An interesting approach in order to settle peace in France and to put and end to the wars of religion

Un admirable travail d’historien par Jérémie Foa, publié aux Presses universitaires de Limoges (Pulim), sur un sujet au demeurant mal connu, comment la paix a-t-elle réussi à prendre le pas sur les guerres de religion en France.

L’histoire est faite de batailles, de guerres, de luttes, de morts. Et les historiens travaillent dessus, sur leurs causes, leur importance, leurs conséquences. Et les enseignants dispensent ce savoir dans leurs cours et leurs leçons. Beaucoup plus rares sont les ouvrages pourtant sur la paix, sur les moyens dont les gouvernants mettent en œuvre, créent des instruments pour faire cesser un conflit et aboutir à la paix, à la concorde entre les peuples ou, en cas de guerre civile, entre les citoyens qui se sont entretués. C’est ce que fait Jérémie Foa dans Le tombeau de la paix où il dissèque l’action de Charles IX et de sa mère Catherine de Médicis pour mettre fin aux Guerres de religions en trouvant des moyens, avant tout juridiques, et surtout humains pour que la cohabitation entre les fidèles des deux religions puissent vivre en harmonie dans tout le Royaume.

L’aspect juridique est représenté par les édits de pacification : Amboise(1560), Longjumeau(1568), Saint Germain (1571) pour les principaux, et au niveau humain par la création des commissaires des édits de pacification, chargés, dans tout le royaume de régler les problèmes posés par les susdits arrêts sans léser l’une ou l’autre partie.

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L’auteur dans un livre savant montre les origines sociales (avant tout de la noblesse de robe) des commissaires, leurs motivations, leur loyauté à la couronne et leur action pour vaincre les résistances locales tant protestantes que catholiques. Aussi nous fait-il un tableau précis des mentalités de l’époque, des liens sociaux, de la perception de l’Etat, de son rôle, de sa fonction comme régulateur social qui sont bien loin de ce qu’ils sont devenus de nos jours.

Il montre l’évolution dans le temps des pouvoirs des commissaires, de leurs actions, de leurs décisions. On assiste à une sorte de tâtonnement dans la démarche des pouvoirs publics pour trouver la meilleure façon pour instituer durablement la paix. Cette démarche montre un pragmatisme certain non seulement de la part des commissaires mais surtout d’un monarque et de sa terrible mère que l’’histoire traditionnelle n’a pas l’habitude de percevoir. Cette démarche est avant tout pragmatique, essaie de prendre en compte les cas particuliers sans léser les parties en cause. Et c’est une tâche ardue, car les demandes de justice portent aussi bien sur la restitution de biens matériels qu’immatériels comme sa réintégration comme capitoul dans une ville ou la restitution de son honneur à une époque où l’honneur pouvait avoir une importance bien plus grande qu’une possession matérielle. Pour ce faire, ils essaient avant tout de concilier les parties en cause plutôt que d’opérer à une application stricte, littérale des édits. Is essaient d’employer, de fait, les techniques d’arbitrage et de médiation qu’ils connaissent et qui viennent du Moyen Âge.

Ces commissaires voyageaient seuls ou à deux, et s’ils représentaient tout à la fois le pouvoir politique, civil et judiciaire, se trouvaient toujours sur le territoire où ils agissaient, avec un représentant du pouvoir militaire (issu lui de la noblesse d’épée, parfois un maréchal de France) car parfois, il fallut user de la force pour imposer la paix. Les relations entre les commissaires et ces gouverneurs militaires furent parfois harmonieuses, beaucoup plus souvent tendues voire conflictuelles. Les problèmes de préséance et d’’étiquette avaient une importance certaine.

L’action de ces commissaires faite de « douceur et sévérité  » fut assez mal perçue par les populations concernées. Les catholiques les accusèrent de favoriser les protestants et ces derniers les catholiques. On les a accusés de bafouer les coutumes, les libertés locales pour imposer des démarches, une vision de l’organisation sociale qui était celle du pouvoir central au détriment des processus, des spécificités régionales voire communales (le combat entre jacobins et girondins a des racines profondes dans l’histoire de France).

Mais de fait, dans ce royaume où les catholiques étaient très majoritaires, l’action des commissaires, bien involontairement, ont servi ces derniers. Il apparait que militairement, les protestants n’ont pas perdu (ni gagné) les guerres, mais ils ont perdu la paix, une paix, avant tout faite d’actions symboliques en leur défaveur qui expliquent en grande partie les résurgences régulières des violences physiques entre les deux parties. Les commissaires croyaient bien faire, ils avaient minimisé le symbolique pour s’attacher avant tout au matériel. Ils étaient des hommes de leur époque. La paix a bien fait plus pour les dominants que la guerre en les confortant dans leur position dominante au nom d’une certaine neutralité. C’est une leçon que nous devrions toujours à avoir en mémoire, le chapitre des Essais de Montaigne, contemporain de cette époque : « de la liberté de conscience » devrait être connu par tous nos « politiques » et autres « penseurs ».

L’action des commissaires s’achève en 1572 après la Saint-Barthélémy, l’Édit de pacification de Boulogne sur Mer de 1573 ne être appliqué que par les instances ordinaires du royaume. Mais trente après, dans un contexte différent, Henri IV saura tirer la leçon des échecs des émissaires de son cousin quand il enverra de par le royaume ses commissaires chargés de l’application de l’Édit de Nantes.

Les commissaires des édits de pacification, une cinquantaine tout au plus, font partie des « oubliés » de l’histoire, histoire qu’ils ont contribué à forger, mais avec la plume et leur intelligence et non avec la force et le fer. Leurs actions sont minutieusement étudiées par Jérémie Fao dans un travail de trés haute qualité scientifique, qui ne fait pas que décrire une époque, mais qui en plus nous montre que les débats de société que nous pouvons encore avoir à notre époque sur la religion, la justice, l’autonomie des collectivités locales, etc., existaient déjà, et que la connaissance de ces expériences nous offriraient bien des outils pour enrichir le débat et éviter de faire des erreurs qui risquent de marginaliser, et par là de révolter, ceux qui se croient, pensent, être minoritaires.

Félix Delmas


Le tombeau de la paix
Une histoire des édits de pacification (1560-1572)

Jérémie Foa
Préface d’Olivier Christin

Éditions Pulim. 30€


WUKALI 07/04/2015

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