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Le Karma du conservateur au coeur du Cambodge des années 30

par Émile Cougut

Les parents de Daniel Pascaud souhaiteraient connaître les circonstances exactes de son décès. En ce milieu des années 30, le corps de ce dernier, jeune architecte travaillant sur le site d’Angkor Vat au Cambodge a été retrouvé chez lui, dans un trou dans le plancher, sûrement causé par le piano. C’est la version officielle, mais celle-ci est bien autre. Et son épouse, Julie, qu’est-elle vraiment devenue ?

Avec les lettres que cette dernière adresse à Abel Reynaud, le restaurateur de la Conservation et le témoignage de celui-ci, une histoire, la vérité apparaissent.

Tout commence bien en ce début des années 30 quand le jeune couple arrive à Angkor. Lui doit mettre son jeune savoir pour la préservation des monuments sous la houlette de la Conservation et de son responsable local Farges. Elle travaille sur sa thèse d’ethnologie (elle est l’élève du grand Malinowski (connu aussi pour sa liaison avec Marie Bonaparte, mais cela n’a strictement aucun rapport avec ce livre) sur les coutumes rurales cambodgiennes.

Au rythme des saisons, les sèches et les humides, on assiste à la vie de cette petite communauté française, essentiellement motivée par la préservation et la compréhension de l’immense ensemble que constitue le site d’Angkor Vat. Il y a bien sûr le gouverneur, prince cambodgien qui tisse un lien particulier avec Daniel, le résident français qui représente le gouverneur général et surtout la présence française.

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Petit à petit, Daniel change. Le couple essaie, en vain, d’avoir un enfant et il laisse ses démons prendre peu à peu possession de lui. Ainsi passe-t-il son temps à surveiller Julie et fait montre d’une jalousie dévastatrice. Dés qu’elle rencontre un homme qu’il ne connaît pas, il s’imagine le pire. Mais surtout, il n’est pas sûr de lui, il ne se sent jamais à la hauteur et doute de son savoir. Il faut dire que le fait d’avoir un oncle professeur à la Sorbonne a contribué à laisser planer le doute d’un « coup de piston » pour sa nomination. Ses tourments s’accroissent alors quand Farges doit partir en France pour l’exposition coloniale et qu’il devient du fait le conservateur par intérim. Le pire se produit avec l’arrivée d’un nouveau résident, homme sournois ne pensant qu’à lui, à sa carrière, aux avantages personnels qu’il peut tirer du fait de sa présence sur le site. Qui plus est, il est entouré de serviteurs vietnamiens, les ennemis jurés des cambodgiens.

De plus en plus proche des Cambodgiens et lassé quant à l’attitude de son mari, Julie finit alors par se détacher de lui et se décide à partir. Alors Daniel met fin à ses jours. Suicide,transformer en accident par son entourage, ne serait-ce pour qu’il puisse reposer dans le nouveau cimetière chrétien qui vient d’être inauguré.

Le Karma du conservateur nous mène au Cambodge au temps du protectorat français, quand l’art khmer, sa richesse, sa civilisation sortent de la forêt à Angkor. On assiste avec l’arrivée des premiers touristes au pillage (Malraux était venu quelques années plus tôt), aux difficultés des fouilles, mais aussi aux luttes de pouvoir plus ou moins larvées entre le gouverneur et le résident. Et puis y sont décrits la vie, les mentalités du peuple cambodgien, l’importance de la religion avec les particularités du bouddhisme khmer. Certains, comme Daniel, veulent faire ressurgir le passé dans toute sa splendeur, d’autres, comme Julie veulent comprendre la population pour lui redonner la fierté de son passé.

Basé sur un fait, le suicide d’un jeune architecte de la Conservation en 1938, ce beau roman nous ouvre une partie peu connue et de l’histoire de France et de l’histoire du Cambodge.

Le Karma du conservateur
Alain Forest
éditions L’Asiathèque. 22€50

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