Encore un auteur belge, et pas n’importe lequel car Thomas Gunzig est un des écrivains les plus connus du petit royaume. D’ailleurs son œuvre est déjà traduite dans de nombreux pays de part le monde. Et il suffit d’avoir lu un de ses livres pour comprendre son succès. On est loin à bien des niveaux d’Armel Job ou d’Amélie Nothomb, tant au niveau du style que des réflexions sur la nature humaine, mais l’auteur nous mène sur d’autres chemins, nous ouvre à d’autres perspectives.
Dans son dernier roman, Le sang des bêtes, aux frontières de la science-fiction,Thomas Gunzig nous amène à nous poser LA question que nous nous sommes tous posés : qu’ai-je fait de ma vie ? Et bien sûr en filigrane, enfin plus exactement comme sous-catégorie contenue dans cette question globale : suis-je vraiment libre de mes choix, de ma vie ? Le libre arbitre, bien sûr. Pas le théologique sous les pas de Saint-Augustin, non plutôt celui issu des travaux de la psychanalyse. Pensons aux travaux d’Anne Ancelin-Schutzenberger contenus dans Aïe mes aïeux !, car le héros, au fil de l’histoire en apprend beaucoup sur les traumatismes vécus et cachés de son géniteur.
Voyons donc, soit, ce dernier Maurice ressasse continuellement son terrible passé de juif polonais rescapé de la barbarie nazi et culpabilise toujours de sa « lâcheté », quand il sauvé sa peau par peur lors de l’accident de voiture qui a coûté la vie à son épouse.
Tom, le héros de ce roman se sent pris dans la culpabilité d’être lâche, d’être juif, ce n’est pas pour rien qu’il passe son temps dans des salles de musculation, il veut se sculpter un corps qui l’éloigne de son aspect sémique. Des millénaires de culpabilité pèsent sur ses épaules (bien entretenue par son père) et il veut trouver la force d’alléger ce fardeau.
Tom est vendeur dans une boutique de produits pour le culturisme, marié, il a un fils qu’il a du mal à comprendre (surtout que ce dernier est assez hermétique au sport) qui vit une crise avec sa petite amie, la belle Jade, caricature du « wokisme », « iel » et autre éco-féminisme. Les relations entre elle et ses beaux-parents sont plus que tendues, il faut dire qu’il est impossible de pouvoir discuter tant Jade est une idéologue, enfermée dans ses principes, dans ses croyances qui n’admettent aucune critique, aucune concession. Des Jade, on en rencontre de plus en plus, elle est criante de vérité, symbole d’une génération occidentale en manque de repères, où plus exactement qui ne reconnaît pas les valeurs de leurs aînées et qui s’en créent de nouveaux, en opposition aux anciens.
Et puis un jour, Tom ose, ose sortir de ce qu’il considère être sa lâcheté. Devant sa boutique, il voit un homme humilier une jeune femme et il intervient. Il se retrouve avec une personne sans papier, disant s’appeler N7A et étant une vache à apparence humaine créée par son propriétaire. L’apparition de N7A dans le cercle familial va entraîner de fortes perturbations dans l’univers familial entre rejet, incompréhension, acceptation de la différence. Et si elle était vraiment le résultat d’une manipulation génétique ?, d’autant que N7A est dotée d’une force extraordinaire et qu’elle ne pense qu’à soulever des choses lourdes car elle se sent libre et heureuse quand elle le fait.
Tom va surmonter ses démons, accepter d’être celui qu’il est, pardonner à son père et retrouver sa femme.
Tout cela est servi avec humour, dans un style clair, limpide. Chaque chapitre porte le nom d’un muscle et à la fin de ce court roman vous en saurez beaucoup, beaucoup plus sur les compléments alimentaires pour avoir un corps musclé.
A la lecture de ce récit, on comprend sans mal que Thomas Gunzig est aussi un scénariste. Il n’aura aucune difficulté à l’adapter pour le grand écran.
Le sang des bêtes
Thomas Gunzig
éditions Au Diable Vauvert. 16€