C’est une histoire de vol de tableau dont est accusé un membre du gouvernement de Giorgia Meloni, Première Ministre d’ Italie. Ainsi, les autorités judiciaires italiennes enquêtent sur le sous-secrétaire d’état à la culture et critique d’art, Vittorio Sgarbi, accusé de posséder et d’exposer une peinture du XVIIè siècle qui aurait été découpée de son cadre lors d’un vol commis il y a plus de dix ans.
Ce fonctionnaire de 71 ans, qui est également président du conseil d’administration du musée d’art moderne et contemporain de Trente et Rovereto, insiste sur le fait que son œuvre est authentique et que celle qui a été volée est un faux. Le tableau a été saisi par les carabiniers dans le cadre de l’enquête dans laquelle Sgarbi fait l’objet d’une enquête pour blanchiment de biens culturels. Les avocats de Vittorio Sgarbi ont déposé une demande de révision auprès du tribunal de Macerata afin d’annuler la saisie.
Les tableaux au centre du mystère sont en fait au nombre de deux : celui qui a été volé est une reproduction d’un original conservé au Vatican par un auteur inconnu.
Il y a deux ans, Vittorio Sgarbi a inauguré l’exposition « Les peintres de la lumière« à Lucques. La pièce maîtresse était un tableau « inédit » de Rutilio di Lorenzo Manetti (1571)1639) un Caravagesque du XVIIe siècle, La capture de Saint-Pierre d’une valeur de plusieurs centaines de milliers d’euros. Le journal Il Fatto Quotidiano découvre cependant qu’il n’est pas si inédit que cela : cette Capture de Saint Pierre se trouve en effet parmi les photos de la base de données d’Interpol et a été volée.
Jusqu’en 2013, elle se trouvait dans un château à Buriasco, non loin de Pinerolo, appartenant à une dame âgée, Margherita Buzio. Sgarbi s’y est rendu à plusieurs reprises. C’est un de ses fidèles, Paolo Bocedi, qui a proposé de l’acheter : la dame a refusé. Quelques semaines plus tard, elle découvre que des voleurs se sont introduits dans le château et ont découpé et enlevé la toile de Manetti. À la place, elle trouve une photo de l’œuvre attachée avec une agrafeuse. La victime dénonce le vol et émet même des soupçons, mais le dossier est immédiatement classé par le parquet de Pinerolo de l’époque.
Huit ans plus tard, en 2021, Sgarbi a inclus une œuvre presque identique dans une exposition historique qu’il a organisée dans la petite ville de Lucques. Or cette œuvre comportait une bougie peinte dans un coin, un détail que le ministre a invoqué comme preuve de son innocence, affirmant que sa version de l’œuvre provenait de la maison de sa mère et que le tableau volé au château était un faux. Le restaurateur de Sgarbi est cependant certain : «C’est le tableau, un ami de Vittorio me l’a apporté avec un transporteur, enroulé comme un tapis». Le journal télévisé italien Report, qui a révélé l’affaire, a affirmé qu’un ami de M. Sgarbi avait visité le château quelques semaines avant le vol et s’était renseigné sur l’achat du tableau.
Le vendredi 12 janvier, le responsable de la culture a indiqué sur X qu’il avait remis La Capture de Saint Pierre aux autorités. «Mon tableau est l’original, l’autre est une copie mal faite», a déclaré M. Sgarbi au Corriere della Sera. (voir et écouter vidéo en italien)
Le sous-secrétaire affirme que c’est le sien : il a acheté une villa de campagne à Viterbe et y a trouvé un Manetti. «L’un a une bougie et l’autre non, ils sont différents», a-t-il déclaré à Il Fatto, sans pouvoir expliquer la coïncidence selon laquelle, quelques mois seulement après le vol, « sa » version se trouvait sur la table de son restaurateur de confiance. Mais les anciens propriétaires de la villa et les trop nombreuses failles dans le texte du conservateur dénoncent cette assertion également.
La bougie fantôme n’est que la dernière énigme d’une histoire sensationnelle que Il Fatto et Report ont réussi à reconstituer. En suivant un fil qui part de Lucques, passe par Brescia, Saronno, Rome, Viterbe, Florence et Turin, nous arrivons à la question finale : est-il possible que le sous-secrétaire d’État italien aux biens culturels expose sans crainte une œuvre d’art recherchée dans toute l’Europe, mais qui se trouve dans sa propre maison ?
Entre-temps, M. Sgarbi fait également l’objet d’une enquête pour exportation illégale d’un tableau d’une valeur de 5 millions d’euros retrouvé à Montecarlo (un Valentin de Boulogne). Le ministre de la culture, une personnalité politique de centre-droit, est maintenant confronté à des appels à la démission, qu’il a refusés.