Rien d’étonnant à ce que ces deux passionnés d’Italie, de sa culture, de sa langue, de son histoire et du mouvement des arts, la compositrice Suzanne Giraud et le romancier Prix Goncourt et académicien Dominique Fernandez se rencontrent et décident ensemble de travailler à un opéra ayant pour thème la vie du Caravage, à l’un la composition musicale et à l’autre le livret. Ce sera CARAVAGGIO . Dominique Fernandez avait déjà écrit avec brio et vivacité une biographie romancée sur le peintre : “La course à l’abîme”
C’ est à l’Opéra-Théâtre de Metz que sera jouée, vendredi 6 avril à 20h et dimanche 8 à 15h, la première mondiale de cette oeuvre dans sa version concert, avec dans le rôle titre le contre-ténor Philippe Jaroussky, le ténor suédois Anders J. Dahlin, la mezzo-soprano Maria Riccard Wesseling , le baryton Alain Buet et la basse Luc Bertin Hugault, un florilège de belles voix et avec pour l’accompagnement orchestral et vocal l’Orchestre des Siècles dirigé par François-Xavier Roth, et les choeurs de l’Opéra-Théâtre de Metz.
Suzanne Giraud a séquencé son opéra en 21 tableaux exprimant chacun une période de la vie du Caravage ( 1571_1610) : Rome pontificale, Naples, La Valette, plage de Porto Ercole… Le personnage il est vrai est multiple comme tout un chacun, peintre de génie, initiateur en Italie du clair-obscur et aussi d’un certain réalisme, ce qui provoquera des tensions avec certains de ses commanditaires pour ce qui concerne les oeuvres à caractère religieux, ( il influencera toute une génération de peintres à Rome dont de nombreux français : Vouet, Valentin, Tournier, Vignon).
La fin tragique de Caravage (1610) , retrouvé mort sur la grève de Porto Ercole près de Naples ajoute à la dimension dramatique de la vie de l’artiste et à son mystère. Assassinat, accident, maladie, relation passionnelle et vénale tragique, nul ne sait vraiment et les parallélismes existentiels et hédonistes, et ce faisant anachroniques, qui ont pu être envisagés avec la vie et la mort de Pasolini sur lequel d’ailleurs Dominique Fernandez a écrit, ne sont que conjectures.
Provoquer une accointance, une rencontre, une fusion, féconder la peinture avec la musique voila bien le défi qu’a voulu relever Simone Giraud, la compositrice de Caravaggio. Quelques toiles du Caravage, -de son véritable nom Michelangelo Merisi da Caravaggio (son village de naissance)- sont ornées avec des instruments de musique ( L’Amour vainqueur, La Fuite en Egypte, Le joueur de luth). Ce sera précisément là tout le talent de la compositrice que de détacher les instruments du tableau afin de les faire goûter, comme on goûte et savoure une bonne sauce ou un bon vin, dans un univers sonore et musical qui emprunte tout autant aux références baroques qu’à la musique d’aujourd’hui.
Un seul regret, dommage de ne pouvoir assister à une version de cet opéra avec costumes, éclairages, décors et mise en scène, on eût imaginé écouter si facilement et presque qu’avec émotion, les chanteurs entre ombres et lumières. Mais serait-ce alors la conséquence fâcheuse de réductions budgétaires plus que maladroites, on ne saurait le croire ?
Pierre-Alain Lévy
avec le contre-ténor Philippe Jaroussky dans le rôle titre
Simone Giraud composition musicale. Dominique Fernandez livret
Première mondiale
Orchestre des Siècles. Direction François-Xavier Roth
Opéra-Théâtre de Metz Métropole
Vendredi 6 avril 2012. 20h, Dimanche 8 avril. 15h
Illustration : Le Caravage. L’Amour vainqueur, 1600. Huile sur toile- 154 × 110 cm. Berlin, Gemäldegalerie