Un vrai lecteur va choisir ses livres dans une librairie. Ah, quel plaisir de flâner, de prendre un livre, de l’ouvrir, lire la quatrième de couverture, puis quelques lignes, et finalement de le reposer dans les rayons et de continuer avec un autre. Parfois on achète, parfois on en prend un, puis deux, trois quatre etc, et l’on se se rend compte avant de passer en caisse que jamais on n’aura le temps de tout lire. Alors on revient dans les rayons et le cœur déchiré on en re-dépose certains… pas toujours sur la bonne pile. Celui qui n’a jamais fait çà, pas certain que ce soit un amoureux de la lecture.
Mais que pense le libraire qui voit son stock de marchandise parfois souillé, mal rangé (ce qui lui donne du travail en plus), de fait son métier remis en cause par l’égoïsme du potentiel client. C’est ainsi que certains olibrius prennent la librairie pour un salon de lecture (il suffit d’aller dans l’espace dédié aux bandes dessinées) et non comme un lieu de vente. Des clients putatifs qui donc après avoir tripoté, dérangé le bon agencement, sortent sans avoir effectué le moindre achat ?
C’est à cette question que répond Shaun Bythell dans ce court essai. Ce libraire écossais qui s’est spécialisé dans les livres d’occasion a mis à profit le confinement pour élaborer une théorie sur les clients qui fréquentent son établissement. Une vraie théorie scientifique que ne renieraient pas les meilleurs éthologues !
On découvre ainsi que les lecteurs sont rangés en genres eux même subdivisés en espèces. Dans cet esprit et au gré des pages nous rencontrons par exemple la familia juvenis (la famille juvinis) avec le puer relictus (l’enfant abandonné) ou les parentes gloriae cupidi (les parents ambitieux) ou encore les senex cum barba (les retraités barbus) dont l’homo avarus (le radin) ou encore l’homo qui in parvam domum movit (le retraité dont la maison a rapetissé).
En tout sept genres de clients, plus un bonus, les operavii (les employés), et pour finir un postscriptum: les cliens perfectus (les clients parfaits) (on croyait qu’il n’y en avait pas et nous espérons tous faire partie de ce dernier genre n’est-ce-pas, mais en fait, on s’est déjà reconnu dans certains genres, hélas!).
Le tout servi avec cet humour anglais (écossais en l’espèce) qui plaît tant… aux Français.
In fine, on finit vraiment par penser que le libraire heureux est le libraire sans client !
Petit traité du lecteur
Un libraire raconte ce que le vôtre pense (peut-être) tout bas
Shaun Bythell
éditions Autrement. 12€