Ce samedi 10 février à 15h30, le tableau de Claude Monet, Le printemps, a été l’objet d’un acte de vandalisme. Deux militantes du groupe Riposte alimentaire ont aspergé de soupe la toile vitrée peinte en 1872. Immédiatement après l’incident, la salle où était exposée l’œuvre a été évacuée et la police nationale a interpellé les deux protagonistes.
Un constat d’état du tableau sera réalisé et suivi d’une restauration. Le musée va déposer plainte pour acte de vandalisme.
Demain dimanche 11 février, les salles présentant les œuvres impressionnistes du musée seront fermées au public.
Barbarie iconoclaste, impuissance conceptuelle, mimétisme grégaire, depuis un certain temps et de par le monde, des abrutis de tout acabit accaparent l’attention en se livrant à des déprédations, à des saccages sur des oeuvres d’art. Tout est dans la mise en scène. Les téléphones portables et les réseaux sociaux deviennent les vecteurs de ces démonstrations de vandalisme accomplies aux prétextes les plus manipulateurs. L’autre est nié, «moi je» et débrouillez-vous avec ! Aucune rationalité, absurdité d’une attitude qui n’a de légitimité que par la puissance du nombre de ceux qui en seront informés. Égalitarisme de l’information qui se diffuse comme un reflux sur des terres inondées, mais des eaux glauques et noires.
Des militants et militantes ( convient-il de le souligner, l’égalité des sexes dans sa plénitude absurde ! ) aspergent de peinture, ou de soupe au légumes ( pour le côté écolo, on en rirait si ce n’était si bête !), telle ou telle oeuvre et bien entendu comme des trophées se font photographier devant leurs crimes.
Ah les cons, ah les connes!
Comme écrirait Lacan mis en actualité par une exposition au Centre Pompidou-Metz,1 conne (ce sont des militantes femmes qui ont commis cet acte de vandalisme au musée des Beaux-Arts de Lyon) s’écrit avec 2N. Microcosme contre macrocosme.
Mais loin de la haine, c’est de la bêtise dont il s’agit. Car quelle différence entre ces viandards carabines à l’épaule et posant comme Tartarin derrière leurs gibiers à poil ou à plumes gisant au sol, ou ces animaux d’Afrique tirés comme des pipes en terre dans les stands forains, et ces immatures, découvrant la vitesse de la communication et de l’information et sa puissance d’influence. Il n’y en a pas, comme quoi l’écologie n’est ici qu’un prétexte !
Ce qui pourrait être au demeurant leur seule excuse, c’est le jeune âge de ces militantes juste arrivées au stade de la puberté.
Notre époque non seulement s’agite au-dessous d’un volcan 2, mais tout aussi grave sont ces périodes de bascule qui happent à cycles irréguliers l’humanité et la propulsent. Quand il s’agit de redonner du sens à une société qui se délite, c’est à qui crie le plus fort, et le plus vociférant se croit le ou la meilleure et n’a cure des autres, c’est aussi le temps des populismes. Ces donneuses et donneurs de leçons, dans leur inconscience activiste ( et je retiens mes mots), ne sont que des fascistes au petit pied ! Nul doute qu’ils ne sauraient accepter cette catégorisation politique, eux qui se présentent comme libertariens, progressistes, écologistes et révolutionnaires, épris d’idéaux mais méprisant des autres. Ces agitateurs impotents qui donnent bien au contraire par leurs actes aberrants du grain à moudre à ceux qui de l’autre bord ne rêvent que d’autorité aveugle et du musellement de l’état de droit. Des deux prismes du champ politique les extrêmes se rassemblent, feignant de s’ignorer.
Pourquoi ce sous-titre
Revenons sur le titre donné à ce chapitre précédent. Certes sa sémantique est du champ de l’invective et d’un langage populaire et vulgaire. Mais il a aussi une histoire toute particulière en France, les accords de Munich et le retour au Bourget le 30 septembre 1938 après les honteux accords de Munich avec Hitler d’Édouard Daladier, président du Conseil. Acclamé par les Parisiens venus l’accueillir au Bourget et qui croyaient en la paix, il marmonne dans sa voiture: « Ah les cons, s’ils savaient... ». Notre époque ressemble étrangement à cet avant-guerre. Le monde dans sa globalisation comme l’on dit, vit une période tellurique, des blocs se distendent, de nouveaux s’agrègent et c’est là où se trouve le danger. Quand les icebergs se détachent de la banquise, le Titanic n’est pas loin. Ainsi monsieur Daladier avait sans le savoir fait ce jour de septembre 38, et bien plus qu’il ne l’estimait alors, montre d’anticipation! Plus cocasse, il est ce jour là, par sa déclaration étonnée, par ce hoquet soudain revenu de vertu politique, passé dans l’Histoire !
Bouvard et Pécuchet3, diraient certains, nul doute nous y sommes, et le minimalisme conceptuel fait le miel des réseaux sociaux
Car ces militantes en pleine adolescence, ces jeunes-filles certes ne représentent qu’un microcosme futile, cependant leur démarche est représentative de notre environnement mental. Pourquoi pas moi, pourquoi pas nous ! Pour elles, il s’agit d’abord de se faire connaître, d’apparaître, de sortir du carcan du banal, d’exister au monde, de prendre leur envol et peu importe la manière. Tout est égal à tout… On ne sait trop bien hélas, vers où cela peut conduire !
En outre, et il nous semble plus qu’utile de le préciser, nous ne nous contenterons pas d’être des commentateurs de notre temps et jamais nous ne saurons nous résoudre à voir la lèpre de la haine, de la manipulation et du mensonge avancer et circonvenir l’inquiétude légitime des hommes et des femmes perdus et sans repères qui font société, pour accéder au pouvoir.
C’est au demeurant toujours fort intéressant de tenter des raccourcis historiques et de chercher des liens. L’idéal contre la raison, la fièvre révolutionnaire contre le réformisme. Rousseau contre Voltaire. Vieux débats de notre histoire, de nos arts comme de notre littérature, nous en connaissons tous les aléas !