L’histoire des sciences ( et quelque soient celles-ci) révèle souvent des aspects inattendus, voire cocasses. En effet si chacun connait l’histoire de la baignoire d’Archimède et la théorie qui lui fait suite (à défaut d’en donner la démonstration par le théorème), ou la pomme de Newton, les découvertes dans le sens le plus basique, pour utiliser un terme à la mode, sont l’aboutissement parfois du pur hasard. Ainsi en est-il de la grotte de Lascaux, trouvée par des gamins qui s’étaient aventurés pendant l’été 40 dans des grottes près du village de Montignac en plein Périgord, ou plus près de nous de la grotte Cosquer, du nom de son « inventeur » ( c’est le mot) qui faisait de la plongée sous-marine dans une calanque proche de Marseille. Un de mes amis aquitains qui se reconnaitra lui-même dans ces lignes, aime à parler de la sérendipité !
Mes pérégrinations médiatiques récentes pour ma revue de presse m’ont amené à prendre connaissance d’une découverte ou plus précisément, nous allons le voir, d’une redécouverte d’un fabuleux site paléontologique au Brésil. En effet un site pour le moins prometteur nommé Cerro Chato et qui avait été mis à jour en 1951 par Emmanoel A. Martins et Mariano Sena-Sobrinho, et localisé à proximité avec la frontière de l’Uruguay, soit dans l’état du Rio Grande do Sul ( qui ne dira jamais assez la beauté de nos langues latines et des accents qui les portent).
Oui mais voilà, c’était en 1951 et les instruments de géolocalisation qui nous sont familiers tels le GPS aujourd’hui n’existaient pas ( ineptie, je le reconnais, que de le préciser!). Qui plus est c’était au Brésil, dans l’immensité de la forêt tropicale! Tant et si bien que les scientifiques, les paléontologues, ne furent pendant des dizaines d’années jamais capables de retrouver le site qui semblait s’être perdu dans un sommeil mouillé d’éternité verte, et installé dans un silence déchiré de temps à autres par les cris des singes hurleurs.
Mais depuis 2019, eurêka, après de nouvelles investigations menées par une une équipe scientifique composée de chercheurs de trois universités de l’état du Rio Grande do sul, le site a enfin été retrouvé, et surtout de nouvelles strates sédimentaires ont été explorées. Ainsi le dit affleurement de Cerro Chato correspond précisément à des dépôts correspondant au Permien moyen/final. Il est localisé au nord-ouest de la ville de Dom Pedrito, coordonnées géographiques 30° 53′16 » S 54° 54′ 50 » W, et se trouve sur un plateau d’environ 190 mètres d’altitude.
Un site riche (très riche même), de fossiles datant du Permien soit une période (cliquer) qui s’étend de 299 millions d’années à 251 millions d’années. Les premiers fossiles à avoir été trouvés en 1951 provenaient essentiellement de plantes, de quelques poissons et de mollusques. Cependant l’opiniâtreté des chercheurs brésiliens étaient restée intacte à travers le temps, convaincus qu’ils étaient que les mises à jour faites n’étaient que la partie immergée d’un iceberg.
En outre, ce qui s’est passé sur sur ce site voilà des millions d’années télescope étrangement notre actualité et nos préoccupations contemporaines. En effet, il faut savoir qu’à la fin du Permien, un changement de climat est intervenu sur la Terre qui a fait disparaître près de 90% du vivant. Ainsi l’on estime que près de 90 % des espèces marines et plus de 70 % des espèces terrestres furent anéanties, soit la plus grande extinction de masse jamais connue de toute la planète. Certaines hypothèses avancées imputent ce phénomène à des pluies acides provoquées par des éruptions volcaniques localisées dans l’actuelle Sibérie.
Les résultats de ces fouilles viennent de faire l’objet d’une publication dans le bulletin d’information de la Société brésilienne de paléontologie (Cliquer), nous vous en présentons une synthèse.
Quelques données
Qu’y apprend-on ?
Historiquement, les gisements fossilifères situés dans l’État de Rio Grande do Sul se distinguent par l’abondance et la diversité des organismes qui ont habité la région au cours des temps géologiques, notamment en ce qui concerne les gisements fossilifères d’âge Permo-Trias. Ainsi, dans la région centrale de l’État, où se trouve la municipalité de Santa Maria, on enregistre l’une des plus importantes concentrations de vertébrés fossiles du Trias au monde (Schultz et al., 2020). Certaines municipalités voisines, comme Mata et São Pedro do Sul, sont connues pour révéler du bois fossilisé, souvent de grande taille, éventuellement trouvé en position de croissance (Minello, 1995), et Mata est considéré comme l’un des sites paléobotaniques les plus importants d’Amérique du Sud (Guerra-Sommer & Scherer, 2000).
Au niveau mondial, l’extinction qui a mis fin à la période permienne (~298 Ma – 254 Ma) marque la disparition de plus de 90% des espèces vivantes (Benton & Harper, 1997) et est reconnue comme la plus grande extinction de masse dans les archives géologiques. Les événements qui ont entraîné cette extinction font encore l’objet de débats, mais les hypothèses les mieux étayées incluent des changements environnementaux, climatiques et paléogéographiques, des épisodes d’anoxie dans les océans ( diminution de la quantité d’oxygène), le réchauffement de la planète, le volcanisme et d’éventuels impacts extraterrestres.
Une combinaison probable de plusieurs de ces facteurs a gravement affecté les environnements marins et terrestres (Yin et al., 2007). Étant donné que les processus qui ont déclenché cette extinction majeure, ainsi que la réaction du biote ( i-e: vie animale et végétale) à cet événement, ne sont pas encore totalement compris, les études menées dans les régions où affleurent des roches de la période permienne constituent une occasion prometteuse de récupérer des données sur cet intervalle particulier de l’histoire de la vie sur Terre. Elles permettent aussi de comprendre la biologie des organismes qui ont été éliminés ou qui ont survécu à l’extinction. Dans ce contexte, les gisements fossilifères présentant une préservation exceptionnelle et une grande représentativité biotique sont particulièrement intéressants.
Ces couches se sont avérées présenter l’enregistrement de nouveaux macrofossiles de lycophytes ( plantes supposées apparentées aux fougères), de ptéridophytes ( plantes ne produisant ni fleurs ni graines) et de sphénophytes ( plantes comprenant l’ensemble des prêles), du bois fossilisé ainsi que des écailles de poisson.
L’affleurement de Cerro Chato est un site fossilifère important pour comprendre les changements environnementaux qui se sont produits au cours du Permien dans le bassin du Paraná. Le site préserve un contenu fossilifère unique, documentant une association abondante de fossiles représentatifs de la flore voisinant avec des systèmes lacustres et lagunaires au cours de la continentalisation des systèmes de dépôt du Gondwana.
Les études se poursuivent et feront l’objet de nouvelles publications, nous ne manquerons pas bien entendu d’en faire état dans les colonnes de WUKALI.