Qui n’a pas vu à Paris par exemple de grandes bâches publicitaires dissimuler les façades de monuments historiques à l’occasion de travaux de rénovation. En général, elles sont plutôt de belle esthétique et soit reproduisent en trompe-l’oeil les façades, vantent les identités de marques de luxe mécènes, ou encore permettent comme support une création artistique le plus souvent de bon aloi. Certes il y a toujours quelques esprits bourrus ou autres zélateurs du grand soir pour s’en offusquer. Dans les jargons variés des technocrates, on appelle à l’envie cela la privatisation.
ll est en effet toujours plus facile d’observer, voire de critiquer, les évolutions urbaines dans d’autres villes ou dans un autre pays que dans le nôtre, et pourtant en France nous vivons comme un sport national l’autoflagellation. Cela est aussi vrai dans le domaine de l’art.
L’image, l’identité, l’éphémère, le dérisoire parfois et l’inconnu, la recherche et la quête de sens, nous sommes au coeur même de notre civilisation en action. Ainsi la mondialisation des échanges (comme diraient quelques doctes experts en économie) obligent les décideurs à peaufiner leurs stratégies de communication.
Venise fait figure de phare expérimental, un pré carré où s’affrontent moins les Anciens et les Modernes que les amateurs du beau et les collectionneurs du temps.
Paris, Venise, deux sublimes villes, incomparables et chacune dans leur génie, héraldiques de l’Europe. Quand l’une est capitale et étincelle au monde de toutes ses lumières et de son histoire, l’autre reste pour ne pas être figée dans le temps l’objet de la convoitise accaparatrice de la Biennale.
Venise est une utopie, une aberration urbaine, un rêve. Il est pourtant des rêves qui se vivent éveillés, un émerveillement, une union improbable entre la terre, les eaux, la mer et le ciel, entre Guardi et Turner. Une provocation et un défi, quelque chose de l’ordre du surnaturel.
Venise est la vie et un combat et cette vie et plus que jamais c’est avant tout celle de ses habitants qui aujourd’hui en plus des morsures de la mer, des aspirations méphitiques de la terre, doivent faire face non seulement au déferlement barbare des touristes mais aussi au risque d’une paralysie existentielle dans l’oubli de la vie même de ses habitants.
Sur la scène internationale, peu à peu une substitution d’image se dévoile, et la Biennale de Venise dont la réputation n’est plus à faire, ripaille sur la destinée de la ville. Customiser, anglicisons-nous Folleville1, tel est l’objectif. Ainsi à Venise cette année places et rues de la cité des Doges sont privatisées pour servir à la gloire de la Biennale.
À telle enseigne, la place St Marc offre son espace au défilé des Ménines en bronze de Manolo Valdés présentées par la galerie Contini. Il ne s’agit nullement de mettre en cause les desseins artistiques des créateurs. Face à l’impact international de la communication de la Biennale, de son retentissement et de la diffusion de ses événements comme de ses images tout le reste semble fragile, et pourtant à cette aune se mesure la capacité des habitants à vouloir leur destin.
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- Embrassons-nous Folleville, une pièce de théâtre d’Eugène Labiche (1815-1888) ↩︎