Accueil Livres, Arts, ScènesHistoire On l’appelait Sultan Bonaparte en Égypte où il devint le Mahomet universel*

On l’appelait Sultan Bonaparte en Égypte où il devint le Mahomet universel*

par Pierre de Restigné

Ahmed Youssef est un un romancier, journaliste et universitaire égyptien, membre de l’institut d’Égypte, et Chevalier des Arts et des Lettres en France, il est spécialiste de l’expédition d’Égypte de 1798. Il est aussi le traducteur en arabe de l’imposante correspondance du général Bonaparte à cette période, un auteur travaillant sur les liens complexes mais ô combien riches et enrichissants entre l’Orient et l’Occident.

Ahmed Youssef a écrit une courte pièce de théâtre relative à un « fait divers » qui a eu lieu au Caire lors de l’expédition d’Égypte : un groupe d’officiers se livrant au pillage massacrent trois femmes. Les ordre étaient stricts : aucun manquement à la discipline ne sera admis, la France ne doit pas se mettre les populations à dos, mais plutôt se faire aimer d’elles dans le cadre d’un profond respect pour leur culture et surtout leur religion. Notons q’on est loin du pillage des églises de Malte juste avant l’arrivée en Égypte qui a eu pour conséquence que les Maltais chassèrent les Français et accueillir les Anglais à bras ouverts.

Que faire ? Bonaparte convoque Kléber, le soldat, l’Alsacien, gouverneur d’Alexandrie avec qui il n’a que peu de sympathie, et Menou, le converti Abd Allâh-Jacques Menou, l’esthète, gouverneur de Mariette.

Ne rien faire, c’est risquer la colère voire la révolte de la population et ne pas pouvoir créer un empire régi par la philosophie des Lumières en ce pays d’Islam. Être trop strict, c’est risquer de mécontenter l’Armée. Reste bien sûr pour solution d’appliquer la charia, en donnant une compensation financière aux familles des victimes. Mais le montant s’il est fixé par les Français ne sera jamais assez élevé, et s’il est fixé par le Diwan, les Français perdent leur autonomie et leurs marges de manœuvres.

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C’est ce dont discutent les trois généraux. Plusieurs conceptions s’affrontent entre le militaire tout en rigueur et le converti tout en empathie. Et puis il y a aussi l’expédition scientifique, l’étude de la faisabilité d’un canal reliant la Méditerranée à la mer Rouge qui est un des objectifs fixés à l’expédition. Et puis, il y a la menace anglaise qui a détruit la flotte française à Aboukir et les liens étroits que Bonaparte entretient avec l’amiral William Smith (soit un ennemi, mais un francophile convaincu et l’on sait l’importance qu’il eut dans le retour de Bonaparte en France).

Très sincèrement, cette pièce de théâtre d’Ahmed Youssef, si elle est intéressante, n’a pas la force, la profondeur d’Amadeus de Peter Schaffer, du Souper de Jean-Claude Brisville ni de La Conversation de Jean d’Ormesson. Je pense (mais c’est un avis personnel), qu’elle eût mérité d’être en quelque sorte plus longue pour que la vision des trois protagonistes soit plus approfondie. Pour autant, il faut la lire, voire assister à sa représentation car elle résume parfaitement bien des questionnements que l’Occident s’est toujours (et encore) posé sur le mystérieux et si intrigant Orient.

*Bonaparte devient « le Mahomet universel« , l’expression est de Goethe.

Sultan Bonaparte
Ahmed Youssef

éditions David Serrero. 10€54

Illustration de l’entête: Bonaparte avec ses généraux en Égypte. Tableau de L-J Gérôme (collection privée)

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