How would you react if you learn your ancestors were judiciary executioners ?


La chronique littéraire d’Émile COUGUT.


Il est des livres, une fois leur lecture achevée que l’on oublie toute de suite et d’autres que nous savons que nous relirons. Et puis il y a tout ceux (et ils sont très majoritaires) que nous ne savons où classer. Seul le temps nous apprendra si l’oubli à fait son œuvre ou s’ils se sont inscrits dans les synapses de notre cerveau.

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Pour le lecteur que je suis, «La Dévoration», le dernier livre de Nicolas d’Estienne d’Orves fait partie de cette dernière catégorie. Je l’ai apprécié, mais sans plus, il ne m’a pas « fait vibrer », il n’a pas provoqué une cascade de questions dans mon cerveau, il ne reste juste que le souvenir de bons moments de lecture car c’est un livre bien écrit. Il faut dire que son héros, Nicolas ne m’est pas particulièrement sympathique. C’est un être désabusé, égotiste, promenant son vague à l’âme dans Paris, n’ayant rien d’autre à faire qu’à écrire toujours sur le même sujet : la cruauté de l’âme humaine, car sa famille maternelle est bien assez riche pour lui permettre d’être un oisif complet. Sa mère, avec qui il a des rapports exécrables (mais il vit quand même toujours avec elle) est une écrivain pour la littérature jeunesse à succès, sa grand-mère, est l’héritière de son défunt mari, richissime banquier américain et se comporte en caricature de vieille riche américaine. Son père (qui vit de la pension de son ex épouse), il ne l’a pas vu depuis 10 ans, depuis qu’ils se sont disputés à propos de son premier livre. En plus, Nicolas adore l’opéra, moi aussi. Mais il nous fait partager son amour pour la Tétralogie de Wagner. Je ne vais pas nier qu’il écrit bien sur son ressenti de cette œuvre. Mais voilà, je n’aime pas Wagner, pas du tout. Quand j’ai du mal à m’endormir, je mets un CD de Wagner et suis certain qu’au bout de dix minutes je suis plongé dans les bras de Morphée (je mets cinq minutes à l’écoute de Debussy, mais Nicolas d’Estienne d’Orves ne parle pas de Péléas et Mélisande, aussi je n’en rajouterai pas). Vraiment Nicolas m’est antipathique, il a un côté « pleurnichard » satisfait de son sort, de son originalité qui m’insupporte.

Son mal-être, ses fantasmes qu’il retranscrit dans ses livres sont les conséquences d’une lourde hérédité familiale, un secret que lui dévoile son père quand ce dernier va mourir. Depuis le XIII siècle, les garçons de la famille sont bourreaux de père en fils. En quelque sorte la violence qu’il décrit, qu’il ressent en lui, est « génétique ». Ce n’est pas de sa faute, il n’y peu rien, il est « programmé » par la nature, par l’ancien travail de son géniteur et de ses ancêtres, à ressentir ses pulsions. L’hérédité, la génétique ont bon dos ! A la naissance, personne n’est plus violent qu’un autre. Soit, notre cerveau reptilien contient une bonne dose de violence. Mais celle-ci se développe plus ou moins chez les individus par rapport à leur milieu, leur éducation, etc. et non à d’un quelconque gène que l’histoire familiale aurait créé en nous. Lombroso et ses théories fumeuses ne sont pas loin ! Et comme j’ai lu, entre autre ouvrage, « Le Hasard et la nécessité » de Jacques Monod, je n’y crois pas et suis le premier à m’insurger quand j’entends parler de gène de l’homosexualité où de la détection de celui de la violence à l’école maternelle. On comprend encore moins ce que vient faire ce gène chez Nicolas alors que certains de ses ancêtres bourreaux ne faisaient ce travail que par obligation, montraient de l’empathie pour leurs « clients ». Et le « métier », ils l’apprenaient de leurs pères sans montrer au préalable une quelconque attirance pour la violence.

Alors, il parait normal qu’en guise de psychanalyse, pour essayer de comprendre qui il est vraiment (le lecteur a compris depuis le début que ce n’est qu’un oisif à la recherche de « sensations fortes » pour sortir de l’ennui dans lequel il se complait, pour résoudre ses problèmes sexuels et qui a eu la chance ou le talent de « surfer » sur une mode littéraire), incité par sa meilleure amie, il écrit un livre sur Hojime Morimoto, le japonais cannibale qui tua et mangea (en partie) une étudiante hollandaise à Paris « par amour ». Cela nous vaut quelque page bien « gore » sur le goût de la viande humaine qui varie suivant les morceaux (rien à voir entre la vulve et le sein gauche) et un délire sur l’acte d’amour total que représente l’ingestion de la personne aimée. Bien sûr Nicolas s’identifie à son héros (il faut dire qu’en plus tous les deux ont de sacrés problèmes au niveau sexuel) et il finit par faire le voyage au Japon pour le rencontrer.

– On peut aimer La Désolation, on peut ne pas aimer.

– On peut aimer les descriptions de morts violentes, de tortures, de souffrances, on peut ne pas aimer.

– On peut se retrouver sur une sexualité à base de violence ou d’éjaculations précoces, on peut ne pas s’y retrouver.

– On peut avoir de l’empathie pour Nicolas, on peut aussi n’avoir qu’une idée, lui donner un grand coup de pied au c.. pour le faire sortir du monde dans lequel il se complait car il ne fait que pleurnicher sur lui-même, que se comporter comme un adolescent gâté, attardé et qui ne fait surtout rien pour avancer dans la vie.

– On peut et on ne peut pas. Au lecteur de se faire une opinion.

Pour ceux qui s’interrogent sur le métier de bourreau, au-delà de beaucoup de reproches que je pourrais faire, dans la série des Nicolas Le Floch de Jean-François Parot, la figure récurrente de Sanson montre bien toutes les ambigüités, les questionnements de l’homme dont le métier était d’être bourreau, mais qui n’en était pas moins un homme.

Emile Cougut


La Dévoration

Nicolas d’Estienne d’Orves

éditions Albin Michel. 20€. sortie en librairie le 21 août


WUKALI 30/07/2014


Extrait du livre. Prologue


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