Une voiture devant une boulangerie, une femme en sort et rentre dans l’échoppe. Mais le frein lâche, la voiture dévale la pente et c’est l’accident. Pas que matériel, car un jeune enfant se trouve dans le véhicule et il est très grièvement blessé.
Alors s’ensuit toute une série de témoignages (la boulangère, un pompier, un infirmier, et d’autres encore). Tous parlent d’une seule personne, de l’effet qu’elle a eu sur eux, que ce soit pour l’avoir aperçu un bref moment ou avoir vécu avec elle : Marie. La mère, personnage discret, d’une grande beauté est perçue comme une sorte d’ange (et parfois de démon, mais Lucifer n’était-il pas le plus beau des anges, aimé de Dieu, suivant la légende?), ou encore une sorte de prince Muichkine, le héros de l’extraordinaire roman L’idiot de Fédor Dostoïevski. La rencontrer ne peut laisser indifférent. Et de fait, tous, à l’exception de la petite Zoé (atteinte d’un cancer, elle est une sorte de lumière qui éclaire le chemin de Marie, sa fée Clochette, la personne inattendue qui surgit à un moment clé de notre vie et qui par sa seule présence va la mener sur le chemin du bien) ne parlent que d’eux, de l’effet que la jeune femme leur fait, sans vraiment s’intéresser à elle (alors que Zoé ne s’intéresse qu’à Marie et jamais à la mort qui est si proche d’elle : Zoé est la pureté, l’empathie totale). Eux et qu’eux… Marie est pour eux cette inconnue rencontrée par hasard dans la rue et qui nous plonge dans nos rêves, nos fantasmes, en nous et non en elle. Même Romain, que l’on apprendra être son mari. Il est amoureux, c’est certain, mais plus de la beauté de Marie et de la fièreté qu’il en tire auprès de ses amies. Marie, pour lui, est avant tout un objet qu’il exhibe pour se valoriser aux yeux des autres (et des Romain, nous en connaissons un grand nombre). En plus, elle est parfaite pour assouvir ses désirs sexuels. Pour arriver à ses fins, il n’a aucun scrupule de mentir pour la chose la plus importante pour Marie : elle veut être mère et il a fait une vasectomie le rendant stérile. Preuve s’il en est qu’ « il s’aime à travers d’elle », qu’il aime qu’une image et non une personne. Il en est de même de Yannick, l’amour d’enfance de Marie qui, dans le passé, a fait un choix : lui, sa carrière et non Marie.
La seconde partie de ce roman est le témoignage de Marie. On découvre une petite fille réservée, élevée avec amour plus par son père que par sa mère qui les a quittés alors qu’elle n’était qu’un bébé pour poursuivre sa carrière de comédienne de films pour adultes. Une petite fille effacée, complexée, mais entourée d’amour par son père. Toujours en quête permanente d’amour, à donner et à recevoir, elle veut, elle sent au plus profond d’elle même, son désir de devenir mère. Comment faire quand son mari a menti sur sa stérilité ? Et pourtant cet enfant, elle l’a et elle assume. Pour le protéger, pour se protéger, elle part dans une fuite qui l’amènera à devenir elle même, la femme qu’elle est (et non qu’elle pense être ou que les autres veulent qu’elle soit).
Dorothée Catoune, l’auteure de ce roman, de par le montage qu’elle a ordonné dans son travail d’écriture (d’abord les autres, puis l’héroïne) le rend plaisant à lire et pousse naturellement le lecteur dans sa volonté de progresser dans cette histoire. Ce « découpage », son écriture en un français simple mais parfait, rendent cette histoire « touchante », intéressante, intrigante même. Le lecteur finit sa lecture avec une seule envie : prendre Marie dans ses bras et lui dire, lui montrer qu’il va tout faire pour qu’elle soit heureuse, avec son fils, avec ses doutes, ses angoisses, et surtout sa personnalité que l’on veut, envers et contre tout, respecter. Pas tolérer : respecter.
Il est rare, voir exceptionnel qu’un auteur développe le sentiment d’empathie chez son lecteur. Des romans sur l’empathie, si vous me suivez dans WUKALI, j’en ai lus ! Rares sont ceux qui m’ont transformé en acteur, ce que Dorothée Catoune a réussi à faire, et je ne puis que la remercier.
C’est auprès d’elle
Dorothée Catoune
éditions L’Archipel. 18€
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