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Une Tesla, la voiture d’Elon Musk, écrasée sous une statue de pierre mexicaine

par Pierre-Alain Lévy

Dans notre tour d’horizon de l’actualité internationale touchant au domaine des arts et des artistes, un article publié sur le forum américain Hyperallergic et dont le siège est à Brooklyn. Il fait référence à la création d’un artiste mexicain du nom de Chavis Màrmol ainsi qu’à Ellon Musk et sa célèbre marque automobile Tesla.

J’avoue que j’apprécie le ton de ce magazine, sa liberté, son impertinence parfois, ses choix éditoriaux, ses coups de griffes comme ses coups de coeur. La liberté au coeur même de la création, la différence, l’étrangeté ou le bizarre de temps en temps, la culture toujours et il ne faut pas en avoir peur. Bref la distinction (et dans chacun des sens du terme) qu’il faut nous savoir porter, et mieux encore vivre, pour rester et demeurer libres dans un monde aujourd’hui globalisé et dont les épiphénomènes médiatiques auraient tendance à nous broyer dans l’uniformité d’un pseudo individualisme trompeur qui flirte avec le pire.

Chavis Màrmol dans les rues de Mexico portant un sac à dos en forme de tête olmèque. Instagram

Le sculpteur Chavis Mármol n’a jamais possédé de voiture mais cela ne l’a jamais empêché de vivre. Au début du mois, cet artiste de 42 ans installé à Mexico (et qui se déplace principalement à vélo) a déposé une réplique de neuf tonnes d’une tête olmèque sur le toit d’une Tesla Model 3 bleue, dans une démonstration pour le moins écrasante et postée sur Instagram le 11 mars. Chavis Mármol a fait savoir que son intention était de «faire la satire de la marque Tesla et de son créateur ». (Voir fiche technique pour toutes informations sur les performances de cette automobile)

Or donc (j’aime bien cette formulation) la sculpture de grand format réalisée en pierre de carrière par l’artiste est une copie des anciennes têtes colossales olmèques – des vestiges archéologiques distincts de la civilisation olmèque qui a prospéré le long de la côte du golfe du Mexique il y a environ 3 000 ans. La performance de destruction sans titre de Mármol, le happening si vous préférez, qui a eu lieu le 5 mars, était la troisième et dernière partie d’une série appelée Neo-Tameme rassemblant des répliques en pierre et des objets contemporains.

Olécio partenaire de Wukali

La voiture a été offerte et mise à disposition de l’artiste par Colima 71, un hôtel-boutique de Mexico, le sculpteur a déclaré qu’il n’était «pas au courant des conditions dans lesquelles ils l’ont obtenue», dont acte, on est au Mexique n’est-ce-pas…!

« Mon travail a consisté à travailler la pierre pendant qu’ils étaient en quête de la voiture, qui comme je l’ai précisé devait impérativement être une Tesla ; sinon, l’œuvre ne fonctionnerait pas», a déclaré Mármol, ajoutant que la sculpture a nécessité environ six mois de travail avec l’aide d’artistes de tout le pays. Au total, le projet a duré deux ans.

Depuis la découverte originale des artefacts olmèques, des artistes ont périodiquement réalisé des répliques de ces structures massives, comme ce fut le cas du sculpteur Ignacio Perez Solano, aujourd’hui décédé, qui a créé plusieurs moulages d’une tête mégalithique initialement excavée sur le site archéologique de San Lorenzo en 1946. Les copies de Solano se trouvent au National Museum of Natural History  de Washington DC et à l’University du Texas à Austin, ainsi qu’au Field Museum à Chicago.

Photos de la Tesla bleue et de la statue olmèque publiées sur Instagram

Mármol a fait référence à Still Life with Spirit and Xitle (2007) de Jimmie Durham comme source d’inspiration. Critique satirique de la colonisation historique et de la corporatisation actuelle du Mexique, l’œuvre de Durham consistait à détruire une Chrysler Spirit de 1992 sous une énorme pierre de lave qui écrasait le véhicule.

Rien de nouveau sous le soleil me direz-vous, ainsi n’a-ton point vu dans la dernière partie du XXème siècle des happenings en Europe où d’aucuns artistes fracassaient des pianos ou des violons, créaient des oeuvres peintes avec des corps de femmes recouverts de peinture (Klein), quand d’autres mettaient dans le formol des moutons ou autres créatures (Damien Hirst). N’oublions d’ailleurs pas un certain Marcel Duchamp qui en 1917 provoquait à New York la bienséance et la frilosité de galéristes américains et de l’opinion avec son fameux ready-made, son urinoir ( Fountain en anglais) désormais célébrissime et devenu héraldique.

Ce genre d’oeuvre est-il donc provocateur, certes ! Militant, manifestement ! Efficace, original, pas sûr, tout dépend de quel point de vue l’on se place. Dans cette séquence un tant soi peu exhibitionniste, observons en tout cas que l’art conceptuel a atteint ses limites avec l’arrivée sur la scène médiatique des militants écologistes et autres wokistes de tout poil qui attirent l’attention des médias en se livrant sous les objectifs des caméras et de la presse (bien sûr!) à des déprédations insupportables et pour tout dire… mais vous avez devancé le terme de mon propos! L’activisme comme oeuvre d’art, ben voyons ! Ces braves gens veulent communiquer, alors écoutons les anoner cette injonction: «Communiquons, communiquons, communiquons…!»

L’historien d’art suisse Dario Gamboni a théorisé et analysé le phénomène de l’iconoclasme et du vandalisme.
Ainsi des iconoclastes byzantins, en passant par les guerres de Religion ( Catholiques contre Protestants au 17ème siècle), la Révolution française avec le saccage de nombreux lieux de culte, de sépultures et de châteaux.

Au vingtième siècle, la Révolution communiste en Russie puis avec Staline qui mettra à bas bon nombre d’édifices, nous n’oublions pas, abomination s’il en fut, le nazisme qui prit un sadique plaisir à détruire les villes des pays écrasés par sa violence (sans parler de l’Entartete Kunst et de l’art dans son essence narrative, c’est à dire le livre avec des autodafés et le Peuple qui va avec). Religieux ou politique, décidément il faut naviguer entre ces deux rives.

Remarquons aussi que les avant-gardes ont souvent eu recours à ce subterfuge destructeur et à une certaine forme d’humour. Mais au delà de tous ces exemples, ne pourrait-on assimiler alors les artistes qui déqualifient l’oeuvre en la recréant à des démiurges qui substituent un état à un autre ?

Pour terminer avec ce vingtième siècle ivre de violence, l’Islam, comment ne pas l’oublier avec en Afghanistan la destruction à la dynamite des colossaux Bouddhas de Bamiyan par les Talibans. Notre XXIème siècle a pris la suite, souvenons il n’y a pas loin de la destruction d’Alep et de sa grande mosquée sous les bombardements de l’armée de Bachar al-Assad avec le soutien de Poutine, c’était déjà en 2013, ou de l’arc de triomphe de Palmyre par les sbires de Daesh et que nous avions relaté dans WUKALI !

Dans la même veine, l’œuvre de Mármol est une manifestation de la critique de l’artiste à l’égard de l’entreprise automobile et de son fondateur, Elon Musk.

«Je ne voulais pas simplement écraser une voiture coûteuse et de luxe. Je sais bien qu’il existe des voitures plus chères« , a déclaré Mármol à la presse. Soulignant l’impossibilité d’acquérir le véhicule électrique pour de nombreux résidents mexicains, l’artiste a déclaré que l’objectif global du projet était «d’écraser un objet qui représente une figure sinistre comme Elon Mollusk», en se trompant intentionnellement sur le patronyme du milliardaire de Tesla.

Chavis Màrmol par lui-même.

En décembre 2023, le ministère fédéral mexicain de l’environnement a approuvé les permis de construire accordés à Tesla Incorporated pour construire sa nouvelle «gigafactory» dans l’État de Nuevo Leon, dans le nord du pays. Avec 153 millions de dollars de subventions du gouvernement local, le constructeur automobile est censé fabriquer un véhicule électrique moins cher sur le site, mais les doutes de Musk sur l’économie mondiale ont retardé la construction de l’usine de Nuevo Leon.

«Je voulais également associer cet objet à un autre élément emblématique de la plus ancienne culture d’Amérique, une magnifique pièce archéologique dont nous sommes très fiers, du moins au Mexique», a ajouté l’artiste mexicain.

Pour sa série Neo-Tameme, l’artiste a également créé d’autres œuvres utilisant des sculptures de têtes olmèques. Dans la première œuvre, Mármol a utilisé la sculpture pour remplacer un jouet Mr. Potato Head, en habillant le visage de pierre avec les accessoires caractéristiques du jouet en plastique. Une autre performance de la série consistait à échanger la tête olmèque contre le sac à dos d’un cycliste livreur.

L’artiste a déclaré qu’il n’avait pas encore reçu de réponse de Tesla ou de Musk au sujet de l’œuvre. Au demeurant a-t-il ajouté avec une certaine sérénité, «Je doute qu’ils ne se soucient de ce que fait ou dit un artiste mexicain », un certain détachement somme toute !

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