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Sardanapale sublime chef d’oeuvre de Delacroix restauré à voir au Louvre

par Pierre-Alain Lévy

La Mort de Sardanapale, Byron, au coeur du Romantisme, et bien entendu Delacroix, Eugène Delacroix qui en fait un chef d’oeuvre en peinture. Puis aussi de sensibles souvenirs, celui de feu mon maître Maurice Serrulaz, conservateur en chef du Cabinet des dessins du Louvre, immense spécialiste de l’artiste, hommage. Des matinées passées à regarder, explorer ces dessins préparatoires, cette fameuse pantoufle, cette babouche par exemple, dans le calme serein des salles d’études qui regardent la Seine. C’était il y a bien longtemps à l’école du Louvre

Alors Sardanapale fait actualité, formidable ! Sublime peinture. Phoenix, nous l’avons toujours su, il renait après une restauration qui redonne une nouvelle vie à ses couleurs. En effet, après dix mois de restauration, la Mort de Sardanapale d’Eugène Delacroix a réintégré la salle Mollien en septembre 2023. Sébastien Allard, directeur du département des Peintures, et Côme Fabre, conservateur en charge des peintures françaises du XIXème siècle, reviennent sur l’histoire mouvementée d’un chef-d’œuvre à la vivacité retrouvée. Voyons ce que ces éminents spécialistes en disent.


Près d’un siècle s’est écoulé entre la création de la Mort de Sardanapale et son entrée au Louvre en 1921. Que s’est-il passé entre-temps ?

La Mort de Sardanapale après restauration. (détail)

Delacroix a peint cette œuvre pour le Salon de 1827, avec le vœu, sans doute, qu’elle soit acquise par l’administration des Musées royaux. Vu son format, peu de particuliers pouvaient en effet se montrer intéressés par une telle œuvre. Ce fut un échec, et Delacroix l’a conservée chez lui pendant une quinzaine d’années. Jusqu’à ce que Daniel Wilson, un industriel d’origine irlandaise détenant les marchés publics d’éclairage au gaz de la ville de Paris, l’achète vers 1846. La famille Wilson a conservé le tableau jusqu’en 1873, date à laquelle il est mis aux enchères pour la première fois. Il y avait alors un espoir que l’État français se porte acquéreur, mais c’est finalement un célèbre marchand d’art, Paul Durand-Ruel, qui en devient le propriétaire.

Quel a été l’impact de ce changement de main ?

Durand-Ruel veut faire connaître le tableau en l’exposant à travers le monde, de Londres à Copenhague en passant par New York. Dès lors, d’autres propriétaires se succèdent, parmi lesquels le collectionneur, expert et marchand Etienne-François Haro, descendant d’une lignée de restaurateurs de tableaux – c’est d’ailleurs dans les ateliers de la maison Haro que la Mort de Sardanapale avait été restauré pour la première fois en 1856. Après un dernier passage entre les mains du baron Vitta, le tableau entre finalement au Louvre en 1921. 

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Cette vie matérielle mouvementée n’a pas été sans conséquences sur l’œuvre…

La plupart des grands formats de Delacroix, comme les Scènes des massacres de Scio, ont tout de suite été achetés par l’État. Or la Mort de Sardanapale a passé quasiment un siècle en mains privées, ce qui est assez rare pour une œuvre de cette nature.  Les nombreux déménagements et les manipulations inévitables que cela entraîne ont provoqué des altérations de la toile et de la couche picturale. Cette histoire matérielle complexe explique d’ailleurs pourquoi nous avions différé la restauration de Sardanapale. Nous préférions procéder d’abord à la restauration des Massacres de Scio (en 2019) et des Femmes d’Alger (en 2021), car elles s’étaient moins altérées au fil du temps.

La restauration de la Mort de Sardanapale a nécessité un long travail. Quel en était l’objectif ? 

La restauration a effectivement commencé en octobre 2022 et s’est achevée en juillet 2023. L’enjeu principal consistait en l’allègement des vernis, de manière à retrouver la gamme chromatique de Delacroix. 

Verdict ?

Cette restauration rend vraiment justice à la palette de l’artiste. On redécouvre un tableau qui est un foisonnement de couleurs, de matières et de textures. Par ailleurs, l’audace de sa composition est beaucoup plus apparente. 

Dans quelle mesure ?

La Mort de Sardanapale se situe en dehors de toutes les conventions de l’époque, notamment par une négligence assumée des règles de perspective. En outre, Delacroix, s’est servi du sujet de l’œuvre comme d’un prétexte pour pouvoir peindre tout ce qu’il affectionnait : les corps, leur carnation, les textiles, l’orfèvrerie, les animaux, les surfaces. Tout ceci est rendu plus lisible grâce à la restauration dont l’œuvre a fait l’objet. Désormais, en regardant le tableau, on comprend mieux le scandale qu’il a suscité lors de sa première présentation au public. Nous en avions bien sûr des traces archivistiques, mais les raisons de ce rejet étaient devenues difficiles à percevoir.

La restauration de l’œuvre permet-elle de percevoir l’évolution artistique de Delacroix ?

C’est indéniable. On voit en effet tout le chemin parcouru entre l’âpreté très nette, très contrastée, très froide de la période des Massacres de Scio, et le dessin plus sensuel, la palette plus chaude, plus riche, déployée pour la Mort de Sardanapale, peinte trois ans après. On mesure mieux aujourd’hui l’intelligence avec laquelle Delacroix adapte sa peinture en fonction des sujets qu’il choisit. A trente ans, il applique déjà ce principe écrit beaucoup plus tard dans son Journal : « La couleur n’est rien si elle n’est pas convenable au sujet et si elle n’augmente pas l’effet du tableau par l’imagination »

Retrouver La mort de Sardanapale dans les salles du Louvre,
aile Denon, Niveau 1, salle 700

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