Accueil Livres, Arts, ScènesHistoire Traîtres. Nouvelle histoire de l’infamie

Traîtres. Nouvelle histoire de l’infamie

par Félix Delmas

Une histoire de l’infamie, des traîtres, c’est ce que nous propose ce livre que viennent de publier les éditions Passés/composés. Il s’agit de 18 contributions, toutes plus savantes les unes que les autres, collectées, mises en valeur dans une introduction de haute facture par Franck Favier et Vincent Haedgele, sur une idée (excusez du peu), de Jean Tulard (et pourtant, pas un seul chapitre ni sur Fouché ni surtout sur Talleyrand qui l’un comme l’autre furent de grands maîtres experts dans ce domaine ).  

Une démarche : ne prendre en compte, n’étudier le concept de trahison qu’à partir de la naissance de l’État moderne, c’est à dire à la Renaissance. Avant, il y a eu bien des traîtres, des complots contre le pouvoir, l’Ancien Testament en est rempli, les société antiques aussi, mais les liens sociaux étaient différents, les rapports avec le titulaire du pouvoir reposaient avant tout sur le serment et la peur de la justice divine en cas de violation. Un passage de la Tapisserie de Bayeux ne nous montre-t-il pas le serment d’Harold sur les Évangiles et des reliques devant Guillaume de Normandie ? C’est la violation de ce serment qui est la cause, enfin l’excuse, de la conquête de l’Angleterre par Guillaume.

Qu’est-ce qu’un traître ? De fait la réponse est bien plus difficile qu’elle n’y paraît. Assez simple quand on était dans des liens de vassalité : trahir, c’était ne pas tenir son serment.

En fait, il paraît que tout est une question de point de vue. On peut être considéré comme traître, tout en se sentant légitime : les émigrés, sous la révolution,  ne se considéraient pas comme étant des traîtres, mais comme les défendeurs de leurs idées qui n’étaient plus celles de leur pays.

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Les participants à un complot sont-ils des traîtres ? C’est évident pour les titulaires du pouvoir, mais certainement pas pour ceux qui complotent. Or, en période de crise, le pouvoir a tendance a inventé des complots pour éliminer ses adversaires politiques. La Révolution, mais aussi l’Empire, voire la Restauration sont remplis de ces pseudo-complots. De fait, l’histoire du XIXème siècle est pleine d’une longue suite de traîtres participant à des vrais, mais aussi à de faux complots.

La « trahison » peut venir d’une appréhension différente des faits et des moyens pour arriver à résoudre les problèmes. Mais ce peut être aussi le moyen pour assouvir ses passions et ses désirs, là, rien d’idéologique, mais avant tout l’assouvissement de l’ego (affaire Redl en Autriche en 1913). Ce peut être aussi le bouc émissaire (Bazaine après la défaite de 1870) de toute une nation qui cherche à trouver des excuses au traumatisme qui la secoue.

Le traître ce peut-être le perdant, souvent l’ancien allié, voire l’ami, qui, en fonction des circonstances, souvent dramatiques, a fait des choix qui se sont avérés vains, mauvais quand on connaît la fin du processus, la fin de l’histoire. On devient traître, quand on a le recul de l’histoire, du temps, pour pouvoir juger. Et puis le traître sert aussi de piédestal pour le vainqueur. La vie de Wang Jingwei, républicain chinois convaincu en est le parfait exemple après la victoire de  Tchang Kaï-chek, puis des communistes de Mao.

18 chapitres, 18 contributions montrent que l’histoire de l’infamie est bien plus complexe qu’elle n’apparaît de premier abord. Il y a bien des différences, autres que l’époque entre un connétable de Bourbon, un Benedict Arnold qui aurait pu être avec Washington l’un des principaux héros de l’indépendance américaine, le général Sarrazin, mue par sa haine de Bonaparte, ou encore de Vidkum Quisling qui a vu son rêve de devenir l’Hitler norvégien sombrer devant le peloton d’exécution.

S’il y a un chapitre à lire , c’est bien le dernier à savoir la contribution de Bénédicte  Vergez-Chaignon : Dictionnaire de l’Académie française, T comme trahison, sur les atermoiement des « Immortels » durant et après la Seconde Guerre mondiale. Il faut dire qu’en ayant le maréchal Pétain et le général Weygand dans leurs fauteuils, la crise ne pouvait être que forte, et bien d’entre eux ne sortent pas grandis de cette crise. Mais, pour la plupart, ils sont passés dans les oubliettes de l’Histoire. Finalement le résumé et de cet épiphénomène et de ce livre se trouve dans cette phrase de François Mauriac : « Ce n’est pas la place qu’on a occupée qui compte, c’est le comportement qu’on y a eu… Le vrai péché, le seul des collaborateurs et d’où découlent tous les autres, c’est la péché contre l’espérance»

Traîtres
Nouvelle histoire de l’infamie

Franck Favier et Vincent Haegele
éditions Passés/Composés. 22€

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