Comme un air de printemps en cette fin janvier au musée d’Orsay, des sourires et des yeux qui pétillent, un parfum de bonheur dans l’air, c’est qu’en effet un grand tableau, un beau tableau, vient d’entrer dans les collections. Partie de bateau de Gustave Caillebotte vient donc de rejoindre le florilège impressionniste du musée. Il a fallu débourser 43 millions € pour acquérir cette peinture considérée comme Trésor National, et cela a été rendu possible grâce au mécénat du groupe LVMH. Il s’agit d’une huile sur toile mesurant hors cadre 116,7cm/ 89,5cm et peinte en 1878.
Gustave Caillebotte tient une place à part au sein des Impressionnistes, et s’il est bien entendu connu des esthètes et autres amateurs d’art (amateur: celui qui aime), curieusement son nom est moins cité que ceux de ses illustres pairs qui ont fait la réputation du mouvement. Il était l’ami de Renoir, tout comme de Manet ou de Monet, il en collectionnait d’ailleurs leurs oeuvres. C’est ainsi, curieux destin, et il a fallu du temps pour que Caillebotte retrouve son rang, celui des meilleurs.
On associe commodément son nom, et par esprit de classification, à la modernité, terme fourre-tout utilisé comme un slogan qui claque pour se repérer dans le temps. En effet qui n’est moderne de son vivant, qui ne témoigne par ses pinceaux ou sa plume sur le papier ? Il serait plus judicieux de mettre en exergue le choix des sujets et des thèmes sur lesquels il travaille comme au demeurant de ses autres amis peintres impressionnistes.
De ses oeuvres les plus connues, Les raboteurs de parquet peint en 1875 ( musée d’Orsay), qu’y voit-on ? Des hommes au travail, des gens du peuple. C’est d’ailleurs l’une des caractéristiques de l’Impressionnisme que de représenter des hommes ou des femmes dans l’exercice de leurs métiers, des petites gens jusque là invisibles dans la mise en scène du quotidien. Pensons aux Repasseuses de Degas également au musée d’Orsay. Des sujets de peintures rarement exprimés jusqu’alors. La vie contemporaine constitue l’imagier où les impressionnistes puisent et y développent une sensibilité sociale emblématique .
La France d’alors est celle de la révolution industrielle, une France qui se construit ( ainsi la gare d’Orsay, devenue aujourd’hui musée). Une France qui s’équipe, le chemin de fer en est l’exemple. Caillebotte peint cette France aussi, Le pont de l’Europe (1876) (collection du Petit Palais Genève). Ses amis Manet et Monet peindront aussi la gare St Lazare et les locomotives à vapeur.
Bien entendu, on ne saurait oublier de voir en Caillebotte le témoin de cette révolution urbaniste qui s’opère à Paris, celle du baron Haussmann, la beauté élégante de ces grands immeubles de pierre comme décor à une scène de rue. À tel exemple, un couple élégant, un couple de bourgeois qui s’abrite sous un parapluie, c’est Rue de Paris, Temps de pluie 1877, fabuleuse peinture aujourd’hui conservée aux États-Unis à l’Art Institute de Chicago. Une façon de peindre qui le rapproche de Cézanne et annonce déjà le cubisme.
Et puis, arrivons enfin au sujet initial de cet article, à la peinture qui aujourd’hui fait actualité : Partie de bateau, également dénommé Canotier au chapeau haut de forme.
L’oeuvre est somptueuse, magnifique et coupe le souffle et Caillebotte y distille tout ce qui fait son grand talent. Tout d’abord qu’y voit-on ? Un personnage masculin coiffé d’un chapeau haut-de-forme, plutôt jeune, avec un collier de barbe, plutôt élégant et portant gilet, chemise rayée et noeud papillon, en train de ramer dans une barque, sur une rivière calme en pleine nature. En outre, on aperçoit sur la droite mais de façon plus floue, une autre barque avec deux femmes apparemment elles aussi élégantes et portant chapeau.
Tout d’abord, ce que nous nommerions aujourd’hui le cadrage, la prise de vue en language cinématographique. La précision de la profondeur de champ est tout bonnement admirable, le rapport des proportions parfait, Caillebotte a su saisir cet élan de vie (autre caractéristique des Impressionnistes). Évoquons l’axe central qui fait mouvement. Rappelons à ce point de la démonstration l’influence de la peinture japonaise qui venait juste alors d’être popularisée en France, et dont les angles de prise de vue tranchaient avec l’académisme de la peinture française jusqu’alors. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que les touristes japonais aiment aujourd’hui visiter la propriété Caillebotte à Yerres dans l’Essonne.
Venons-en au sujet, car c’est le sujet même qui fera la gloire incontournable de l’Impressionnisme. En effet, peindre l’eau avec ses moires, son immobilité apparente, et surtout cet espace qui fait lien entre l’activité quotidienne des hommes au travail et ces coins de nature où l’on se retrouve, l’on aime et l’on se ressource. Des rendez-vous champêtres en quelque sorte, où l’on danse et l’on fricote, où l’on mange et l’on boit, et où l’on aime. Une certaine qualité de la vie, une qualité française. Les rivières autour de Paris et l’on pense à la Marne et ses guinguettes, où les Parisiens viennent se détendre le dimanche et canoter. Ainsi de la Grenouillère, Monet, Manet, Renoir y peindront leurs plus belles toiles. L’impressionnisme ne l’oublions pas, c est aussi un rapport intime et directe à la nature, une proximité qui avait été utilisée quelques années auparavant par les peintres de l’école de Barbizon et tout particulièrement Corot.
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