Nelson Goerner rendait hommage à Radu Lupu avec des compositions ambitieuses en diable !
Quelle soirée ce samedi 13 août au Parc de Florans, de ces moments musicaux, de ces partages, de ces « barricades mystérieuses« , qui font du festival international de piano de La Roque d’Anthéron, un festival unique.
Avec les Ballades de Chopin, nous entrons dans l’intimité d’une épopée toute intérieure, et cela correspond si bien à Nelson Goerner, qui nous procure à nous dans le public, autant qu’à lui devant son piano, une grande émotion. Il est tout à son plaisir et nous le prouvera avec générosité à la fin du concert, avec 4 bis hallucinants. Nous y reviendrons.
Dans Chopin, nous avons l’impression de tout entendre, d’être au contact avec la musique, intimement, étroitement. Nelson Goerner a un talent prodigieux. Nous aimons ses récitals et il nous révèle chaque fois un peu plus de lui et des compositeurs qu’il choisit de nous présenter. Il excelle quel que soit le registre, et nous l’aimons également dans l’expression de la douleur. Peut-être y voyons-nous quelque influence de son pays, l’Argentine.
Le pianiste, curieux de tout, se nourrit de littérature, de poésie, de cinéma et de tango ! Bref, ce monde sonore intime, personnel, douloureux, si présent du côté de Buenos Aires, c’est tout cela aussi Nelson Goerner. Cela ne nous étonne guère que nous retrouvions ces inspirations et ces humeurs dans ses interprétations. C’est ce qui a dû séduire la grande Martha Argerich, elle aussi argentine. Enthousiaste, elle a permis au jeune pianiste de venir en Europe. Repéré et pas par n’importe qui ! D’autres « grands » ont croisé sa route. Aussi, on s’étonne, même si sa carrière est magnifique, qu’il ne soit davantage propulsé sur le devant de la scène. Il est des mystères…
Ces Ballades requièrent une grande technique pianistique et une dextérité remarquable car certains passages sont rapides et turbulents. Lors des concerts, nous aimons regarder les doigts des pianistes, et ceux-là sont particulièrement éloquents ! Tout semble contribuer à émettre le beau son, de la main jusqu’aux épaules, des poignets jusqu’au corps tout entier. C’est comme si un fluide magique se propageait du pianiste au piano. Nous sommes du reste séduit par la sonorité chaude de l’instrument, par la richesse des couleurs que Nelson Goener nous livre. Il passe avec brio par des moments calmes et mélancoliques à des moments plus intenses où les grandes envolées lyriques de ces pages monumentales nous embarquent littéralement. On pense à la Ballade n°2, avec ses magnifiques épisodes de douceur et de force et le pianiste de se transformer en un intarissable conteur. L’histoire se poursuit fiévreusement dans la 3ème, que l’on aime particulièrement pour son atmosphère si singulière, sa poésie. Cela convient bien au poète Goerner. La 4ème impressionne par tous ses rebondissements, mais aussi l’éloquence, l’énergie et la faciligé avec lesquelles le pianiste nous présente cette dernière balade, sans doute la plus riche, un chef d’œuvre à part entière.
Après une courte pause, Nelson Goerner poursuit avec Schumann : Études symphoniques opus 13. Il s’agit de l’une des oeuvres les plus grandioses du répertoire romantique. Une approche toute spirituelle de la musique que Nelson Goerner jouera de manière admirable. Il a cette façon si personnelle de naviguer dans la partition, entre les transitions et les ruptures aussi périlleuses qu’improbables, nécessitant un jeu rocambolesque entre ces variations aux caractères si contrastés. Le pianiste y montre toujours la même dextérité, sans « déballage », sans dénaturer la partition. Nous revenons aux doigts du virtuose, à son toucher qui nous laisse entendre chaque note. Chacune, en se matérialisant, nous guide dans ce carnet d’humeurs, de l’étude 1 à l’étude 12 (le finale), l’allegro brillante et son chant triomphant. Décidément, cette approche spirituelle de la musique convient à merveille à l’élégant Nelson Goerner
Il est ému lorsqu’il s’adresse à nous pour son premier bis.
Brahms : Intermezzo Op.118 n°2 en la Majeur que Radu Lupu aimait souvent donner en bis à la fin d’un concert. Une pièce d’une exquise douceur. On entre dans la confidence d’un magnifique trio, Brahms, Nelson Goener, Radu Lupu.
Le public ovationne et Nelson Goener est heureux.
Chopin : 12 Études Op. 10 n°4 en ut mineur « Torrent »
Schubert : Sonate n°13 en la Majeur D664 : 2 Andante
et un Liszt fantasque qui nous a fait vibrer avec la Rhapsodie hongroise n°6 en ré bémol Majeur S. 244
Quelle soirée ! Mille mercis !
Au programme ce soir là
Chopin : Ballade n°1 en sol mineur opus 23
Chopin : Ballade n°2 en fa majeur opus 38
Chopin : Ballade n°3 en la bémol majeur opus 47
Chopin : Ballade n°4 en fa mineur opus 52
Schumann : Études symphoniques opus 13