Le Cercle de l’Harmonie, en résidence pour la troisième année au Grand Théâtre de Provence, fait parler de lui. Créé en 2005, il se situe désormais au plus haut niveau des formations d’instruments d’époque. Les musiciens, sous la baguette du chef Jérémie Rhorer, ont offert deux soirées d’exception ces mardi 23 et mercredi 24 novembre 2021.
Brahms symphonie n°1 en ut Mineur
Brahms et Bruckner à l’affiche et beaucoup de jeunes gens dans la salle. Cela fait plaisir à voir, et prouve si besoin était, que la musique classique peut réunir tous les publics. Il faut dire que Jérémie Rhorer donne envie de le suivre. Certes il est jeune, mais pas seulement. Sa générosité et sa ferveur sur scène sont palpables.
Quelle bonne idée de réunir dans le même programme la symphonie en ut mineur n° 1 de Brahms, et la symphonie n° 2 de Bruckner. Déjà, c’est intéressant de savoir qu’elles ont été écrites la même année, et, sachant cela, on s’intéresse de plus près encore à leurs spécificités, leurs orientations esthétiques, leurs correspondances dans ce romantisme allemand si profond et exalté. On vous le disait, l’approche de Jérémie Rhorer est évidente, claire et enthousiaste, que ce soit pour la première symphonie comme pour la seconde.
On aura particulièrement aimé la première, sans doute parce que l’on aime Beethoven qui ne semble pas très loin. On entre dans le vif du sujet, dès l’introduction, mystérieuse et inquiétante. Les timbales sont bien présentes pour ajouter un supplément d’angoisse, car il s’agit bien d’un Brahms mélancolique et sombre, que l’on reconnait aussi pour ses chants et sa poésie si caractéristique. Bois, cuivres, cordes, tout est magnifiquement organisé dans cette symphonie d’une complexité et d’un lyrisme admirables. La thématique est claire, le souffle de la nature s’exprime avec vigueur, et face à elle l’homme, toujours, entre déchirements et déclarations d’amour…
On réalise à quel point ces quatre mouvements sont riches et complexes. Des liens se tissent, se nouent, entre les motifs, les couleurs de l’orchestre, toujours au diapason. Le climat se fait tour à tour mystérieux, solennel, et là, on se rapproche encore de Bruckner. Sans doute parce que le chef nous livre un Brahms plus secret encore, comme s’il voulait nous faire entrer dans la confidence. On reçoit ce quatrième mouvement comme un souffle formidable venu des profondeurs de l’âme.
Anton Bruckner Symphonie n°2 en ut mineur, WAB 102
Après l’entracte, la symphonie n°2 de Bruckner nous installe dans ce climat mystérieux auquel Brahms nous a habitué en première partie. On s’y complait dirions-nous même, car ainsi dirigé par le chef, les émotions les plus fortes sont autant d’offrandes musicales que l’on reçoit avec bonheur. On a toujours l’impression que quelque chose va se passer et c’est ce qui nous tient en haleine.
Quel bel équilibre sonore entre les différentes parties. La brillance des cuivres est à souligner, de même que l’on entend, chose plus rare, un magnifique solo de cor. Dans l’œuvre de Brahms, le cor y est sans doute davantage sublimé. De nombreuses partitions témoignent de l’amour que le compositeur avait pour cet instrument. e pendant chez Bruckner, cette partie est également complexe et le jeu du corniste est impressionnant. Dans cette sublime partition, on gardera longtemps à l’esprit le finale qui reprend plusieurs thèmes entrevus.
C’est assurément une symphonie importante dans l’œuvre de Bruckner, et on s’étonne qu’elle soit si peu connue. Ce concert était une vraie réussite, et on la doit sans aucun doute au chef d’orchestre qui respecte merveilleusement les différentes composantes de ces deux symphonies. Il a su rendre cohérent et harmonieux le jeu de ses musiciens. On s’émerveille de cette belle entente entre tous et le public a apprécié ce cadeau rare, à en juger les applaudissements nourris à la fin du concert.