Près de 100.000 morts en Syrie en deux ans, la barbarie au quotidien, chaos et destructions, un écheveau compliqué d’intérêts de puissances, un islam ou plutôt des islams qui s’affrontent, sunnites, Shiites, Alaouites et les haines anciennes qui remontent. L’Iran avec ses supplétifs du Hezbollah libanais et la Russie fournisseur d’armes qui protège ses intérêts stratégiques et portuaires en Syrie d’un côté, le Quatar, l’Arabie Saoudite de l’autre, la Turquie partagée, le Liban dores et déjà impliqué, la Jordanie et Israel prêts à défendre leurs états. Une diplomatie occidentale qui a du mal à parler d’une même voix et la cohorte sinistre de la mort qui taraude. Les bonnes consciences occidentales d’ordinaire si promptes à s’indigner, à manifester, à défiler, observent un silence inouïe…

Les combattants des deux camps pro Assad ou ASL commettent de part et d’autre massacres et exactions, les populations civiles s’enfuient, le patrimoine culturel est menacé.

P-A L


Le Comité du patrimoine mondial a décidé d’inscrire les six sites de la République arabe syrienne sur la Liste du patrimoine en péril afin d’attirer l’attention sur les risques auxquels ils sont exposés en raison de la situation du pays.

Olécio partenaire de Wukali

L’inscription sur la Liste en péril vise à mobiliser tous les soutiens possibles afin d’assurer la sauvegarde de ces sites reconnus par la communauté internationale comme présentant une valeur universelle exceptionnelle pour l’humanité tout entière.

Sont concernés notamment : l’Ancienne ville d’Alep, l’Ancienne ville de Damas ; l’Ancienne ville de Bosra; le Crac des Chevaliers et Qal’at Salah El-Din; le Site de Palmyre et les Villages antiques du Nord de la Syrie.

Alep

Au carrefour de plusieurs routes commerciales depuis le IIe millénaire av. J.-C., Alep a successivement subi la domination des Hittites, des Assyriens, des Akkadiens, des Grecs, des Romains, des Omeyyades, des Ayyoubides, des Mamelouks et des Ottomans qui ont laissé leur empreinte sur la ville. La Citadelle, la Grande Mosquée du XIIe siècle et plusieurs madrasas, palais, khans et bains publics des XVIe et XVIIe siècles composent la trame urbaine cohésive et unique de la ville.
La monumentale Citadelle d’Alep, qui s’élève au-dessus des souks, des mosquées et des madrasas de la vieille ville fortifiée, témoigne du pouvoir militaire arabe du XIIe au XIVe siècle. Rappel de l’occupation passée de civilisations remontant au Xe siècle av. J.-C., la Citadelle abrite les vestiges de mosquées, d’un palais et de thermes. La cité fortifiée qui s’est développée autour de la Citadelle conserve son ancien quadrillage de rues gréco-romain, ainsi que des vestiges de bâtiments chrétiens du VIe siècle, des murailles et des portes médiévales, des mosquées et des madrasas rappelant les aménagements ayyoubides et mamelouks de la ville, et des mosquées plus tardives de la période ottomane. À l’extérieur des murs d’enceinte, le quartier de Bab al-Faraj au nord-ouest, le quartier de Jdeïdé au nord, et d’autres quartiers au sud et à l’ouest, qui datent de ces périodes d’occupation de la ville fortifiée, contiennent d’importants monuments religieux et des belles demeures. Certaines parties de la ville ont subi des changements fondamentaux au cours des 30 ans qui ont précédé l’inscription, destruction de bâtiments, construction de nouveaux bâtiments en hauteur et élargissement des rues. Néanmoins, l’ensemble qui subsiste avec ses principaux bâtiments et la cohérence du caractère urbain des souks et des rues et ruelles résidentielles contribuent tous à la Valeur universelle exceptionnelle.
Voir le reportage sur Alep en contrebas de l’article.

Damas

Fondée au IIIe millénaire avant J.-C., Damas était un centre culturel et commercial important grâce à sa position géographique au carrefour de l’Orient et de l’Occident, entre l’Afrique et l’Asie. La vieille ville de Damas est considérée comme l’une des plus anciennes villes du monde continuellement habitées. Des fouilles à Tell Ramad, dans les faubourgs de la ville, ont montré que Damas était habitée dès 8.000 à 10.000 ans avant J.-C. Toutefois, jusqu’à l’arrivée des Araméens elle n’est pas attestée comme étant une ville importante. Au Moyen Âge, c’était le centre d’une industrie artisanale florissante, avec différents quartiers spécialisés dans des métiers ou artisanats particuliers.

La ville présente des témoignages exceptionnels des civilisations qui l’ont créée : hellénistique, romaine, byzantine et islamique. Le califat omeyyade, en particulier, a fait de Damas sa capitale, plantant le décor pour le développement continu de la ville en tant que cité arabe musulmane vivante, sur laquelle chaque dynastie ultérieure a laissé et continue de laisser sa marque.

En dépit de l’influence prédominante de l’Islam, on trouve encore des traces de cultures plus anciennes, en particulier romaine et byzantine, dans la ville. La cité actuelle est basée sur un plan romain et conserve l’aspect et l’orientation de la cité grecque, avec toutes ses rues orientées nord-sud ou est-ouest ; c’est un exemple majeur d’urbanisme.
Les preuves physiques visibles les plus anciennes remontent à la période romaine – les vestiges du Temple du Jupiter, ceux de diverses portes et une section impressionnante des remparts de la ville romaine. Damas a été la capitale du califat omeyyade.

Cependant, en dehors de l’incomparable Grande mosquée, bâtie sur le site d’un temple romain et les vestiges d’une basilique chrétienne, il y a peu de restes visibles datant de cette époque importante de l’histoire de la ville. Les remparts actuels, la Citadelle, quelques mosquées et tombeaux du Moyen Âge sont conservés, mais la majeure partie du patrimoine bâti de la ville date de la période qui suit la conquête ottomane du début du XVIe siècle.

Bosra

Le nom de Bosra est cité dans les précieuses tablettes de Tell el-Amarna en Égypte, qui datent du XIVe siècle av. J.-C. et représentent la correspondance royale échangée entre les pharaons et les rois phéniciens et amorites. Cette ville est devenue la capitale du Nord du royaume nabatéen. En 106, une nouvelle ère s’ouvrit pour la ville lorsqu’elle qui fut intégrée à l’Empire romain.

Alexandre Sévère donna à Bosra le titre de Colonia Bostra, pour laquelle Philippe l’Arabe fit spécialement frapper monnaie. Au cours de la période byzantine, Bosra joua un grand rôle de marché frontalier où venaient s’approvisionner les caravanes arabes. Ses évêques prenaient part au Concile d’Antioche. Bosra est la première ville byzantine à tomber aux mains des Arabes en 634, lors de la phase de l’expansion islamique.

Aujourd’hui, Bosra est un site archéologique majeur où se côtoient des ruines de l’époque romaine, byzantine et musulmane. La ville possède aussi des monuments nabatéens et romains, des églises chrétiennes, des mosquées et des madrasas.

Son monument le plus caractéristique est le Théâtre romain du IIe siècle, bâti probablement sous Trajan, qui a été intégralement conservé. Il a été fortifié entre 481 et 1251. La mosquée d’Omar est l’une des plus anciennes et des plus célèbres mosquées de l’histoire islamique encore existantes et la madrasa Jâmi’ Mabrak an-Nâqua, l’une des plus célèbres de l’Islam. Quant à la cathédrale de Bosra, c’est un monument d’une importance considérable dans les annales des débuts de l’architecture chrétienne.

Bosra est restée environ 2500 ans habitée et presque intacte. Nabatéens, Romains, Byzantins et Omeyyades ont tous laissé des vestiges dans la ville, qui est un musée à ciel ouvert associé à des épisodes significatifs de l’histoire des idées et des croyances.

Crac des Chevaliers et Qal’at Salah El-Din

Ces deux châteaux représentent les exemples les plus significatifs illustrant l’échange d’influences et l’évolution de l’architecture fortifiée au Proche-Orient durant les périodes byzantine, des Croisades et islamique. Le Crac des Chevaliers a été construit par l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem de 1142 à 1271. Avec les nouvelles constructions ajoutées par les Mamelouks à la fin du XIIIe siècle, il figure parmi les châteaux les mieux préservés de l’époque des Croisades. Le Qal’at Salah El-Din (Forteresse de Saladin), bien que partiellement en ruine, conserve des éléments de sa création byzantine au Xe siècle, de transformations réalisées par les Francs à la fin du XIIe siècle et des fortifications ajoutées par la dynastie ayyoubide (fin du XIIe à la moitié du XIIIe siècle). Ces deux châteaux sont situés sur des hauteurs qui constituaient des positions défensives de premier ordre.

Dominant le paysage environnant, les deux châteaux du Crac des Chevaliers et du Qal’at Salah El-Din sont des exemples exceptionnels d’architecture fortifiée associée à la période des Croisades. La qualité de leur construction et le maintien de la stratigraphie historique montrent la variété de la technique défensive à travers des caractéristiques de chaque phase d’occupation militaire.

Palmyre

Oasis du désert de Syrie au nord-est de Damas, Palmyre abrite les ruines monumentales d’une grande ville qui fut l’un des plus importants foyers culturels du monde antique. Au carrefour de plusieurs civilisations, l’art et l’architecture de Palmyre allièrent aux Ier et IIe siècles les techniques gréco-romaines aux traditions locales et aux influences de la Perse.

Mentionnée pour la première fois dans les archives de Mari au IIe millénaire av. J.-C., Palmyre était une oasis caravanière établie lorsqu’elle entra sous contrôle romain dans la première moitié du Ier siècle et fut rattachée à la province romaine de Syrie. Elle devint peu à peu une cité prospère sur la route commerçante reliant la Perse, l’Inde et la Chine à l’Empire romain, au carrefour de plusieurs civilisations du monde antique. Longue de 1100 m, la grande colonnade constitue l’axe monumental de la ville qui, avec d’autres rues secondaires perpendiculaires également bordées de colonnes, relie les principaux monuments publics dont le temple de Bel, le Camp de Dioclétien, l’Agora, le Théâtre, d’autres temples et des quartiers d’habitations. L’ornementation architecturale, qui présente notamment des exemples uniques de sculpture funéraire, associe les formes de l’art gréco-romain à des éléments autochtones et à des influences perses dans un style profondément original. En dehors de l’enceinte fortifiée, se dressent les vestiges d’un aqueduc romain et d’immenses nécropoles.

La découverte des ruines de la cité par des voyageurs aux XVIIe et XVIIIe siècles a influencé par la suite les styles d’architecture.

Villages antiques du Nord de la Syrie

Situés dans le vaste Massif calcaire, au nord-ouest de la Syrie, une quarantaine de villages antiques offrent un aperçu cohérent et d’une amplitude exceptionnelle sur les modes de vie ruraux et villageois de l’Antiquité tardive et de l’époque byzantine. Abandonnés au cours des VIIIe-Xe siècles, ils possèdent toujours une grande partie de leurs monuments et constructions d’origine, dans un remarquable état de conservation : maisons d’habitation, temples païens, églises et sanctuaires chrétiens, monuments funéraires, thermes, édifices publics, bâtiments aux fonctions économiques et artisanales, etc. C’est également une illustration exceptionnelle du développement du christianisme en Orient, au sein de communautés villageoises. Regroupés au sein de huit parcs archéologiques, l’ensemble forme une série de paysages culturels reliques uniques et exceptionnels.

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