Fabulous, astonishing, amazing novel, in the vein of Voltaire. We don’t like it, we adore !


La chronique littéraire d’Émile COUGUT


Nom : Ajatashatru Lavas (prononcer : j’attache ta charrue, la vache, ou j’ai un tas de shorts à trous)

Profession : déclarée : fakir (de fait : escroc)

Trait de caractère : égoïste

Voilà en quelques mots présenté le héros de l’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA de Romain Puértolas, livre que viennent de publier les éditions Le Dilettante.

Soit ce titre a de quoi surprendre, attire le chaland en quête d’un ouvrage et fait tellement racoleur qu’il risque de faire fuir un amoureux des livres, des histoires. Et il aurait tort ! Grandement tort.

L’amateur en quête de nouveautés a déjà lu un livre au titre tout aussi long, aussi descriptif : «Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire» de Jonas Jonasson, et se souvient du plaisir jubilatoire qu’il a eu à sa lecture. Ce même amateur dévore chaque nouveau Paasalina, et le moins que l’on puisse dire «Le potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison» est un titre qui ne brille pas par sa concision.

Je n’ai pas cité ces deux auteurs par hasard, ces deux lires non plus, car Romain Puértolas peut-être considéré par bien des aspects comme étant le pendant français de ces deux écrivains scandinaves. L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA est un petit bijou de drôlerie, d’inventivité, de burlesque, de situations invraisemblables, mais pas que. C’est aussi une attaque féroce contre tous les égoïsmes en général et celui des sociétés occidentales en particulier. C’est un hymne à la différence, à la tolérance, à la nécessité de sortir de son petit univers quotidien routinier pour s’ouvrir aux autres, aux autres cultures. A un moment où les problèmes d’immigration, ou d’intolérance face à des personnes n’ayant pas notre culture reviennent sur le devant de l’actualité, ce livre vient juste à propos pour nous rappeler les valeurs de la République : la tolérance, la solidarité.

L’histoire de ce livre est drôle : un fakir arrive à Paris pour acheter, en promotion, un lit à clous chez IKEA. La société suédoise est le symbole même de notre société de consommation : il vend des objets peu chers, mais pas dans un pays comme l’Inde où le pouvoir d’achat de la population ne lui permettrait pas de faire de substantiels bénéfices. Pour se rendre au magasin, il escroque avec un faux billet de cent euros un chauffeur de taxi Gustave Palourde, un gitan qui revient de façon récurrente tout au long du livre avec sa famille (dont une fille plus ou moins nymphomane) pour se venger.

Notre héros pour passer une nuit tranquille avant de retourner chez lui, décide de dormir sur un lit en démonstration, mais se trouve obligé de se cacher dans une armoire qui est expédiée à Londres. S’ensuit une série de péripéties qui le conduisent en Espagne, en Italie, en Lybie pour revenir en France. C’est l’occasion pour lui de rencontres aussi diverses que Sophie Morceau, un éditeur qui voit en lui un futur auteur à succès à conditions qu’il écrive ce que l’on attend de lui, et surtout des soudanais qui font tout pour fuir la misère de leur pays.

Au contact de ces derniers, le héros prend conscience de sa propre vanité, inconsistance, et souhaite se transformer. En quelque sorte, la sortie de l’armoire est symboliquement une nouvelle naissance, la naissance d’un homme dépouillé de son égoïsme, qui se rend compte que les autres ne sont pas des « pigeons à plumer » mais des personnes au contact de qui il peut évoluer et grandir.

En neuf jours, et six voyages, un minable fakir escroc est devenu un homme amoureux, ouvert aux autres, à l’humanité.

Romain Puértolas n’est pas lénifiant, il laisse le lecteur, entre deux hoquets de rire, réfléchir. Réfléchir à son égoïsme, aux œillères qu’il porte, à son rapport aux autres, surtout à ceux qui ne partagent pas la même culture, qui ne bénéficient pas des mêmes avantages matériels que notre société occidentale lui offre.

C’est aussi un roman sur la solitude, la solitude non seulement de Ajatashatru Lavas, mais aussi des occidentaux, comme la belle Marie qui est le déclencheur de sa transformation, mais qui passe son mal-être dans des bras de rencontres d’une nuit qui la laissent insatisfaite et encore plus seule. Si Ajatashatru Lavas n’a pas de téléphone portable, ce n’est pas parce qu’il ne peut pas s’en acheter un, mais tout simplement parce qu’il n’a personne qui l’appelle ou à appeler…

La force de ce roman est de mêler étroitement loufoquerie et message social que certains mauvais coucheurs trouveront moralisateur. Il y a plus de deux cent ans, leurs ancêtres ne supportaient pas Zadig ou Candide, car il est certain que L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA est avant tout un conte philosophique. Mais au lieu de parler du tremblement de terre de Lisbonne (l’actualité pour Voltaire) il préfère se référer aux africains se noyant devant l’ile de Lampédusa. Ces même mauvais coucheurs doivent trouver Le Dictateur de Charlie Chaplin dégoulinant de mièvreries qui gâchent les scènes de franches rigolades. Or depuis Aristophane et autres auteurs grecs, l’humour, le vrai est le meilleur vecteur pour faire passer des messages sociaux. Romain Puértolas s’inscrit dans cette lignée et y arrive parfaitement.

Si Romain Puértolas est un moralisateur, alors ceux qui ont aimé Voltaire ne pourront que se délecter à la lecture de L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA. Mais peut-on considéré Voltaire comme un moralisateur ?

Emile Cougut


L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA

Romain Puértolas

Éditions Le Dilettante. 19€

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