Article initialement publié dans WUKALI le 6 janvier 2023/ Pierre-Alain Lévy.
Notre curiosité et les recherches documentaires que nous consacrons dans WUKALI pour alimenter notre rubrique revue de presse nous ont conduit en ce début d’année à examiner certaines avancées en médecine dans le domaine de la cancérologie. Pour paraphraser une phrase célèbre d’un de nos plus fameux écrivains*, le vingt-et-unième siècle sera humaniste ou ne sera pas !
Comment en effet ne pas s’intéresser à la médecine quand cette science même peut être considérée depuis plus d’un demi-siècle comme un marqueur de notre temps. Paradoxe quand on constate avec effroi l’arriération de certains esprits surpris et désarçonnés pour le moins par le Covid et les conséquences de la pandémie. Ainsi, et telle est bien la clef de notre épistémologie sociétale, le plus haut degré de la connaissance côtoie l’obscurantisme le plus aberrant comme nous avons tous pu l’observer dans cet épisode épidémique, et cela tant en France que partout dans le monde, du champ politique jusqu’à l’expression médiatique. On se rappelle les inepties de D. Trump suggérant avec sérieux l’usage du désinfectant pour lutter contre le Covid. Il en fut de même en France et la mise en lumière par certains médias et courants politiques d’un professeur de médecine de Marseille aux allures de gourou, jubilant d’être médiatisé, et dont les propositions thérapeutiques étaient quasiment à l’unanimité rejetées par ses pairs et l’Académie de médecine.
Nous avons la faiblesse de considérer à WUKALI l’autorité de la science, la force du savoir et de sa transmission, dans cette exigence éthique qui privilégie et rend l’homme plus grand que lui-même. Il en va ainsi de l’art, une manière d’être, un regard sur le monde. La science donc dans sa perception phénoménologique est pour nous aussi un art. Qui plus est elle caractérise notre temps, c’est bien pourquoi nous l’aimons et suivons avec curiosité ses avancées ! C’est bien aussi pourquoi WUKALI dont la motivation initiale est l’histoire de l’art telle je l’ai voulu dès sa fondation, n’est pas figé mais ouvert au travers de ses différentes rubriques à l’observation de ce qui nous fonde et nous rassemble. C’est ce qui nous définit paradoxalement dans toute notre singularité.
Vaste sujet en effet que la vulgarisation scientifique dont Etienne Klein envisageait dans une conférence** les complexes difficultés et embûches près desquelles elle se heurte et qu’elle doit affronter. Difficultés qui certes existent depuis la nuit des temps mais qui aujourd’hui même, avec l’accélération cybernétique tant de l’information que des avancées fabuleuses de la médecine notamment apparaissent en lumière. Au demeurant, on pourrait en dire autant de l’astronomie et de l’astrophysique et dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui même dans cette rubrique, la cancérologie, qui percutent notre fragile confort cognitif.
Ajoutons, pour tenter d’être plus exigeant dans cette tentative d’analyse, que si les réseaux sociaux devenus d’usage courant et universel permettent une mise en contact et en relation de tous les individus et de connecter des réseaux dans le monde, ils mettent aussi sur le même plan l’âne et le savant. Telle est l’impossible équation qu’il faut envisager. Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt dit un proverbe chinois !
Autre difficulté qu’il convient de souligner et qui très certainement constitue l’épineux obstacle que rencontre le politique par exemple, c’est la temporalité de l’action. Les échelles d’évaluation sont en effet différentes entre le citoyen lambda et le décideur. Ce serait même là la plus éclairante définition des réseaux sociaux, le temps présent et l’écume des choses, ou en en termes plus géométriques, l’horizontalité et la verticalité. Une expression française résume bien cela; « chacun voit midi à sa porte« , celui qui vit l’instant présent sans se soucier du reste, et celui qui envisage le long terme, le politique par exemple, et nous avons en haute estime ce champ d’activité qui intrinsèquement détermine le sens de l’état et la notion de l’histoire. Nous observons sans naïveté ce que d’aucuns sans vergogne voudraient en faire !
La recherche scientifique avance à pas de géant et de par le vaste monde des équipes médicales travaillent sur des champs de recherche qui pour certains d’entre eux aboutiront à des résultats prometteurs. Le domaine de la cancérologie est de ceux-là. Ainsi par exemple, Rosalyn Yalow, prix Nobel de médecine en 1977 et que j’ai eu l’honneur de rencontrer, a mis au point avec Roger Guillemin et Andrzej Wiktor Schally le principe des dosages en radio-immunologie qui aujourd’hui même sont devenus d’usage courant et permettent notamment d’établir des diagnostics. De même manière les études et travaux menés sur les anticorps monoclonaux sont passés du champ du diagnostic au champ de la thérapie. Notons que les connaissances sur l’ARN messager ont notamment contribué à la rapidité de mise au point des vaccins anti-Covid. Il n’est pas de journée qui ne se passe sans publication !
L’article de presse à l’origine de mes réflexions, a été publié dans la revue SciTechDaily repris de Science Translational Medicine. Des chercheurs du Brigham and Women’s Hospital à Boston sous la direction du professeur Khalid Shah aux USA ont trouvé un moyen d’utiliser des cellules cancéreuses pour combattre le cancer. C’est cet article même qu’il nous a semblé pertinent de vous transmettre et que nous avons traduit pour nos lecteurs, nous espérons qu’il saura vous intéresser. Nous l’avons intitulé : Des cellules cancéreuses transformées en agents anticancéreux (cliquer).
Notes
* André Malraux, « le vingtième siècle sera spirituel ou ne sera pas« . La légende du siècle (1972)
** Étienne Klein. La vulgarisation scientifique est-elle un échec? Novembre 2021. Institut Diderot
Nota: Pour lire ce texte en traduction anglaise, cliquer, ou sur le drapeau en haut de page
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Illustration de l’entête: illustration d’un poète de la dynastie Tang, Meng Haoran 孟浩然 (689-740) qui passait sa vie sur un âne et célébrait à voix haute la nature .