Depuis quelques décennies, grâce aux travaux de Le Goff, Leroy Ladurie, Régine Pernoud, et j’en passe, l’image noire du Moyen Âge est en train de disparaître. Soit, on pourrait trouver la réhabilitation de cette époque dès la période romantique, mais elle l’a plus fantasmée que comprise.
La Renaissance que l’histoire officielle a portée aux nues, n’est pas une période de rupture, mais l’évolution « naturelle » de la société occidentale. Sans les évolutions de la théologie avec Abélard et surtout Saint Thomas, il n’y aurait sûrement jamais eu Pic de la Mirandolle ou Érasme. Quant au XIXè siècle, il suffit de lire Lavisse, Thierry, Michelet ou encore Henri Martin, pour percevoir l’accumulation des clichés.
Et que dire des restaurations des cathédrales faites à cette époque. En effet, Eugène Viollet le Duc a bien écrit qu’il a restauré Notre-Dame de Paris non comme elle fut pensée au Moyen Âge, mais comme elle aurait dû être érigée. Par exemple également le portail de la Vierge de la cathédrale de Metz refait par Turnow où on peut admirer les 32 degré de la sagesse, concept créé au XIXè siècle, mais sûrement pas au XVIè siècle !
De fait, nous avons grandi avec des clichés, une fausse vision du Moyen Âge perçu comme une époque noire de pur obscurantisme, entre deux périodes éblouissantes. Dommage que ceux qui pensent ça n’aient jamais lu les écrits de Saint Bernard ou de Saint François sur la nature, on n’est pas loin de Spinoza !
Mais, heureusement, on découvre que cette époque, qui dura quand même un millénaire, fut une période de grande créativité dans tous les domaines : spirituels, agricoles, architecturaux, économiques, sociaux, etc.
Par ailleurs, l’on se rend compte que le statut de la femme était bien plus libéral que ce qu’il est devenu à la Renaissance, voire même à notre époque. La chasse aux sorcières ne date pas du Moyen Âge, mais de la Renaissance ! Pourtant, dans l’imagerie dominante, c’est une preuve de l’obscurantisme du Moyen Âge ! Que la liberté de pensée était bien plus grande qu’on ne le pensa, que la sexualité était assez libre, etc.
Certes, nos ancêtres ne pensaient pas du tout comme nous, pour eux tout était religieux, et ils pensaient, vivaient, mourraient baignés dans les dogmes de la religion. Dogmes qui ont évolué dans le temps.
Il est certain que l’Église a progressivement pris une place de plus en plus grande dans le quotidien de chacun. Le mariage ne s’impose que vers le XIè siècle, par exemple. Le pouvoir temporel et spirituel étaient étroitement liés avec parfois entre eux des conflits sanglants. Et l’Église était elle aussi emplie de courants parfois très forts, ce qui tend à montrer que la pensée n’était pas uniforme mais faisait l’objet de débats souvent passionnés
Jean Verdon, un de nos meilleurs médiévistes, apporte sa pierre dans cette œuvre de réhabilitation. Dans son dernier livre Étonnant Moyen Âge, à travers 54 courts chapitres, il aborde tous les aspects de la vie de nos aïeux : « homosexuels biens acceptés, municipalité recherche bordel, se marier par amour, déjà de « nouveaux pères », le cimetière, lieu de vie, jours chômés et grèves, des mutuelles, le temps, etc » Des textes clairs, faciles à lire, à la portée de tous.
Un livre indispensable pour aborder le Moyen Âge, pour en comprendre la complexité, l’originalité et surtout sa modernité. Au niveau de la pensée, il n’est pas certain que la période la plus obscure fût le Moyen Âge, quand on voit les régressions (à côté des fulgurances) de la Renaissance. Soit, la vie était dure à cette époque avec les guerres, les épidémies, une mortalité infantile très forte, mais les gens pouvaient s’épanouir et être heureux.
Oui le Moyen Âge fut une période fascinante, loin des clichés qu’il faut encore combattre, une période à redécouvrir car elle est pleine d’enseignements même pour notre monde actuel.
Étonnant Moyen Âge
Jean Verdon
éditions Perrin. 20€