Catherine Baldisserri, retenez son nom, une écrivaine qui a du talent ! Son roman qui bien de paraître en librairie: Les Grandes nacres est publié chez Julliard.
Une île, une île en Méditerranée, peu importe quelle île : c’est une île, un bout de terre entouré par la mer, un bout de terre qui permet de vivre grâce aux richesses de la mer. Un lieu, un endroit où le temps, l’histoire, s’écoulent lentement, loin des tourments de la société, de son évolution. Une île où, depuis des temps immémoriaux, les hommes pêchent et où les femmes filent et tissent. Elles tissent le lin, la laine, le coton, mais au moins une de ces femmes tissent le fil de soie marine.
C’est un don, un secret qui se transmet de femme à femme, c’est un honneur mais c’est surtout une charge, voire une sorte d’esclavage. Car, ses fils il faut savoir les chercher, il faut savoir les préparer, il faut savoir les filer, il faut savoir les tisser et ce « gratuitement », car les œuvres faites en fil de soie de mer sont pour l’humanité et ne doivent jamais faire l’objet d’une quelconque transaction. Elles ne peuvent être transmises que sous forme de don, sans aucune contrepartie, si ce n’est le plaisir de celui ou de celle qui reçoit. Si cela ne se faisait pas, alors, les fils de soie de mer disparaîtraient, telle est la malédiction.
Pour aller les chercher, il faut obligatoirement être une femme, pubère, mais hors période de règles pour ne pas souiller la mer, à laquelle on dédie une prière bien précise avant de plonger pour aller vers les grandes nacres, dans les forêts de posidonies où elles vivent. Les fils de soie de la mer sont le byssus (i-e ces fibres que ce mollusque sécrète pour adhérer au substrat) qu’il faut savoir récupérer sans blesser les grandes nacres pour qu’elles puissent se reproduire.
La Pittifatta est une brodeuse de fil de soie de la mer. Mais elle n’a qu’un fils, aussi sur son lit de mort fait-elle promettre à Efisia, sa petite fille de continuer son travail. Une promesse à une mourante est sacrée, et la jeune femme sacrifie tout pour aller, suivant le rite chercher, le byssus, le préparer et le tisser. Elle se marie, mais le Zingaru est exclu de la petite communauté îlienne et il ne rêve que de construire des logements. Aussi part-il sur le continent alors qu’Efisia est enceinte. Il revient bien parfois sur l’île pour la voir ainsi que sa fille, mais il décède vite d’un accident. En plus la petite Anna ne supporte pas la mer, les odeurs des préparations, et a peur du byssus qui sèche, et dés qu’elle le peut, part vivre sur le continent. Elle ne reviendra sur l’île que pour amener sa fille de 4 ans Rosalia qui ne supporte pas la ville.
La petite fille, en grandissant montre un intérêt certain pour les fils de soie mais doit attendre d’être « femina » pour être initiée à ce travail. En plus, elle se trouve une passion pour les grandes nacres, fait des études de biologie marine pour mieux les étudier. Car il y a urgence, la pollution des mers, sa surexploitation fait disparaître les colonies de grandes nacres. Et à la mort de sa grand-mère, Rosalia œuvrera pour leur préservation.
Il existe des tisseuses de soie marine, plus beaucoup, en outre dans des îles près de la Sardaigne. Un savoir ancestral qui a servi de toile de fond à ce conte, car il s’agit avant tout d’un conte qui interpelle le lecteur sur non seulement la transmission d’un savoir faire de femme à femme, mais aussi sur la destruction par les hommes de la vie marine.
Avec un style plein de chaleur mais aussi de poésie, Catherine Baldisserri nous offre un moment précieux de rêve et de voyage.
Catherine Baldisserri
Les Grandes nacres
éditions Julliard. 19€
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Illustration de l’entête: Rava Ray. @ravaray/Instagram