Puzzling emotions of a teen ager, eternal mystery


La chronique littéraire d’Émile COUGUT.


Le sous titre de ce livre devrait être « les premiers émois d’un préadolescent ».
Romain est un jeune garçon de 11ans, fils unique de Jean, antiquaire et de Babette, historienne, spécialiste du Moyen-âge. Pour elle, il n’y a eut rien d’intéressant dans l’histoire de l’humanité depuis la fin du XIV siècle et donne une éducation à son fils quelque peu décalée par rapport aux jeunes gens de son âge : pas de télévision, pas de téléphone, messe (version intégriste en latin) tous les dimanches. Sa forte personnalité écrase son fils mais aussi son mari, totalement soumis aux désidérata de son épouse. Mais elle lui permet d’ouvrir l’esprit de leur fils à tout ce qui est culturel, du moins dans les domaines de la peinture, de la sculpture et de la musique. Jean lui fait découvrir les chefs d’œuvre du passé en lui expliquant que l’art est la plus belle façon de représenter la réalité. Romain sent son corps se transformer sans comprendre ce qui lui arrive, sans que ces parents s’aperçoivent de ses interrogations, d’autant qu’elles concernent un domaine totalement tabou. Alors Romain a des gestes, des attitudes qui font penser à son entourage que c’est un pervers, un malade. Il est attiré, sans comprendre pourquoi, par « le ventre lisse » des femmes et surtout par ce qu’il y a en dessous. Quel n’est pas son étonnement quand il voit que sa cousine est « fendue ». Pour lui c’est un choc. Malgré tous les émois qu’il a ressenti en caressant le ventre des statues, il comprend que l’art ment, ne correspond pas à la réalité physiologique et que tout est mensonge. Mais il rencontre Flore une jeune femme aveugle qui va devenir son professeur de piano. Une relation va s’instaurer entre eux, une vraie complicité où le mensonge, les apparences vont disparaitre, Romain comprend la différence, l’humanité qu’il y a en Flore et celle qu’il y a en lui.

Olécio partenaire de Wukali

Le sujet de ce roman est plus que rebattu : la découverte de sa sexualité, le passage de l’enfance à l’adolescence. Mais Olivier Delahaye le traite de façon originale, dans de courts chapitres servis par un style plein de poésie. Nous assistons à une véritable initiation, mais une initiation originale. Romain va vers « la lumière », la lumière de sa sexualité, la lumière de son être profond. Mais son, enfin sa guide, celle qui porte la lumière ne la voit pas, montrant par là que les autres sens et surtout le touché peut nous apporter bien plus que la vue. Romain comprend que la vue ment, que les images mentent, que la représentation de la réalité ment, alors que ses doigts, ses mains eux ne mentent pas quand ils frôlent « le ventre lisse » de Flore, être de chair et de sang et non de plâtre, de bronze ou de marbre.

Romain est seul, élevé dans un environnement familial qui est en complet décalage avec le milieu social dans lequel il évolue. Flore est seule, enfermée dans une nuit sans fin. Ses deux solitudes se trouvent grâce à la musique et créent une partition autour du bonheur, la liberté, chacun devenant le guide de l’autre.

Olivier Delahaye nous offre ici son premier roman, premier roman plein d’empathie, de tendresse, de tolérance qui en appelle de nombreux autres de la même veine.

Emile Cougut



Le Ventre lisse
Olivier Delahaye

Édition Héloïse d’Ormesson. 18€. (sortie en librairie le 20 février)


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