Il est des noms, des noms propres, de ces noms de villes ou de pays qui cinglent dans la mémoire -dans la mémoire juive et européenne- comme autant de cordes d’un violoncelle qui déchirent le silence. Notre actualité plus que jamais avec la guerre en Ukraine est emplie de ces noms qui d’un autre temps tel un boomerang nous reviennent avec leurs cortèges d’émotions. Lituanie, Biélorussie, puis Kiev, Lviv, Vilnius, Vitebsk, Varsovie, Moscou, Lubyanka aussi… des images, des cris reconstitués qui hantent nos imaginaires de cauchemars. Nazisme et communisme, Hitler et Staline, vert de gris et nuits blanches, massacres commis par la populace sous le regard détourné des autorités politiques et policières complices, des déportations, et l’on parle bas, et l’on se tait alors, et le silence et le froid nous glacent et nous transpercent. Et oui aussi des livres, ceux des écrivains de l’école juive de New York avec Saul Bellow et particulièrement Bernard Malamud, auteur de L’homme de Kiev, et aussi cet univers à jamais disparu celui d’Israel Joshua Singer ou Aharon Appelfeld et du petit peuple des Shtetl, du merveilleux Cholem Aleikhem à l’humour yiddish pétillant de malice, mais aussi tragiquement du Livre noir.
Des noms propres aussi de ces artistes juifs de l’école de Paris, fuyant les pogroms antisémites de la Russie tsariste, puis plus tard de la dictature criminelle communiste de l’URSS qui lui succède, et venant s’installer et trouver refuge au coeur de la capitale française au Bateau-Lavoir. A flanc de Montmartre viennent alors y vivre un certain Marc Chagall, comme (et c’est cocasse) un certain Pablo Picasso-Ruiz qui au tournant du vingtième siècle qui commence a lui quitté l’Espagne. À Paris aussi Chaïm Soutine, Zadkine, Jules Pascin et tant d’autres !
Ecole de Paris, quelle sublime appellation pour tous ces hommes, ces artistes étrangers, dont un grand nombre sont juifs et qui pour la plupart sont venus de l’est de l’Europe, aimantés par cette République cocardière qui les accueille et qui défend la laïcité et les idéaux d’universel de cette révolution de 89, et qui avec Zola et bien avant lui Voltaire avec tous ses défauts, répand l’honneur et la lumière sur notre pays.
Courte évocation historique des pays baltes
Les Pays-Baltes sont au nombre de trois, ainsi et du Nord au Sud, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie. Trois capitales, Tallin, Riga et Vilnius. Ces trois pays font depuis 2004 partie de l’Union européenne après avoir subi le joug soviétique de 1940 à 1991. Ces trois petits pays dont la population n’est pas slave fait face à l’ours russe.
L’histoire de ces trois pays est aussi liée au Moyen-Âge à l’Ordre des chevaliers Teutoniques. L’objectif politique et religieux de l’Ordre était de convertir la Russie orthodoxe au catholicisme. Projet funeste qui se terminera pour les chevaliers par un désastre militaire à la bataille du lac Peïpous contre le Prince Alexandre Nevski en 1242. Cette bataille est un des épicentres du nationalisme russe anti-occidental, puis pendant la Seconde Guerre mondiale est utilisée pour servir à l’exaltation patriotique russe contre l’envahisseur allemand et nazi. A la demande de Staline, le réalisateur russe Sergueï Eisenstein a fait un film aux scènes et aux images sublimes, Alexandre Nevski, illustré au plan musical par la non moins somptueuse composition de Sergueï Prokofiev.
Vilnius, la Jérusalem du Nord, une renaissance
Le musée de la culture et de l’identité des Juifs lituaniens, également connu sous le nom de musée Litvak, a récemment ouvert ses portes à Vilnius. Ce nouvel établissement célèbre le riche patrimoine historique et culturel des Litvaks et leur influence sur les sociétés modernes.
19 mars 2024. La culture juive est indissociable de la vie lituanienne depuis des siècles. De l’héritage gastronomique largement reconnu, comme les bagels, aux compositeurs figurant dans des films à succès, les Litvaks – un groupe ethnoculturel formé sur le territoire de l’ancien Grand-Duché de Lituanie – ont eu un impact sur la scène mondiale. Vilnius, la capitale de la Lituanie, conserve des traces de l’héritage litvaque dans ses rues. En 2020, la ville a célébré l’Année du Gaon de Vilna et a invité les habitants et les visiteurs à percer les secrets de l’histoire lituanienne en empruntant des itinéraires spéciaux.
Pour célébrer l’héritage juif, le musée de la culture et de l’identité des Juifs lituaniens, également connu sous le nom de musée Litvak, a été ouvert à Vilnius au début de l’année. Situé dans l’ancien bâtiment du lycée hébraïque Tarbut, rue Pylimo, le musée est la plus grande succursale du musée d’histoire juive de Vilna Gaon. Unique en son genre dans le pays, ce musée offre une vue d’ensemble de l’histoire, de la culture et des coutumes des Juifs lituaniens, ainsi que des aspects de leur vie quotidienne. Le dernier étage du bâtiment est consacré au musée de Rafael Chwoles, un célèbre artiste juif du XXe siècle.
«Le musée rend hommage à la contribution des Lituaniens à la culture locale et mondiale et met en lumière leurs activités historiques. Grâce à la conception immersive de 17 expositions, les visiteurs sont invités à découvrir différents aspects de la vie des Juifs en Lituanie au fil des siècles, tels que leur histoire, leur judaïsme, leur langue, leur littérature, leur musique et leur théâtre, et à découvrir des histoires racontées par les Litvaks eux-mêmes. En même temps, l’ouverture d’un musée d’une telle envergure attire l’attention sur l’héritage plus récent des Litvaks qui ont émigré à l’étranger et sur leur longue influence sur les communautés mondiales», a ainsi déclaré Simonas Strelcovas, directeur du musée d’histoire juive de Vilna Gaon.
Reconnaissance mondiale de l’influence des Litvaks
De nombreux Litvaks ont façonné les scènes culturelles, artistiques et scientifiques locales et mondiales au fil du temps. L’écrivain Romain Gary, originaire de Vilnius, s’est fait un nom dans les cercles littéraires français, devenant le seul écrivain à recevoir deux fois le prestigieux prix Goncourt. Le physicien biologique et chimiste britannique Aaron Klug, qui a passé son enfance dans la région de Vilnius, a remporté le prix Nobel de chimie 1982. Leonard Cohen, artiste juif canadien d’origine lituanienne, a été un créateur important du XXe siècle, à la fois chanteur, auteur-compositeur, poète et romancier. Vilnius a immortalisé la mémoire du créateur dans une sculpture érigée dans la vieille ville.
Philip Glass, compositeur prolifique né d’émigrants juifs de Lituanie, a créé des opéras, des compositions de musique de chambre et de nombreuses autres œuvres musicales, ainsi que des bandes originales de films, dont l’une des plus célèbres est celle de The Truman Show.
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Illustration de l’entête: La Maison bleue, Vitebsk aujourd’hui en Biélorussie (1920). Marc Chagall (1887-1985). Huile sur toile, 66 × 97 cm . La Boverie, musée des Beaux-Arts de Liège, Belgique