A full investigation about nazi heinous crimes in post war Germany


Le Labyrinthe du silence (Im Labyrinth des Schweigens ) est un film dramatique historique allemand coécrit et réalisé par Giulio Ricciarelli, en salles en France depuis le 29 avril 2015.

Le film Le labyrinthe de Giulio Ricciarelli, réalisateur milanais né en 1965 vivant en Allemagne, rapporte parfaitement la stupeur d’un européen devant l’Europe dans laquelle il naît (je suis né en 1967) face au labyrinthe du silence qui se constitue dès la chute du prétendu « Empire » Nazi.

Le film retrace dans une reconstitution romanesque, dans le Francfort de 1958, l’histoire du jeune procureur Johann Radmann, l’adjoint du véritable héros de la véritable histoire, le procureur général Fritz Bauer. Ce dernier, juriste inquiété par la Gestapo en 33, exilé en Suède, retrouve des fonctions dans l’Allemagne de l’après guerre. Il est l’architecte des procédures qui aboutissent à l’arrestation d’Adolf Eichmann et aux procès dits d’Auschwitz en 1963.

Olécio partenaire de Wukali

(La documentariste Ivona Ziok a consacré un film à Fritz Bauer, Tod auf Raten. Elle part des témoignages qui portent à juste titre sur la mort étrange du procureur général (retrouvé noyé dans son bain en 1968), son appartement habituellement jonché de dossiers parfaitement « rangé » ce jour là.)

Le Labyrinthe de Ricciarelli décrit parfaitement la complexité de l’après guerre. Le monde, la société humaine, les vies de chacun, l’Allemagne depuis 1933, après 45, Auschwitz, les vies brisées de millions de femmes, d’enfants, d’hommes, de personnes âgées, de Juifs, le silence qui pèse sur la destruction allemande et européenne des Juifs depuis la guerre, la conscience individuelle et collective, voilà autant de labyrinthes, qu’il s’agissait d’explorer avec tact et sans perdre le spectateur et voici un pari réussi !

Tout le film gravite autour d’un labyrinthe appelé Auschwitz. Beaucoup de ceux qui y sont morts n’y sont jamais entrés… « Sélectionnés » sur la « rampe », ils entrent directement dans les chambres à gaz pour être transformés en cendres. Ceux qui entrent dans le gigantesque camp connaissent un labyrinthe effroyable. Peu en sortiront, et ceux là entreront dans celui du silence, de la difficulté de dire, de la nécessité de parler, parfois de la tragédie du suicide. Plus de 6000 S.S sont passés par Auschwitz pour travailler au labyrinthe de la mort. Les millions de documents absurdement conservés jusqu’à l’obsession à cette tâche de malheur sont aussi les murs de l’édifice et ils n’ont pas fini de parler.


Un film didactique qui s’adresse autant aux jeunes générations qu’à la méditation des plus anciennes. Il n’était pas facile de synthétiser parfaitement les divers méandres du labyrinthe et d’en fournir une carte tant la chose était complexe. Tout y apparaît clairement : le désir d’oublier, d’occulter l’horreur, de vivre malgré ou encore, de survivre, passer la honte, cacher le crime, affronter la réalité, le passé, le réel, le présent, rassembler, distinguer, séparer, dans un contexte historique qui est vite, très vite passé de la lutte commune contre le nazisme à la guerre froide et à la lutte des blocs. Là, chacun doit d’abord s’engager dans le labyrinthe de sa propre histoire familiale, personnelle, de sa conscience, de ses conceptions, de ses convictions, de ses rêves et cauchemars. Chacun alors doit faire face aux siens, à la confiance, au rôle que chacun dit avoir joué ou qu’il a réellement joué dans l’histoire. Chacun assume ou pas l’histoire qu’il a vécu ou qu’il raconte. Dans l’Allemagne de 1958, les nazis sont revenus, dans la police, dans la magistrature, dans l’enseignement, au pouvoir même. Ils sont aidés par ceux qui les aident objectivement et par l’immense armée de ceux qui veulent cacher leurs fautes, leurs remords d’avoir agi ou d’avoir laissé faire. Ils sont même aidés par ceux qui en toute bonne foi, veulent « tourner la page » sans écrire la précédente. Dans le labyrinthe, des monstres impunis, des monstres quotidiens, des criminels grands et petits, des comparses, des complices, des spectateurs, des témoins, des défenseurs, des accusateurs. Deux heures palpitantes de cinéma vérité.

Un labyrinthe, pense-t-on lorsqu’on est enfant, est une construction faite pour jouer à se perdre et à retrouver son chemin, laquelle symbolise un savoir réel sur l’essence du monde. En réalité le labyrinthe est le monde lui-même, et nous en sommes un et quiconque veut trouver la réalité ou la vérité, et avec elles la justice, la beauté entre dans le labyrinthe. En sortirons nous jamais ?

La grande pensée de l’idéalisme allemand, la culture allemande que le nazisme a voulu subvertir, travestir et détourner commence en partie chez Leibniz selon lequel il y a deux labyrinthes : celui de l’infini et celui du continu (l’un et l’autre peuvent s’entre-composer). Un labyrinthe infini n’est pas forcément complexe, une droite est simple, mais elle est labyrinthique parce qu’elle nous entraîne à l’infini. Un labyrinthe n’est pas forcément immense : un segment de droite, dans lequel on peut toujours trouver un point qui le partage en deux, ouvre un labyrinthe infini sous nos yeux. C’est cette culture classique immense et magnifique qui un jour a accouché du nazisme, d’un monstre, son envers dévorant. Le règne de l’immonde « Empire », comme aujourd’hui certains califats s’appellent « Etat », devait durer mille ans dans la folie crimminelle des imbéciles qui se croyaient génies militaires et politiques ; il a duré de 1933 à 1945, mais il a perduré grâce au silence, et aux bourgeons plus ou mons récents.

Il n’y a pas de labyrinthe qui ne résiste à l’esprit humain. Le nazisme ne pouvait pas régner, que les Etats barbares d’aujourd’hui y trouvent les leçons de l’histoire. Depuis la chute de l’Empire Perse face aux Etats grecs, aucune puissance ne peut s’établir durablement sur de mauvais principes. Qu’espéraient-ils les Allemands qui « croyaient » dans le nazisme pour résoudre le chômage ( grave erreur) ou pour botter le train des politiciens prétendument véreux ( grave erreur), leur désir de pureté n’aura été rien d’autre qu’un immense désir de suicide collectif, une haine de soi malheureuse et létale. Tous ne voulaient pas périr ! Les Juifs d’Europe désiraient vivre, ceux qui les ont assassinés, et qui trop souvent sont morts paisiblement après être revenus à leur paisible vie, désiraient tuer ! Les dictatures et les guerres nous contraignent à vivre avec des assassins. Les barbares d’aujourd’hui qui se vantent de compter parmi leurs rangs des égorgeurs, des enfants exécuteurs, devraient méditer sur la société de tueurs qu’ils veulent pour eux-mêmes. Le peuvent ils ? Qu’ils grillent dans l’enfer auquel ils croient. Personne ne peut vivre dans l’Enfer qu’ils veulent pour nous, pas même eux. Ils ne peuvent pas triompher ! Leur cause est perdue pour l’éternité.

Il n’empêche, nous sommes condamnés au labyrinthe, celui du temps et de l’espace, de l’histoire et de l’actualité, celui de la conscience de soi, de la conscience de la réalité.

Nous sommes tous face aux crimes de l’humanité, nous, européens sommes face aux crimes perpétrés sur les Juifs d’Europe. Honneur à ceux qui nous tirent du silence et de la honte.

Face aux assassinats abominables perpétrés récemment, En France, au Danemark, en Belgique, en Angleterre, en Tunisie, en Syrie, en Irak, et partout sur le globe et face aux torrents de commentaires, le contraire équivalent du silence, j’étais résolu à garder le silence, le temps du deuil, le temps de comprendre, le temps pour faire face. En France des Juifs ont été visés et tués parce qu’ils sont juifs, c’est inacceptable. Des actes et des œuvres d’Etat sont nécessaires pour faire face à ce visage nouveau de la haine et de la barbarie. Cette œuvre me permet de sortir du silence.

Les archives soviétiques sont depuis peu disponibles aux chercheurs, les survivants disparaissent hélas, les assasins aussi. Les derniers très jeunes gardiens du camp s’éteignent. Les responsables sont morts depuis longtemps. On va enfin pouvoir écrire l’histoire labyrinthique de cette tragédie, puisse-t-elle contribuer à nous en épargner de semblables ou d’autres.

Patrick Kopp


Patrick Kopp est professeur de philosophie en Lettres Supérieures au lycée Henri Poincaré à Nancy.


WUKALI 04/05/2015

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