Dans un magazine d’art et de culture comme WUKALI, on se doit de parler de toutes les cultures, même de celles inscrites au patrimoine mondial immatériel par l’UNESCO comme la gastronomie. Depuis quelques décades la gastronomie a été considérée comme un vrai art, un art en part entière, un élément déterminant à notre culture.
Soit, certaines études tendent à démontrer que le couscous est le plat préféré des Français, la société Mac Donald est en recul de vente à peu près partout dans le monde, à l’exception, de la France. Il n’en demeure pas moins qu’un Français qui ne parle pas de nourriture et de « bons petits plats », surtout quand il est à table, passe soit pour un original, soit pour un grand malade. Bien sûr la conversation porte essentiellement sur les « bons petits plats mitonnés » de notre enfance, démontrant ainsi l’aspect régressif du tempérament français.
Peu importe, je vais vous entretenir justement d’un plat qui me fait surgir des milliers de souvenirs de mon enfance et qui me conduit à penser automatiquement à ma grand-mère paternelle. Ce plat, j’en ai fait, et tous ceux qui l’ont gouté sont assez unanimes pour me dire que je le fais très bien. Et pourtant, chaque fois que j’en mange, je le trouve bien fade par rapport à la poule au pot de ma grand-mère…
Car c’est de la poule au pot dont je vais parler…
On n’a pas pour rien des racines gasconnes, et dans le sud-ouest, même chez les plus ardents républicains dont je fais partie, il y a toujours une pointe de nostalgie quand on parle de « notre bon roi Henri ». Et nous autres Béarnais et Gascons nous savons le trouver n’importe où, même dans les endroits les plus inattendus. Je me souviens très bien d’ un « béret bas » clamé par un habitant de la vallée d’Ossau à ses deux compères dans le château de Pavlosk, près de Saint Pétesbourg, car dans une salle, cadeau d’un roi de France au fils de Catherine la grande, est suspendue au mur une tapisserie représentant Henri IV.
À l’école communale, nous avons appris deux leçons d’économie de notre roi palois, à moins que ce ne fut de son ministre Sully : « Èlevage et pâturage sont les deux mamelles de la France » et « Il faut une poule au pot tous les dimanches sur la table de tous les Français », même les plus pauvres.
Qu’est-ce donc cette fameuse poule au pot du sud-ouest ? C’est une poule au pot farcie ! Pas qu’un volatile plongée dans du liquide. Il faut qu’elle soit remplie de farce.
Comment fait-on une poule au pot ? C’est très facile. Je vais vous donner ma recette. Si on vous vend la recette de la « vraie poule au pot », quelque part il y a escroquerie, car il y a au moins autant de recettes que de cuisiniers ou cuisinières. Tout au plus y a t-il une « base » (une poule et quelques légumes) et beaucoup d’improvisations, beaucoup d’adaptations aux goûts des futurs mangeurs.
Donc pour faire une bonne poule au pot, il vous faut une poule, mais pas n’importe quelle poule. Celle qui convient le mieux est la poule « de réforme », la vieille poule qui ne peut plus faire d’œufs, la poule qui a tant et tant gambadé dans les champs que sa chair est devenue du béton armé, qui est si dure que rôtie, on casse une ou deux lames de couteau pour la découper. Ne vous faites pas d’illusion, des poules comme ça, à moins de les élever soi-même, il est impossible d’en trouver sur le marché. Quand on vous vend une poule, le plus souvent, on trouve à l’intérieur des œufs en formation (qui sont les bienvenus pour la farce). Chez votre volailler préféré (où chez un très bon boucher, car il n’y a plus énormément de volaillers, ils ont disparu sans faire de bruit, c’est à dire sans manifester, sans casser, sans demander des subventions,…), demandez une poule. Il faut qu’elle fasse au moins 2,5 kilos minimum (3, 4 kilos c’est mieux), car sinon elle est trop jeune et elle va se « dissoudre » à la cuisson.
Une poule au pot de chez moi se fait avec 3 viandes (mais il peut y en avoir plus) : la poule, un jarret de veau et un de bœuf ( de fait je prend toujours 2 jarrets de chaque car un des deux me sert pour confectionner ma farce). Au niveau des légumes j’achète un choux vert frisé, quelques carottes, deux ou trois navets (pas trop car leur goût risque de dominer dans la soupe), quelques poireaux, quelques oignons. Après, si vous voulez, on peut ajouter d’autres légumes comme des haricots blancs et verts, des fèves, des pois.
On évite traditionnellement les tomates et on bannit totalement les pommes de terre.
Généralement, la veille, je fais blanchir le choux (que je réserve) avec un jarret de chaque viande. Je vide l’eau, je mets le tout au réfrigérateur, je prend un livre et je vais me coucher en pensant à ma prochaine chronique pour Wukali.
Le lendemain, je prends un pot que je remplis au moins d’un tiers d’eau, je fais chauffer et pendant qu’elle essaie plus ou moins rapidement à atteindre l’ébullition, j’y plonge mes viandes et mes légumes, préalablement épluchés, bien sûr (enfin, ceux qui méritent de l’être).
Et je fais la farce. Pour cela je mixe au robot, un peu de chair à saucisse, un peu de viande hachée, la viande des deux jarrets cuits la veille, les abats de la poule, un talon de jambon de Bayonne sans le gras, deux ou trois gousses d’ail, deux ou trois œufs, du pain de mie trempé dans du lait.
C’est la base, après on peut mettre ce que l’on veut, très pratique pour vider le réfrigérateur de « petits restes » qui sans cela iraient tôt ou tard garnir la poubelle !
Je sale, poivre, si possible je rajoute du piment d’Espelette doux en poudre et bien sûr, j’incorpore une cuillère (à soupe c’est quand même mieux) d’Armagnac. Je ne mets pas un grand millésime mais de l’armagnac blanc dit localement « armagnac de cuisine » et que le marketing nous vend (très cher) sous l’appellation de « folle blanche ».
Quand ma farce est prête, j’en mets le plus possible à l’intérieur de la poule que je recouds à l’aide de fil de cuisine et d’une grosse aiguille à broder, et je plonge ma poule dans le pot. Le reste de la farce, je le mets dans des feuilles de choux (les grosses vertes) je les emmaillotes dans du film alimentaire et le met tout cela dans le pot, ainsi que le reste de choux.
Voilà, c’est tout, enfin, c’est presque fini.
La poule cuit entre deux, trois, voire quatre heures suivant son volume et son âge (plus elle est vieille, plus elle est dure, plus elle doit cuire). Je confectionne deux sauces pour l’accompagner : une sauce à l’échalotte et une sauce blanche, autrement appelée sauce poulette.
La première est simplissime à faire. Dans un bol on met des échalotes coupées en tous petits morceaux, on recouvre de vinaigre, un peu de sel et au lieu de l’huile, on complète avec le bouillon de la poule. Il faut la prévoir bien avant la fin de la cuisson, car elle doit être froide ou tout au plus légèrement tiède.
La sauce blanche n’est qu’un roux dilué avec le bouillon de la poule.
Comme accompagnement à la poule et à la farce, on sert les légumes mais aussi du riz qui a obligatoirement cuit avec du bouillon de la poule.
Il faut montrer une certaine dextérité pour servir tout chaud, aussi je conseille de se faire aider. Le cuisinier découpe la poule, pendant qu’un assistant rempli un plat de légumes, un autre de riz, un troisième avec les viandes et un dernier avec la farce du choux. Et après, on peut manger…
Si vous avez des convives réputés pour leur coup de fourchette, comme entrée je vous conseille de servir : une soupière de bouillon, une de bouillon au tapioca, une de bouillon au vermicelle. Je vous assure que les trois n’offrent pas le même plaisir gustatif et puis vous pourrez mettre sur votre table quelques bouteilles de Tursan ou de Madiran et vous m’en direz des nouvelles!
Quand les convives partent, si vous êtes comme moi, offrez leur un « handi-bag » avec des restes car sinon vous aller manger de la poule au pot durant une semaine.
Une poule ( entre 2,5kg et 3,4kg)
un jarret de veau ou 2
un jarret de boeuf ou 2
Pour la farce
un peu de viande hachée
un talon de jambon de Bayonne
un peu de chair à saucisse
Légumes
un choux vert frisé
quelques carottes
2 ou 3 navets
quelques poireaux
quelques oignons
haricots blancs et verts
fèves et pois
riz
2 à 3 gousses d’ail
échalottes
2 à 3 oeufs, un peu de lait
un peu de pain de mie
sel, poivre, piment d’Espélette, vinaigre
tapioca, vermicelles
Armagnac blanc ( armagnac de cuisine)
Cuisson : de 2 à 4h selon la poule…
– Vous avez de bonnes recettes à nous proposer, n’hésitez pas à nous écrire, nous les publierons !
Recette publiée initialement dans WUKALI 26/08/2015