Festival de Pâques 2024, une fin d’après-midi au Théâtre du Jeu de Paume
L’ensemble Clarinet Trio Anthology est juste l’ensemble qui grimpe et qu’il faut suivre. Déjà, ils sont sympathiques, ce qui ne gâche rien, ils sont beaux et souriants, c’est certain. Durant le concert, chacun à son tour prendra la parole pour nous adresser quelques mots, comme en aparté, par une belle après-midi entre amis, dans le cocon rouge du « petit » théâtre à l’italienne (près de 493 places, tout de même).
Dans la salle tout le monde ne comprend pas l’anglais. « Thanks for coming and… » « On aurait aimé qu’ils fassent l’effort de nous parler au moins un peu en français, entend-on à la fin du concert. «Mais il faut reconnaitre que c’était magnifique ! ».
Daniel Ottensamer (clarinette solo de la Philharmonie de Vienne), Stephan Koncz (violoncelliste de la Philharmonie de Berlin) et Christoph Traxler, pianiste, sont trois artistes autrichiens de premier rang. Ils se connaissent depuis «t he sandbox », le bac à sable. Les amis feront un sacré bout de chemin ensemble dans la musique. Aussi à l’aise en concerto qu’en musique de chambre, c’est Daniel Ottensammer, le clarinettiste qui crée le trio en 2021. Il occupait déjà le poste de clarinette solo à l’Orchestre philharmonique de Vienne et menait en parallèle une carrière de soliste dans le monde entier. Les trois amis avaient le projet rare d’enregistrer une intégrale du répertoire consacré à cette formation : une compilation de trios de clarinette pour certains bien connus, et pour d’autres, peu joués. Si fait ! C’était audacieux, mais le succès est au rendez-vous. Récemment paru, le coffret reçoit un accueil élogieux de la presse.
Ce mercredi soir, les musiciens ont réuni trois compositeurs du romantisme germanique ; Trios de Beethoven et Bruch ainsi que le célèbre Trio pour clarinette, violoncelle et piano en la mineur (1891) de Brahms.
Daniel Ottensammer sait faire parler sa clarinette. Nous aimons cet instrument à la sonorité riche en couleurs et nous comprenons pourquoi de nombreux compositeurs se sont intéressés à elle. Si elle peut se fondre dans l’orchestre, elle est tout aussi capable de nous offrir sa belle présence en solo. Ses capacités expressives ne sont plus à démontrer.
L’ensemble aborde le Trio avec piano n° 4 en si bémol majeur, op. 11 « Gassenhauer » de Ludwig van Beethoven avec beaucoup de naturel et d’élégance. Certes, ce trio n’apparait pas comme essentiel dans l’œuvre de chambre de Beethoven, quand on songe aux grands drames composés par le maître de Bonn, mais elles se laissent écouter avec un réel plaisir. 20 minutes de bonheur avec, dès le début, la clarinette de Daniel Ottensammer qui mène la danse et place haut la barre. De leur côté le violoncelliste Stephan Koncz et le pianiste Christoph Traxler, bel et bien présents, ne se font pas oublier.
Le dernier mouvement est magnifique, presque entêtant. Tema con variazioni : neuf courtes variations sur un air particulièrement guilleret tiré de l’opéra Corsaire par amour, de Joseph Weigl. C’est original, plus on avance dans la partition, plus notre intérêt croît et nos oreilles s’ouvrent toutes entières.
Ensuite, place à Max Bruch
Huit pièces, op. 83 (extraits)
On se demande bien pourquoi ce compositeur n’a pas eu la reconnaissance qu’il méritait. Les trois amis nous l’affirment, si l’auteur est peu connu, ses 8 pièces sont très belles. 1 Andante, Nachtgesang : VI andante con moto, et IV l’allegro agitato, les extraits proposés ce soir-là leur donnent raison. Chacune a son atmosphère propre, avec un focus sur l’admirable clarinette de Daniel Ottensammer, notamment dans les passages tendres et sensibles.
Puis Johannes Brahms
Trio pour clarinette, violoncelle et piano en la mineur, op. 114.
On aime la mélancolie de cette œuvre incontournable du répertoire de la clarinette. Le trio mêle passion et nostalgie dans leur interprétation et les timbres des trois instruments s’accordent dans un équilibre raffiné. Le climat est tour à tour épique et nostalgique, grâce à la clarinette, puis tout enveloppé du mystère sous l’archet du violoncelliste. Les deux musiciens sont soutenus par le piano délicat et discret de Christoph Traxler. Il y a trois mondes si différents entre l’allegro initial, enflammé, et l’adagio central, rêveur et mystérieux, et enfin l’allegro final, qui conclut passionnément une dynamique lyrique de toute beauté.