Dionysos vient de mourir, noyé. Qui peut bien avoir voulu le tuer ? Il va essayer de le savoir, de comprendre avec l’aide d’une hirondelle. Dionysos est égyptien du côté de son père, grand prêtre du Dieu Path et grec du côté de sa mère, décédée alors qu’il était bien jeune et dont il a hérité d’entrepôts dans le port de Naucratis. Il est amoureux de la belle Isis, mais poussé par sa passion des livres et de la culture, il quitte sa ville natale et son amour pour se rendre dans la nouvelle ville que vient de créer Alexandre le grand : Alexandrie.
Ce n’est qu’un chantier, un immense chantier dirigé d’une main de maître par le nouveau pharaon, Ptolémée, un des principaux généraux d’Alexandre. Tout naturellement il se retrouve à travailler dans cette nouvelle institution qui est le Musée et plus particulièrement à la bibliothèque dont le but est de réunir tous les écrits du monde connu. De par sa double culture, il a en charge les traductions en plus de sa responsabilité du classement. Il est éloigné de la cour royal, bien que proche du pharaon, d’autant que son ami Démétrios, chassé d’Athènes est devenu le principal conseiller du monarque. Alors, il est aussi victime de certaines intrigues de cours. L’assassin ne serait-il, pas un de ces courtisans dont il a fait de l’ombre sans le vouloir ? Où un jaloux ? Il faut dire que Ptolémée va lui confier une mission qui va marquer l’Histoire : il a pour mission d’aller à Jérusalem pour convaincre le grand Pontife du Temple d’envoyer des savants à Alexandrie pour traduire la Bible en grec. Cette entreprise va être un grand succès, enfermés dans l’île de Pharos, ils vont commettre ce qui sera le texte de référence pour toutes les religions du Livre. Mais certains juifs traditionalistes sont violemment contre cette entreprise, Dyonisos n’est-il pas devenu, à son corps défendant, le symbole de cet acte considéré comme impie ?
La succession de Ptolémée amène une série de troubles, en effet, son successeur, Ptolémée II n’est pas son fils légitime mais celui de sa maîtresse la très ambitieuse Bérénice. Malgré les craintes, il s’avère que le nouveau Pharaon s’inscrit totalement dans l’héritage de son père, du moins en ce qui concerne la construction d’Alexandrie et la quête du savoir universel. Démétrios tombe en disgrâce avant de disparaître mystérieusement, Dyonisos, quant à lui, même s’il n’est pas dans le cercle des proches du monarque se voit confier une mission très importante : ramener à Alexandrie la bibliothèque d’Aristote. Mission à multiples rebondissements dont le résultat est loin d’être à la hauteur de espérances du Roi. En plus Dyonisos se lie d’amitié avec le jeune Aristarque de Samos (dont il est charnellement attiré en plus) et se fait le défenseur de la théorie que le jeune homme développe : l’héliocentrisme, et ce plus de 1 800 ans avant Copernic !. Théorie qui entre en contradiction avec la pensée du Maître Aristote pour qui c’était le soleil qui tournait autour de la terre. Aller contre Aristote dans ce milieu du Musée, à cette époque était faire preuve d’une véritable hérésie avec toutes les conséquences que cela pouvait entraîner, la tolérance était loin d’être une vertu développée par les aristotéliciens ! Alors, l’assassin est-il un membre de ce cénacle, voire Ptolémée lui-même ?
Ce roman se situe à un moment précis de la culture occidentale, l’utopie, car, de fait cela en était une, qu’a représenté la création du Musée et de la bibliothèque d’Alexandrie, cette volonté de réunir en un endroit tout le savoir de l’époque, et ce sans aucun a priori, du moins au début. La traduction de l’Ancien Testament en grec a fait évoluer bien des connaissances, des conceptions théologiques dont nous sommes encore les héritiers. Tout cela grâce à la volontés des premiers Ptolémée, pétries de culture grecque en générale et aristotélicienne en particulier (d’où les quelques problèmes que rencontre Dionysos, platonicien).
Mais cet idéal est servi par des êtres humains qui portent en eux bien des côtés sombres comme l’envie, la jalousie et surtout l’intolérance véhiculée essentiellement par les moins « savants », par les moins « doués » qui deviennent les gardiens d’un savoir immuable qui ne peut évoluer. Toute l’Histoire est pleine d’êtres de cette engeance et notre époque, hélas, hélas, hélas, aussi. Sans aller vers les orthodoxes religieux (aussi bien musulmans, juifs que bouddhistes, chrétiens et autres), il suffit de lire les réseaux sociaux pour en trouver un nombre infini. La crise sanitaire de la covid 19 en est le meilleur exemple ! Le savoir contre l’ignorance ; le travail, souvent ingrat, contre des vérités toute faites qu’il suffit de rabâcher sans les comprendre, ce combat a commencé dés que l’humanité a essayé d’apporter des réponses aux questions existentialistes qu’elle se pose.
La culture grandit l’être humain, mais encore faut-il accepter à s’y investir, à travailler, à avoir l’esprit toujours ouvert, même face à ce qui est contraire à l’évidence, à ses connaissances.
Les lumières d’Alexandrie
Marie Still
éditions Les 3 colonnes. 26€