Que de beauté, d’élégance, de raffinement, dans ce film russe réalisé par Ivan Aksenchuk en 1968 et directement inspiré du conte d’Andersen, La Petite Sirène (РУСАЛОЧКА en cyrillique).
Le raffinement du dessin sublimé les par les chatoiements des couleurs font de ce film une merveille qui trouve sa source au coeur même de l’âme russe, de son embrasement passionné et de son attirance pour l’orient et les steppes mais aussi a contrario de sa tendresse pour l’Europe et la modernité.
Dans ce film, tandis que cette orientation (et le mot convient on ne peut mieux) pour l’Asie transparait dans ces dessins en volutes et circonvolutions ondoyantes, en vagues redondantes, comme on les trouve dans la peinture chinoise ou l’art du tapis, elle se confronte à la modernité européenne, vivace et évidente dans d’autres dessins qui semblent droit sortis des gravures d’Escher avec ces contrastes en noir, blanc ou argent et des fourmillements de détails, ou encore ces soleils rayonnants qui semblent descendus des tapisseries de Jean Lurçat. Dans la manière de dessiner, on serait parfois tenté de voir dans la traitement du dessin de la petite sirène, comme une main de graveur.
La sensibilité directement perceptible dans ce dessin animé n’est jamais soumise aux aléas de la technique cinématographique. Elle demeure souveraine. La beauté, la noblesse, la distinction, la sobriété aussi, créent ce petit film d’animation comme une authentique oeuvre d’art.
Le choix de la couleur dans ce film tient de même manière une place très importante, elle éclate, elle explose, des rouges, des jaunes, des bleus profonds ou des noirs, mais comme des pièces d’orfèvrerie, des pierres précieuses, des gemmes, elle demeure toujours à sa place, elle est même consubstantielle du génie décoratif russe (voir les Ballets russes, ou tout simplement les matriochka et l’art populaire)
Il faut aussi souligner l’importance de la musique, on y entendra même une séquence de la toccata et fugue BWV565 de J-S Bach
Pierre-Alain Lévy