J’ai sous les yeux le livre juste paru de Pétra Wauters, une mine de conseils pour tous ceux qui veulent découvrir et se perfectionner dans l’art de l’aquarelle. Quelle tâche de plus ardue que celle d’établir une critique, qu’il s’agisse de traiter d’un livre nouvellement paru, d’un auteur, du travail d’un artiste, ou de la retranscription des sensations et des sentiments qui assaillent le passionné de musique. Tâche d’autant plus complexe quand on connait bien l’auteur.
Aléas de la critique
Deux écueils à éviter: la critique agressive, en veux-tu en voilà, une attitude dédaigneuse et hautaine faite d’une forme de mépris et donneuse de leçons, c’est l’attitude du sabreur colérique; l’autre la complaisance, « donne moi la rhubarbe je te passerai le séné« , l’incapacité voulue ou non à souligner les fragilités, voire les défauts d’une oeuvre, et n’établir qu’un texte patelin de louanges qui ressemble plus à une hagiographie qu’à une recension objective.
Bien souvent hélas c’est cette attitude, cette duplicité conciliante, qui prévaut dans certains cercles littéraires. Au point de se positionner en courtisan, mentir à soi-même et aux autres, préférer la courbette et choisir le miel des mots plus que la vérité qui oblige et trace l’horizon. La complaisance donc est ce qu’il y a de pire dans le domaine de la critique, et celui qui s’y adonne perd à tout jamais la capacité de conseil et d’analyse.
Voila quelques années maintenant, je reçus un email, son auteur s’appelait Pétra Wauters, et elle me demandait comment faire pour écrire dans WUKALI. Une courte biographie s’en suivait: une carrière de journaliste dans la presse française au sein de journaux et de magazines prestigieux et de grande estime, une tranche de vie passée en Argentine, correspondante de presse, une passion pour la peinture dont elle faisait métier ( elle dirige un atelier de peinture), une curiosité intellectuelle pour les choses de l’esprit, et un ancrage à Aix-en-Provence. Mirabeau, Zola, Cézanne, ses festivals de musique… pas moins!
Les mots ne sont pas vains, ils véhiculent toujours des particules d’énergie, de la mémoire, ils scellent l’intelligence qui rassemble et nous relient ainsi à l’éternité du monde. L’écriture, le livre, sont les creusets de cette fusion, de cette incandescence, de cette lumière.
Je ne sais pourquoi, mais à peine après avoir reçu cet email, cette demande sur mon ordinateur, je répondis aussitôt, sur le champ, dans le style qui me caractérise, c’est à dire en croisant toutes sortes de considérations, et proposant à madame Pétra Wauters, de chroniquer sur des sujets de passion et de culture.
Comme je disposais de son numéro de téléphone, je décidais de l’appeler, la meilleure manière pour créer du lien, entendre la voix qui fait chair. Il s’en suivit un long dialogue chaleureux et fructueux, propice à une belle collaboration.
Ah, Pétra, votre prénom, si féminin, rare et délicat, il suscite des images mentales, la beauté minérale d’un palais nabatéen, majestueuse et mystérieuse, aux couleurs d’ocre et de soleil, tout comme celles de la Provence. Votre nom aussi, Wauters, le contraste avec la lumière crue des Flandres, à la Brueghel ou Ensor, vivante et joyeuse.
Au fil du temps, j’ai ainsi reçu et publié des chroniques riches et flamboyantes. Un florilège: Festival international d’art lyrique d’Aix-en Provence, Festival de Pâques et les invités de Dominique Bluzet et Renaud Capuçon.
Des comptes-rendus d’expositions au musée Granet dirigé par Bruno Ely son conservateur. Des grands entretiens avec des artistes, hommes et femmes de scène et de cinéma, des musiciens ou des danseurs.
Faut-il ajouter, bien entendu ces critiques sensibles des récitals et concerts donnés au Festival international de piano de la Roque d’Anthéron, festival des festivals s’il en est, coeur battant de la musique, de la beauté, de la Provence et du monde ces soirs d’été en France! Pour faire actualité, nous attendons d’ailleurs impatiemment sa très prochaine 41ème édition
Un jour au hasard d’une conversation téléphonique, Pétra, comme cela, me fit part de la sortie d’un livre qu’elle avait co-écrit avec Lew Bogdan, et consacré à l’histoire du Festival international de théâtre de Nancy. Curieux et intéressé, plongé dans le reviviscence des années 60, je découvrais le livre. Près de 600 pages, un pavé, impressionnant…!
Dépassant la surprise de la masse du volume, je rentrais dans le livre qui porte ce beau titre Comme neige au soleil. En quelques jours je m’imprégnais de théâtre, de créations, d’une histoire faite toute à la fois de passions, de tensions, d’inventions, d’imaginaires intellectuels croisés, je dégustais chaque page. Qui plus est, je revivais les temps forts d’une société politique et intellectuelle en mouvement. Bref, passionnant et vivifiant, de la mémoire et de l’écriture, et comme dirait Cyrano, du panache !
Plus récemment, voila plus d’un an maintenant, Pétra, dans un dialogue dont nous avons désormais l’habitude, me demandait conseil sur un livre dont elle venait de terminer la rédaction et consacré à l’art de l’aquarelle. Elle sollicitait mon avis pour trouver une maison d’édition.
C’est effectivement la plus grande des difficultés pour un auteur, car le parcours est semé d’embûches et de chausse-trappes. Je fais allusion là au parcours du combattant pour trouver une maison d’édition sérieuse, et surtout pas à ces entreprises, nées de l’internet, qui flattent les ego, et feignent de considérer un laborieux et présomptueux baveur de copie « Facebouquin« comme un nouveau Balzac ou un Proust opprimé!
Je demandais donc à Pétra Wauters de rédiger pour WUKALI quelques lignes de présentation pour la sortie de son livre aux éditions Ulisse. Or à cela Pétra déclina, préférant me laisser le champ libre afin que je donne libre cours à mes critiques et à mes affects intellectuels et esthétiques. Ainsi, à moi de rassembler mes idées, mes critiques, le plus objectivement qu’il m’est permis.
Le livre me fournit généreusement la trame de mon propos, et comme Ulysse cette fois, je me laissais emporter par la beauté de ce que je lisais, de ce que je voyais, ces aquarelles de lumière et d’eau dans un livre qui dépasse les limites du genre.
Un joli titre
Bien souvent les livres, les manuels d’apprentissage spécifique dans le domaine de la technique de la peinture sont rébarbatifs. J’ai ainsi quelque part dans ma bibliothèque un gros livre consacré à la technique de la peinture à l’huile, sans la moindre illustration, un comble !
Ma Méthode d’aquarelle- Juste au bout du pinceau, le livre de Pétra Wauters, s’il est certes destiné à tous ceux qui veulent s’initier à cette technique, et sa lecture est facile, peut être lu par tous les publics, il ne discrimine pas, il ressemble autour du plaisir qu’offre la pratique de l’art de l’aquarelle. Les illustrations sont très nombreuses, parlantes si j’ose ainsi dire, et font de ce livre aussi un « Beau Livre« , de celui qu’on aime à s’offrir et avoir dans sa bibliothèque, ou bien entendu du cadeau de choix que l’on fera à quelqu’un dont la sensibilité esthétique, et notamment picturale, est en éveil.
À cet égard, on dit de la peinture chinoise qu’elle est une esthétique de la philosophie, il en va de même de l’art de la calligraphie et des idéogrammes. Ainsi, c’est un peu la démarche de Pétra Wauters dans son livre, et les conseils pratiques, les choix techniques, les petits trucs qu’elle prodigue à l’amateur* d’aquarelle et qui cherche à s’exprimer dans cet art, s’apparentent souvent à des conseils de vie, une éthique par exemple: « Vous observerez où sont les ombres avant de les poser et, en trois coups de pinceau, vous verrez que votre aquarelle prendra vie. Essayez de garder à l’esprit cet adage: « En aquarelle, le peu fait le mieux ». »
De plus ses conseils sont précis, ainsi du choix des pigments et des couleurs pour certains sujets : « blanc brun, blanc rose, blanc beige, blanc cassé… « , le gris de Payne, le brun van Dyck, le rouge Winsor. Tout y est, un discours de la méthode lumineux documentant sur le choix: par exemple le grammage de la feuille de papier à utiliser et son mouillage ( comme on dit d’un bateau) à l’eau, mais aussi l’utilisation de la gomme, du crayon, des pinceaux bien sûr.
Plus intéressantes encore ces remarques empruntes de profondeur et d’intensité philosophique : « Le Noir offre aussi à voir… du blanc. En aquarelle, il ne faut pas oublier de laisser des blancs sur un sujet noir, car ils représentent la lumière, comme pour n’importe quel sujet coloré.
Les boîtes d’aquarelle déjà équipées proposent souvent du blanc et du noir. Or, ce n’est pas très utile, voire carrément superflu, sauf si vous réalisez une oeuvre abstraite. Pour obtenir du blanc et du noir, préférez les mélanges de couleurs.«
Comment conclure, si ce n’est par l’hommage respectueux de Pétra Wauters à Cézanne et à la Provence, à la Sainte Victoire.
Au total un beau livre qui se feuillette avec bonheur, qui apporte tous les conseils pratiques et l’aide utile pour s’adonner à l’art de l’aquarelle, et dont la mise en page et la qualité des reproductions photographiques est à souligner. On apprend, on s’initie progressivement à l’aquarelle, « jusqu’au bout du pinceau« , comme nous y invite Pétra. Au bout du compte c’est la satisfaction de savoir faire et le plaisir qui nous envahit, et c’est bien là l’essentiel.
Ma Méthode d’aquarelle
Jusqu’ au bout du pinceau
Pétra Wauters.
éditions Ulisse. 25€
*Définition étymologique du mot « amateur« : celui qui aime
Toutes les illustrations de cet article sont issues du livre de Pétra Wauters