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L’aventure bénie du sac toxique, un livre plus efficace que le plus fort des antidépresseurs

par Émile Cougut

Richard Belmondo, alias Richou ou Belmondo suivant ses interlocuteurs, la trentaine, est né, a grandi et habite toujours à Pantin dans l’appartement familial, seul depuis que ses parents (dont le père, collectionneur de savonnettes et totalement hermétique à toute idée d’informatique et de téléphonie portable) sont partis coulés des jours heureux au soleil à Grasse.

Sa cité, il la connaît bien, tout comme il connaît et est connu de toute la population locale. Il a surtout assisté à la longue dégradation de son environnement, autant au niveau bâtimentaire qu’environnemental : le bac à sable où il s’est tellement amusé avec ses copains durant son enfance est devenu la décharge des résidents. Il y a l’arrivée de la drogue, d’abord le hachisch puis la cocaïne avec la violence qui est sa compagne. Des petits caïds sont apparus, des règlements de compte, parfois mortels, sont quasi-quotidiens. Pourtant la vie continue, les enfants jouent toujours aux pieds des immeubles, parfois bruyamment pour certains, les commerces dits « de proximité » périclitent lentement, la peur c’est instaurée dans le quotidien des résidents qui, de fait, sont rares à partir, plus par attachement que par manque de moyens.

Richard Belmondo lui n’a pas suivi le chemin de beaucoup de ses connaissances, s’il a des talents véritables de vendeur, il ne les emploie pas dans la marché des drogues de toute sorte, mais dans le domaine légal. Il enchaîne les contrats à durée déterminée sans connaître le chômage. Au jour du roman, il travaille dans le rayon fromagerie d’une grande surface. Inconditionnel de Jean-Pierre Marielle, il regarde ses films pendant son temps libre en mangeant des plats surgelés de chez Picard tant il n’aime pas faire la cuisine. Il fréquente régulièrement son ami Pedro, cadre à la Poste, radin et adepte du jogging auquel Belmondo refuse de participer. Et puis il y a Alina, la belle serveuse du café du coin, d’origine roumaine qui a laissé sa fille dans son pays natal, car là-bas il y a une vraie solidarité, et dont il est amoureux.

J’oubliais, Belmondo a une petite vessie. Et un matin, alors qu’il se soulage dans un bosquet avant de partir au travail, il reçoit dans le dos un sac. Il a été lancé par  Maktouf, le roi de la cocaïne qui essaie d’échapper, en vain, à son interpellation. Maktouf avec qui il jouait enfant et qui l’a toujours protégé. Dans le sac une vraie fortune en liquide. Que faire de cet argent ? Bien que totalement agnostique et d’origine chrétienne, il se confie au rabbin Meyer qui habite dans l’immeuble et qui est un vrai sage, toujours optimiste malgré la noirceur qui l’environne. Ce dernier réunit le prêtre et l’imam du quartier et à tout les quatre, décident d’employer cette manne pour aider les habitants. C’est, par exemple l’achat d’une table de ping-pong à la synagogue, un panier de basket dans l’église ou l’érection d’un hammam à la mosquée en passant à un abonnement gratuit pour trois ans pour les personnes de 50 ans à la salle de sport. Et j’en passe.

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Belmondo quant à lui fait des actions individuelles. Par exemple redonner confiance à Martial, dépressif après son burn-out suite au harcèlement moral dont il fut l’objet au travail. Ainsi il l’oblige à se porter volontaire dans une association humanitaire contre le paiement du voyage en Martinique pour qu’il voit ses enfants partis là-bas depuis plus de trois ans. Il y a aussi le paiement des dettes de l’épicier de proximité qui peut regarnir ses rayons et revoir sa clientèle revenir. Et j’en passe comme le permis de conduire gratuit pour les habitants de la cité. S’ensuit une suite de portraits, des personnages souvent attachants, souvent victimes d’un accident de la vie ou d’un certain déterminisme social lié à l’endroit où ils vivent.

La cité se transforme, les liens sociaux qui avaient presque disparus se retissent, l’environnement change, en bien. Cela finit non seulement à se voir mais certains cherchent l’origine de ces fonds qui se déversent à Pantin. Richou est vite identifié, il a beau dire que c’est un héritage qu’il a décidé de partager, il est peu crédible. Le maire est persuadé qu’il va se présenter contre lui et gagner. Et Hakim, l’adjoint de Maktouf, un violent, est à la recherche de l’argent et finit par comprendre l’origine de cette manne ce qui met l’intégrité physique de Belmondo en danger.

Et puis il y a Alina qui est plus que réservée, mais qui essaie de comprendre qui il est véritablement.

Grâce à Pédro et au rabbin Meyer, il réussi à être exfiltré de la cité pour partir, ailleurs faire le bien.

Que voilà un roman qui fait du bien au lecteur ! Une vraie aventure humaniste, une vraie transformation. A la base Belmondo s’est mis dans une routine totalement autocentrée, teintée d’un certain fatalisme, son univers s’est transformé en mal, la violence et la peur règnent dans son milieu, la solidarité qu’il a connue dans son enfance a disparu, mais, au-lieu de partir et de profiter de la fortune qui lui est tombée, dans le sens propre du terme, du ciel, il en fait profiter tout son quartier. Et cela entraîne un profond changement en lui, en outre (mais pas que), une véritable écoute des autres, de leurs problèmes, de leurs blessures, de leurs douleurs. Il est aidé en cela par la personne lumineuse du rabbin Meyer, sorte de Pangloss moderne qui avec des histoires juives toutes pertinentes, le guide sur ce chemin. C’est difficile, loin d’être évident, il y a des échecs comme avec Alina, car l’amour le rend quelque peu immature pour ne pas dire maladroit voire imbécile. On est pas loin du film « Monsieur Batignole ».

Et puis et puis oui, il y a l’humour toujours présent qui rend la lecture si plaisante. Par exemple, pour montrer le côté très cosmopolite du quartier, David Zaoui nous amène avec Alina et Richou dans la pizzeria du coin : « dans ce restaurant italien tenu par un Portugais, les pizzas sont garnies d’ingrédients français, elles sont cuites dans un four allemand et servies dans de la vaisselle fabriquée en Chine. Le mobilier provient d’Espagne, l’addition est imprimée sur du papier polonais depuis une caisse automatique gérée par un logiciel américain. » Mondialisation quand tu nous tiens !

Je ne sais pas trop pourquoi, en fait si, en lisant L’aventure bénie du sac toxique, j’ai pensé à Romain Puertolas avec L’ extraordinaire histoire du fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA (cliquer) ou au vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire (cliquer)de Jonas Jonasson.  Ce roman de David Zaoui a cet humour loufoque, voire parfois improbable, mais avec un message humaniste bien marqué.

L’aventure bénie du sac toxique, effectivement est un livre plus efficace que le plus fort des antidépresseurs.

L’aventure bénie du sac toxique
David Zaoui

éditions Eyrolles. 18€90

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