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J’étais un héros un roman de Sophie Bienvenu sur l’addiction à l’alcool

par Émile Cougut

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Yvan est un personnage totalement antipathique : égocentré, pleurnichard, menteur, totalement irresponsable, faisant le mal à ceux qui l’aiment. Bon, soit, c’est un alcoolique profond ce qui explique beaucoup de choses dont son manque de volonté et sa déroute interne. Un homme en souffrance et qui a démissionné totalement, son seul univers c’est l’alcool et encore l’alcool, en quantité, pas en qualité. C’est d’ailleurs ce qu’en dit l’auteure franco-québécoise Sophie Bienvenu:  Je fais partie de ces auteurs qui écrivent toujours le même livre. Je suis attirée par les gens qui ne sont pas aimables au premier abord.

Yvan vient d’apprendre qu’avec la cirrhose qui vient de lui être détecté, il ne lui reste plus que quelques mois à vivre. Il ne veut pas mourir avant d’avoir revu sa fille, la prunelle de ses yeux, Gabrielle, qui ne lui a pas donné de ses nouvelles depuis dix-huit ans. Il passe son temps à pleurnicher sur lui-même qui a détruit le lien qui l’unissait avec sa fille à coup de mensonges et de promesses non tenues. Et pourtant, il était tout pour Gabrielle (qui a indéniablement quelques problèmes avec son complexe d’Œdipe), elle ne veut pas partir avec sa mère quand ses parents se séparent, elle essaie de sortir son père de son addiction à l’alcool. Mais pour ne pas sombrer, comprenant que l’on ne peut pas sauver quelqu’un même avec amour s’il ne le veut pas, s’il n’en a pas la volonté, elle préfère partir pour sortir de cet enfer et trouver ainsi son chemin.

Michelle, dite Miche, la colocataire d’Yvan essaie aussi de le sauver de tout son amour. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est ignoble avec elle, l’aimant, la haïssant, la torturant moralement. Son seul semblant d’affection est pour son chat, l’animal qu’il a récupéré et nourri à la seringue.

Après l’annonce de son décès programmé, deux destins s’ouvrent alors à lui. Il reste avec Miche, celle-ci prend contact avec Gabrielle, mais, elle préfère partir quand elle voit que son père n’a strictement pas changé. Mais il peut aussi partir, retrouver Gabrielle qui l’accueille chez elle, avec son mari et l’enfant qu’elle a eu. Mais, c’est plus fort que lui, il ment, déclare qu’il ne boit plus et omet l’échéance finale. En plus il est, dans ce cas là, d’une totale lâcheté eu égard à Miche. Son seul espoir c’est que l’adulte qu’est devenue Gabrielle soit toujours la petite fille qui le voyait alors comme son héros.

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De fait, dans les deux destins, Yvan est profondément le même : un alcoolique profond, menteur invétéré qui, s’il souhaite sincèrement remettre sa vie sur de « bons rails » est trop profondément détruit au tréfonds de lui-même pour pouvoir y arriver. Il est lucide, il se dégoûte, mais demande, exige de son entourage, qu’il soit le centre de leurs vies, ils doivent être à ses ordres, seulement là pour le calmer, assouvir ses désirs et calmer les démons qui le rongent sans qu’il ait à intervenir. Et de fait, avec Gabrielle et sa famille, il se comporte comme un manipulateur, sachant très bien toucher leur compassion quand il est pris en flagrant délit de mensonge.

Dans mes lectures j’ai rarement rencontré un personnage aussi antipathique qu’Yvan. Mais un individu sous addiction depuis des dizaines d’années, peut-il être sauvé de ses démons? Sûrement pas, mais, s’il a la volonté de calmer les tourments de son âme, il essaie de se soigner, il y a alors des professionnels pour l’aider.

Soit, Yvan veut changer, mais ce n’est pas tout de vouloir, il faut s’en donner les moyens, accepter que l’on soit malade. Or Yvan préfère pleurnicher sur lui, refuse toute potentielle aide, enfin plus exactement toute aide qui ne correspond pas à ce qu’il veut. Il préfère mentir, détruire son entourage, plutôt que de mettre en œuvre ses résolutions. De fait, il se ment à lui-même, ce qui lui permet de se placer, à ses yeux (et il espère en fait aux yeux des autres), comme une victime, alors qu’en toute réalité, il est le seul responsable de ses actes et de sa déchéance.

J’étais un héros, de Sophie Bienvenu, est un roman énervant mais qu’il faut le lire tant il plonge le lecteur dans les méandres de l’addiction, de ses effets destructeurs et de l’impossibilité de trouver une sorte de pardon si nous ne sommes pas francs avec les autres.

J’étais un héros
Sophie Bienvenu

éditions Anne Carrière. 18€90

Photo d’illustration: Sophie Bienvenu ©Annik MH de Carufel 

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