C’est un “opéra buffa”, un opéra bouffe, donc une comédie, quelque chose de drôle, c’est une histoire simple, quasiment consubstantielle de la scène du théâtre ou de l’opéra : une femme aimante et les hommes qui papillonnent autour d’elle, le jeu éternel de la séduction et de l’amour ; Isabella (Isabelle Druet) femme italienne à la recherche de son amant retenu prisonnier de l’autre côté de la méditerranée, raptée par les barbaresques pour devenir l’épouse du bey d’Alger Mustapha (Carlo Lepore), elle est rusée, elle est femme et sait user de ses charmes pour séduire son maître mahométan tout en organisant sa fuite avec celui qu’elle aime Lindoro (Yijie Shi) lui même captif ; Taddeo (Niggel Smith) le compagnon italien éconduit et naïf, Elvira (Yuree Jang) est la femme répudiée et épouse du Bey qui retrouve son statut un temps aboli, Zulma (Cornelia Oncioiu) la servante complice et Haly (Igor Gnidii) l’opérateur des basses oeuvres et affidé du Bey.

Rossini a vingt ans quand il compose son opéra pour le Teatro San Benedetto de Venise, on est en 1813, l’oeuvre est écrite en moins d’un mois, c’est un succès étincelant, dés l’ouverture un feu d’artifice brillant et coloré avec toute la munificence du jeune maestro. C’est un petit bijou tout y est bon, sans temps morts, une suite de scènes qui amusent et qui plaisent, des jeux vocaux où Rossini joue des mots et des contrastes, use des onomatopées et de la couleur de la langue italienne. On est au spectacle, on s’amuse et on est ravi.

Le metteur en scène David Hermann a transposé l’histoire en la rendant on ne peut plus contemporaine. La scène et seul décor : un avion, un Airbus fracassé au milieu d’une forêt luxuriante et tropicale. Le décalage est amusant, c’est du second degré, un clin d’oeil, de l’ironie qu’eût aimé Rossini, Mustapha sur son caftan porte une veste d’uniforme galonnée et médaillée tel un despote orientale en quête de reconnaissance et de légitimité, une sorte de Kaddhafi revu à la sauce Bokassa, quant aux barbaresques, les mahométans, ils deviennent des personnages porteurs de masques mi-africains mi océaniens, on ne pourra pas reprocher au metteur en scène de moquer ceux qui comme dirait Voltaire se vêtent d’un manteau de laine noire, de provoquer une guerre des civilisations. Rossini joue de la turquerie comme Molière le faisait dans Le Bourgeois gentilhomme, et le «grand Kaimakan» d’Alger est un pitre grotesque qui se ridiculise dans une scène d’initiation drôlatique en devenant «Pappataci» lubrique et libidineux, un adorateur de la chair et du silence, pas moins! La scène de lever des masques touche à l’émotion, il y a quelque chose de «Fidelio», de l’ordre de l’émancipation et de la liberté.

Les jeux d’acteurs (oui d’acteurs), sont excellents, les chanteurs les interprètes sont remarquables et s’amusent sur scène des facéties et des trouvailles scéniques voulues par David Hermann, ils y prennent un réel plaisir et les spectateurs deviennent des complices émerveillée et heureux. Toutes les voix sont belles. L’admirable Isabelle Druet mezzo-soprano, bien connue à Metz et Nancy, somptueuse avec sa chevelure rousse telle un Courbet voluptueux, Carlo Lepore à la voix de baryton chaude et massive, bien à l’aise dans le rôle, le jeune ténor chinois Yijie Shi, âgé de vingt-neuf ans, formé au bel canto au collège Toho de musique à Tokyo par le maître Akemi Yamazaki, et qui jouera en septembre prochain “Lucrezia” de Donizetti à Santiago du Chili et dont la carrière sans nul doute sera prometteuse, on le lui souhaite, puis Yuree Yang qui a remporté de nombreux concours et dont les rôles couvrent de grands champs du répertoire, Igor Gnidii qui a étudié avec Tom Krause et Manuel Cid à Madrid
et Cornelia Oncioiu qui la veille de la première, au pied levé apprend qu’elle est sollicitée pour jouer le rôle de Zulma à Metz, on l’ a récemment remarquée et entendue à Paris à l’Opéra-Bastille dans une master-class avec Tereza Berganza. Dommage que l’ orchestre n’ait pas été quelque plus dense!

Olécio partenaire de Wukali

Dans cette mis en scène de “L’Italienne à Alger” à Nancy et à Metz, les décors sont réussis, les costumes de bon ton, la mise en lumière est intelligente, le spectacle est un enchantement, un grand bravo à tous !

Vive la musique !

Pierre-Alain Lévy


Prochaines représentations

– Vendredi 9 mars 2012 à 20h

– Dimanche 11 mars 2012 à 15h

Direction musicale : Paolo Olmi – Orchestre symphonique et lyrique de Nancy

Mise en scène: David Hermann

Avec Isabelle Druet, Yijie Shi, Carlo Lepore, Nigel Smith, Yuree Jang, Cornelia Oncioiu, Igor Gnidii, Chœurs des hommes de l’Opéra national de Lorraine et de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole

Coproduction de l’Opéra national de Lorraine, du Théâtre national slovaque de Bratislava et de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole

Opéra-Théâtre de Metz Métropole. 4-5, place de la Comédie. 57000 METZ

Tél. 03 87 15 60 51 Fax 03 87 31 32 37 http://opera.metzmetropole.fr


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Ouverture de «L’Italienne à Alger»

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