Toute de charme et de virtuosité
On y était la veille pour Nelson Goerner, les cigales qui s’étaient tu ont repris du service et les oiseaux les ont rejointes.
9h45. Il fait déjà très chaud et le public est chapeauté, certains même s’éventent avec leur programme sur les gradins de la scène à ciel ouvert.
La pianiste Claire-Marie Le Guay fait son entrée, gracile, sereine, vêtue d’une longue robe fleurie. Elle ouvre le concert avec Liszt et lui restera fidèle tout le long du récital, avec une irruption wagnérienne vers la fin du programme, « La mort d’Isolde » dans une transcription émouvante pour piano de Liszt. Wagner et Liszt, deux génies si proches qui s’estimaient.
Claire-Marie Le Guay est notre pianiste de charme, blonde, tellement douée et de toute évidence, « la vie est plus belle en musique » comme elle l’explique dans son livre paru en 2018. « La musique est partout, pour qui la cherche, l’écoute, la reconnaît. Elle est cette présence vitale qui remplit l’espace et ne demande qu’à être révélée. » et comme Claire-Marie Le Guay est aussi pédagogue, côté transmission, c’est encore le bonheur.
Ainsi, tous ceux qui sont passés par ses classes diront leur chance d’être guidés par cette professeure charismatique. Claire-Marie Le Guay n’est pas seulement prof., écrivain, elle est avant tout une pianiste concertiste de premier ordre, qui est plus fantaisiste et libre qu’il n’y parait derrière ses boucles sages. Elle nous surprend toujours, et partage avec le public son envie de découvrir encore et encore.
Ah Liszt ! Qu’il parait facile à Claire Marie Le Guay de suivre ce virtuose, compositeur de génie. C’est un langage qui lui correspond bien et elle l’a prouvé à maintes reprises. Elle peut se prendre des libertés tout en restant très respectueuse de la partition. Tout un champ de possibilités s’ouvre à elle dans une palette de couleurs illimitée. Elle sait sublimer ce romantisme exacerbé, cette écriture recherchée. Elle interprète avec ferveur La Légende de Saint François de Paule. L’esprit de cette pièce, empreint de dévotion, reste serein malgré la fureur des flots… Les notes se détachent et retentissent puissamment. On est sous le charme.
Le jeu de Claire Marie est intelligent, limpide, tout s’entend. Par miracle, sous les battements et les trilles de ces doigts turbulents, elle nous fait entendre les oiseaux avec lesquels Saint François d’Assise bavarde.
Cette interprétation n’est pas « scolaire », comme on a pu l’entendre parfois, s’agissant de cette pianiste. Elle serait davantage didactique, pédagogique, à prendre au meilleur sens du terme. On y revient, on entend tout, et Liszt se fait toujours plus subtil, chaque note se détachant de l’autre même dans les tempos rapides ce qui fait que nous avons tout le loisir d’assimiler la musique, de l’entendre, de la comprendre. Elle nous appartient un peu ! Ce voyage Lisztien fascinant qui se termine par une sublime pièce : Voyage d’amour.
Les bis nous plongent dans un univers tout à fait différent : Rachmaninov, les célébrissimes morceaux de fantaisie op.3 n°2, prélude en do dièse mineur, et Marguerites op.38 n°3, encore un autre pièce admirable du compositeur russe, un joli cadeau que nous fait Claire-Marie Le Guay.
Liszt – Wagner/Liszt
Liszt : Saint François de Paule marchant sur les flots (Légende n°2)
Liszt : Cantique d’amour, extrait des Harmonies poétiques et religieuses
Liszt : Funérailles, extrait des Harmonies poétiques et religieuses
Liszt : Saint François d’Assise, La prédication aux oiseaux (Légende n°1)
Liszt : Consolations n°2 et n°3
Wagner/Liszt : La Mort d’Isolde
Liszt : Rêve d’amour