The social roots of English design.


Nous voudrions offrir des roses et des pétales de fleurs, des fruits dorés et des marching bands, des Gards aux bonnets noirs, vestes rouges et boutons dorés pour la parade, «Pumps and Circumstances » mixé avec des accords de rock, pour accueillir notre nouvelle correspondante à Londres, Genna Micheli qui présente dans WUKALI son tout premier article.

Genna est installée depuis quelques années dans la capitale britannique et suit avec curiosité et passion la vie culturelle et artistique ainsi que les modes de société.

Toute l’équipe de WUKALI, chère Genna, vous accueille avec joie!
Welcome young lady !

Olécio partenaire de Wukali

P-A L


L’exposition qui vient de s’ouvrir à la National Portrait Gallery à Londres sur William Morris est intéressante à plus d’un titre. Elle présente non seulement le travail d’un artiste artisan dont l’influence se retrouve aujourd’hui dans le textile et le design, mais suggère également une implication politique forte face à la Révolution Industrielle de la part des membres de la Confrérie préraphaélite, qui ont se sont très vite inspiré des utopistes et des mouvements sociaux émergents..

Membre de la Confrérie préraphaélite avec Dante Gabriel Rossetti et Edward Burne-Jones, William Morris est discrètement célèbre pour son travail de tapisserie et design textile, et si sa maison d’édition, Kelmscott Press, fondée en 1891, est réputée pour avoir produit un chef d’œuvre avec la publication des œuvres de Geoffrey Chaucer, il est moins connu pour son engagement politique. Proche des mouvements socialiste et anarchiste, l’œuvre de Morris prend une profondeur nouvelle à la lumière de ses convictions. Le travail de la curatrice Fiona MacCarthy s’est donc concentré sur le caractère politique des créations de Morris et l’héritage qu’il laisse au mouvement Arts & Crafts et aux arts décoratifs. |left>

Fin de la période victorienne, début de la période édouardienne : Morris évolue dans le contexte de la Révolution Industrielle. Néanmoins, sa philosophie, et le modèle de production qu’il privilégie, l’éloignent de ce bouleversement. Il crée en 1861 la société Morris, Marshall, Faulkner & Co. avec six partenaires et se donnent pour mission de réhabiliter la décoration intérieur comme un art à part entière. Morris se concentre sur une création artisanale, sur un « art pour le peuple », et pense le design comme un art mêlant utilité et esthétique – « n’ayez rien dans vos maisons que vous pensez utile et trouvez beau » . Le designer est artisan et sa production doit lui permettre de vivre, en même temps qu’il vend un service utile à son camarade – car c’est dans l’idée d’une société égalitaire que le mouvement de Morris et ses amis prend racine. Militants pour les droits des femmes, des homosexuels, antiparlementaires, les membres de la Confrérie se distinguent par un partage matériel, au sens où ils partagent ateliers et parfois domiciles, mais également dans la conviction que l’artisanat, pur produit de l’individu, est l’élément primordial pour la réalisation d’une société bienveillante.

Petite exposition, mais plaisante et bien conçue, Anarchy & Beauty se visite en quatre étapes : de la rencontre avec Morris et son cercle à son implication politique et créations dédiées, de la continuité, voire du dépassement, de ses méthodes par ses enfants et amis, à l’héritage moderne et contemporain de cette figure de proue du mouvement Arts & Crafts. On peut observer ses autoportraits, naviguer son quotidien à travers plans de son domicile ou effets personnels, rencontrer ses amis et découvrir leurs relations, puis se familiariser avec ses idées politiques et leur radicalisation, de sa sympathie pour les suffragettes à ses réalisations pour la Société Socialiste d’Hammersmith. Viennent ensuite ses travaux éditoriaux et son héritage, et la publication d’un exemple du Capital de Karl Marx dont les dorures s’expliquent par le fait que tous devraient avoir accès à la beauté dans leurs lectures, quelles qu’elles soient, ou encore le chef d’œuvre de Kelmscott Press, les œuvres complètes de Chaucer, apprécié aujourd’hui par les amateurs et reconnu comme l’un des meilleurs travaux d’édition modernes. Enfin, l’exposition se termine sur l’influence contemporaine de Morris à travers l’avènement d’une école de design fonctionnel, héritage de ses idées politiques, avec le mouvement Garden City ou encore le travail de Terence Conran – accessibilité, utilité, beauté. À ne pas manquer, les motifs de tapisserie dessinés par Morris se retrouvent dans tous les angles, recoins et fonds de l’exposition.

Si Morris et ses héritiers défendent un mode de production anticapitaliste face à l’avènement de la Révolution Industrielle et des changements vers une économie et une production de masse, c’est peut-être sur cet idéalisme que l’on peut construire les principales critiques de l’exposition et de sa curation. Morris est-il véritablement un pionner et « résistant », ou n’a-t-il pas saisi combien sa philosophie de production pouvait inspirer des entrepreneurs et leur permettre de se lancer, à leur tour, dans la production de masse ? Enfin, s’il est intéressant d’éclairer le travail de Morris à la lumière de ses convictions politiques, l’exposition manque de nous présenter un fait principal : il est en effet pionner de la reproduction de motifs, et sa créativité est aujourd’hui reconnue comme l’une des inspirations du design moderne. Illustration parfaite de cet héritage mi capitaliste, mi fonctionnel : Terrence Conran, qui fonde Habitat et revend la marque pour se concentrer sur The Conran Shop, promeut un design fonctionnel, mais les produits fabriqués en masse. |left>

Vouloir replacer Morris dans son contexte personnel et politique est un exercice intéressant qui peut néanmoins éclipser le génie créatif de son travail. Enfin, on peut déplorer l’absence d’exemples de minimalisme, mouvement dédié à la fonctionnalité et aux formes épurées, qui laisse néanmoins une part importante aux motifs et créations originales tant il permet de dégager les intérieurs, et les esprits, d’une pollution inutile qui empêche de remarquer créativité et choix esthétiques des individus qui s’adonnent toujours à la décoration d’intérieur comme à un art noble, un art décoratif.

Glenna Micheli
Correspondante de Wukali à Londres www.wukali.com



Anarchy & Beauty: William Morris and his legacy,


National Portrait Gallery

du 16 Octobre 2014 au 11 Janvier 2015

St Martin’s Place

Underground, stations les plus proches: Charing Cross 230 m, Leicester Square 195m et Embankment 490 m.

Bus n°24, 29 et 176 depuis Trafalgar Square arrêt C ou Charing Cross Road arrêt K.


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