Accueil Livres, Arts, ScènesHistoire Ici les lions de Katerina Poladjan, un roman en Arménie

Ici les lions de Katerina Poladjan, un roman en Arménie

par Émile Cougut

Il est aux fins fonds de l’Europe, au pied du mont Ararat, un petit pays qui fut un des foyers du christianisme, un puissant empire au Moyen-Âge, un territoire dévasté par le premier génocide du XXème siècle, une république soviétique, et qui essaie de survivre depuis son indépendance, survivre à la guerre contre un de ses voisins, survivre à la corruption d’une classe politique à la moralité douteuse, tout en maintenant une démocratie. Ce petit pays, c’est l’Arménie et sert de toile de fond au roman de Katerina Poladjan : Ici, les lions. De par son nom de famille, on comprend que ce roman est inspiré par l’histoire familiale de l’autrice : née à Moscou, ayant grandie à Rome et à Vienne, habitant à Berlin : n’est-ce pas la destinée de bien des membres des diasporas dont les ancêtres ont été obligés de s’exiler pour pouvoir vivre ?

Helen Mazavian, restauratrice de livres anciens vient passer quelques mois à Erevan pour apprendre la technique de la reliure arménienne et restaurer une « bible de guérison », ce livre transmis de génération en génération qui aurait le pouvoir de guérir les malades. Livre religieux avec ses magnifiques dessins mais aussi les traces écrites, les traces de toute sorte laissées par les propriétaires successifs ce qui permet de se plonger dans l’histoire, le passé de ces anonymes qui ont vécu, aimé, souffert. A son contact, Helen laisse son esprit divaguer et imagine l’Odyssée de deux enfants Anahid et Hrant fuyant, avec ce livre, les massacres de la population arménienne.

Helen a laissé à Berlin, Danil, son amoureux avec qui elle entretient une relation intellectuelle par le biais du téléphone. Pour autant elle se laisse aller à avoir une relation physique avec Levon, le fils de la responsable du service où elle travaille, un contrebassiste dans un orchestre de Jazz mais aussi officier dans l’armée arménienne, père d’une petite fille. Elle rencontre aussi d’autre personne comme Ano, une réfugiée syrienne d’origine arménienne, Vardan, un restaurateur, homosexuel, obligé de partir en Suède pour assumer sa sexualité et quelques autres qui lui permettent de mieux comprendre les mentalités, les règles de vie de l’Arménie. Mais aussi de comprendre, de toucher ses racines. Il faut dire que Sara, sa mère, une artiste peintre dont l’œuvre est basée sur le génocide (ce qui a quelque peu traumatisée Helen quand elle était petite fille), lui a demandé de retrouver des membres de la famille encore vivants à partir d’une veille photographie.

Bercée par l’Histoire de l’Arménie, le mont Ararat, les paysage, sa fascination pour sa « bible de guérison », elle entame sa quête personnelle.

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Récit plein de poésie, cri d’amour pour l’Arménie qui exerce une forte fascination par l’autrice qui est comme envoûtée par ses paysages et ses mentalités, Ici, les lions nous plonge dans un monde si proche et si lointain que le nôtre. Le récit de l’errance d’Anahid et de son petit frère Hrant est d’une grande beauté, leçon de survie et d’espoir, espoir en la vie dans un univers de mort et de terreur. En plus, vous apprendrez beaucoup sur la restauration des livres, les techniques, les produits, etc., sur ce travail de l’ombre qui permet de sauvegarder les traces du passé, de l’Histoire, de notre histoire.

Un très beau roman, remarquablement bien traduit par Corinna Gepner qui, par sa maîtrise parfaite du français, a su restituer le style, le rythme de cette histoire.

Ici, les lions
Katerina Poladjan
Traduit de l’allemand par Corinna Gepner
éditions Rivages.21€

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Illustration de l’entête: le Mont Arara

                                                       

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