Il y a plus d’un livre qui raconte la saga, l’histoire de la famille et de la maison Hermès, du sellier du début du XIXème siècle, au symbole du luxe à la française qu’elle est devenue. Les hommes, les dirigeants sont connus, leurs talents, leur « flair », leurs exigences ont été étudiés pour essayer de comprendre ce succès.
C’est ainsi que trône au centre de cette dynastie fameuse la figure tutélaire d’Émile Hermès, celui qui a fait le lien entre deux siècles, deux univers, qui a fait qu’Hermès est devenu Hermès et n’est pas resté un sellier parmi tant d’autres qui ont disparu avec l’apparition, et le développement de l’automobile, marginalisant l’emploi du cheval pour se déplacer. L’équitation est devenue essentiellement un sport ; le cheval réservé, non point à une élite, mais à des passionnés, souvent avec des moyens financiers au-dessus de la moyenne de la population.
Le génie de la maison Hermès fut, tout en restant la référence mondiale au niveau de la sellerie, d’avoir su se diversifier et, en quelque sorte de produire, toujours avec la même idéologie de la perfection, des « produits dérivés » d’abord autour du cheval puis d’une certaine façon de vivre.
C’est cela, une certaine façon de vivre autour du luxe, mais le vrai luxe, celui qui ne se voit pas, surtout pas le « bling-bling » des nouveaux riches. Non, la maison Hermès connaît la politesse des aristocrates, ils ne montrent pas leurs moyens, chez eux tout est naturel, discret et Hermès leur permet d’avoir une vraie seconde peau, parfaite, naturelle..
Allez un jour dans une boutique Hermès, regardez les bijoux ou tout autre objet offert à votre contemplation, à votre désir. Rien de voyant, des formes simples, mais des matières nobles et une façon… parfaite.
On est loin du travail à la chaîne, robotisé à moindre coût, et utilisant des matières premières de basse qualité, avec une finition dans les détails qui, de fait, n’existe pas ! Non Hermès, c’est aussi et peut-être surtout, une ode au travail, au travail de l’homme et de la femme, au travail inégalé et inégalable de la main de l’homme, main guidée par la tradition. Des gestes, des façons remontent à la nuit des temps. Chez Hermès, on a le culte du geste parfait, celui qui vient du passé et qui a fait ses preuves et que le dépositaire veut transmettre à un successeur qui saura le préserver : « ce que l’on a reçu, on le donne. Si on ne passe pas le relais, c’est qu’il y a une fin. Pour moi il n’y a pas de fin ». Cet aphorisme d’une ouvrière résume parfaitement l’égrégore qui règne chez Hermès et se découvre dans ce petite livre publié aux éditions du chêne qui l’honore, Hermès de vives voix.
Une série de courts chapitres, autant d’anecdotes tirées du passé et du présent qui expliquent la philosophie qui règne dans cette maison et que tous partagent, du grand patron au dernier ouvrier embauché, en passant par la déléguée CGT. Aucun ne parle pas de travail bien fait, mais de perfection et de dévouement, dévouement à l’entreprise, à son bon fonctionnement, à son succès. Chacun a conscience qu’il apporte sa pierre à ce succès, que, sans leur travail, même celui qui peut sembler le plus modeste, Hermès ne serait pas Hermès.
Chacun, d’Émile à l’électricien est présenté dans cet amour de la perfection à travers une anecdote qui, quand toutes sont réunies dans ce livre, montre la spécificité de cette entreprise.
Bien sûr quand il s’agit de travail et de travail parfait, c’est aussi une ode à l’apprentissage, au temps long. Un geste parfait ne s’acquiert pas en quelques minutes, mais parfois au bout d’années. Et bien sûr, plus d’un employé est aussi compagnon du tour de France. Ce n’est pas par hasard qu’ils finissent par travailler non pour, mais chez Hermès.
Ces petits morceaux de vie sont illustrés de façon magistrale par Alice Charbin qui est connue et reconnue, pour son travail d’illustratrice de livre pour la jeunesse. Elle donne aux textes de son mari, un vent « d’insouciance » en quelque sorte. Et c’est loin d’être incompatible. Oui, car le vrai luxe est synonyme d’insouciance, de légèreté et de naturel. Mais le luxe ne peut-se constituer en tant que tel sans la contribution d’ hommes et de femmes exceptionnels eux-mêmes et qui vivent un vrai amour, une vraie passion pour leur travail qu’ils mènent chacun à la perfection
Hermès de vive voix
Luc Charbin
éditions du chêne. 19€