues, paradoxales et iconoclastes.
La littérature persane
Revenons cependant à notre point de départ, les littératures et les arts, telle cette vente organisée par PIASA nous conduit à réfléchir. En tout premier la littérature persane dont le peintre Michel Simonidy (1870-1933) s’inspire à travers l’illustration du Livre des Rois le Shahnameh شاهنامه. Un livre phare, tout aussi puissant que L’Iliade et l’Odyssée pour le monde gréco-romain et dont nous sommes les héritiers, ou le roman Au bord de l’eau 水滸傳 pour la littérature chinoise. La Perse si riche de littérateurs ou de poètes. Des noms illustres, le poète Nizami, Saadi, l’ auteur du Verger, Omar Khayyam que nous avons célébré à plusieurs reprises dans WUKALI, ou Rûmi, fondateur du soufisme.
Comment aussi ne pas mentionner le Cantique des oiseaux, منطق الطیر, Mantiq at-Tayr, fabuleux recueil poétique écrit et publié par Farîd al-Dîn Attâr en 1177 (connu aussi sous la traduction La conférence des oiseaux). Belle occasion de mentionner le merveilleux et sublime travail d’édition réalisé sur ce livre par les éditions Diane de Selliers, illustré par les chefs-d’oeuvre de la miniature persane.
Car nous voici tout doucement arrivés au point de coalescence, de fusion, entre littérature et peinture, entre musique et spiritualité, les illustrations faites par Michel Simonidy et qui feront très prochainement d’une mise aux enchères par la maison PIASA, nous en fournissent l’heureux prétexte.
Michel Simonidy en effet est un bon artiste, de ceux que l’on pourrait qualifier d’artiste des interstices, c’est à dire dont le travail pictural est de grande qualité mais dont la mémoire ne s’est pas inscrite dans la postérité, sauf dans le monde érudit des collectionneurs et des marchands !
Car il ne faut pas s’y tromper, Somonidy est un grand, un bon ! Faut-il rappeler qu’il fut l’élève de Bonnat ( musée Bonnat de Montpellier) lui même élève d‘Eugène Delacroix. Pour s’en convaincre observons le dessin Ils abrégèrent la nuit par le festin. Si ce dessin n’est pas directement inspiré de Delacroix, bigre que la grande Tarentule m’emporte ! La filiation est évidente, tout y est!
La femme accroupie au centre du côté gauche, n’est- elle pas à trouver dans la Noce juive ou dans Femmes d’Alger dans leur appartement , et cette hétaîre aux seins nus au centre ne peut on y voir une Liberté guidant le Peuple, et que dire des décors, des bijoux très Mort de Sardanapale.
Simonidy est aussi un grand illustrateur, « un bon faiseur » comme l’on disait autrefois. Le terme « illustrateur » dans le domaine de l’histoire de l’art est une espèce de cache-sexe hypocrite qui tend à dire, sans le dire » il n’est pas mauvais, mais pas bon cependant ! » Tel n’est point en tout cas ma position.
A cet égard il serait intéressant de relire certaines chroniques publiées dans WUKALI sur les maîtres de la bande dessinée ( nous ne manquerons pas de les republier)
Et puisqu’on est dans des accommodements sensibles, Simonidy n’est pas loin non plus d’un Gustave Moreau. Pour s’en convaincre observons dans le même dessin le Bodhisattva posé sur la table de droite. Nul doute « il illustre bien » et possède la maîtrise de la gouache et de l’aquarelle.
C’est d’ailleurs dans la maîtrise de ces techniques d’aquarelle et de gouache, dans cette expertise des limites, dans cette relation parfaite et absolue de la pénurie et du manque en opposition au symphonique des matières et des couleurs, aux débordements, que s’expriment quelque part le génie et le grand talent. Nous en sommes pleinement convaincus.
L’orientalisme
Nous ne traiterons de l’orientalisme qu’en quelques lignes. Le sujet nous le savons bien pourrait et fait l’objet de livres entiers. Si ses prémices apparaissent à la fin du 18è siècle, c’est au siècle suivant qu’il prend sa véritable identité. Il est avant tout hétérogène et s’y côtoient « pompiers » ennuyeux et ridicules, excellents praticiens et coloristes, les épigones de Delacroix ou d’Ingres. Pour les uns, c’est le monde ottoman ou l’Égypte qui suscitent les fantasmes les plus débridés, pour d’autres la quête de nouveaux imaginaires géographiques le plus souvent mythifiés. Il est d’évidence l’expression d’un renouvellement thématique qui se cherche et d’une reconstitution de société après la fin de l’épopée napoléonienne.
La connotation sensuelle et érotique autour de la représentation de la femme constitue et sa ligne de force et sa faiblesse. La soupape autorisée d’une société corsetée et puritaine qui trouve son oxygène dans la projection érotique de ses fantasmes refoulés.
Alors, où placer le curseur, comment ségréguer : le talent vous dis-je, le talent ! Démago que je suis!
Ah, rêve étrange pénétrant !
- Vente aux enchères
Mercredi 14 avril à 15h au mardi 20 avril à 19h
Enchères en ligne sur:
www.piasa.fr