Will ISIS conquer Palmyra ?
Palmyre est dans toutes nos mémoires culturelles ou tout du moins évoque un vieux souvenir d’histoire ou une étape touristique au coeur d’une oasis en Syrie au nord-est de Damas. Une halte sur l’antique route des caravanes et qui fut active de 44 av. J.C à 272. Son nom est déjà mentionné plus de 2000 ans av. J-C dans des archives retrouvées à Mari . Pour qui est féru d’antiquités orientales, Palmyre est riche de mémoires et d’architectures. L’empereur Hadrien s’y rendit en l’an 129 av. J-C et déclara Palmyre ville libre, au troisième siècle la reine Zénobie (زنوبيا) régna sur Palmyre et prit la tête d’une révolte contre Rome avant d’être vaincue par Caracalla qui la fit prisonnière et l’emmena dans la capitale de l’empire romain où elle parada dans son triomphe entravée par des chaînes d’or au grand dam scandalisé du Sénat.
C’est une métropole où se croisèrent des influences perses et gréco-romaines. Un de ces points de civilisations qui sculptèrent dans la pierre, la dynamique commerciale et l’éblouissement créatif de ceux qui voila très longtemps fixèrent l’humanité dans son processus évolutif en jouant sur les formes minérales et l’architecture pour exprimer l’idée même de puissance et de civilisation qui distingue l’homme de la bestialité et inventer au demeurant le principe même de la ville (soit urbs en latin qui fondera en français- très intéressante évolution sémantique- l’invention du mot urbanité ou urbain dans la double acception amphibologique du terme).
Les canons tonnent et les snipers de Daesh ( acronyme ISIS en anglais) , le visage recouvert d’une cagoule, ont semble-t-il conquis samedi 16 mai le nord de Palmyre. Voila une dizaine de jours les unes de la presse internationale alertaient l’opinion publique sur les affrontements et les risques pour cette ville classée depuis 1980 dans la Liste du Patrimoine mondial de l’humanité établie par l’UNESCO.
Puis bizarrement les informations suivantes assuraient que Daesh avait été repoussé. Il semble bien qu’il n ‘en est rien, la situation reste chaotique ! Il suffit pour cela de lire avec attention la presse internationale. La directrice de l’Unesco, Madame Irina Bokova vient d’appeler le 20 mai «à un arrêt immédiat des hostilités pour protéger la population civile concernée et sauvegarder le patrimoine culturel unique de Palmyre.». Enième alarme qui a la force du tocsin sur une mer déchaînée !
Pour qui s’intéresse tant aux affaires diplomatiques et la marche du monde et à l’art, on ne peut qu’être alerté par la menace (effrayé serait un positionnement psychologique par trop passif). Chacun peut en effet avoir à l’esprit les toutes récentes destructions de bas reliefs assyriens et le saccage du musée de Mossoul que nous avions dans notre précédent éditorial dénoncés ou en Irak la destruction du mausolée de Jonas . C’est le Président de la république française, François Hollande, seul de tous les chefs d’état et c’est tout à son honneur, qui le jour même de l’attentat au musée du Bardo à Tunis (sinistre circonstance) appelait depuis les salles des antiquités orientales du musée du Louvre à la préservation du patrimoine mondial menacé en Syrie ou en Irak voir article. Nous avions évoqué dans notre éditorial la destruction du patrimoine antique à Nemrod Nous nous rappelons aussi dans d’autres lieues, en Afghanistan, le dynamitage en 2001des Bouddhas géants de Bâmiyân et nous pourrions hélas poursuivre dans le court terme entre Méditerranée et Euphrate. Palmyre c’est une cité antique, au carrefour de plusieurs civilisations, un joyau archéologique: sa grande colonnade, le temple de Bel dans le camp de Dioclétien, c’est aussi une agora, un théâtre, une ville avec ses rues ce qui au demeurant en fait un exemple unique de l’architecture romaine au Proche-Orient. Ce sont des cimetières antiques, c’est le château Fakhr-al-Din al-Ma’ani datant du 13ème siècle et ses fortifications. C’est hélas une population terrorisée et qui essaie de fuir car à côté de la ville antique se trouve la ville moderne, Tadmur ( سجن تدمر) où ses habitants sont pris au piège. Même les Mongols dont on connait pourtant la férocité guerrière, n’ont pas eu en leurs temps cette soif avide des destructions et de bains de sang que professe Daesh. La diplomatie au Proche-Orient se décrypte avec de très nombreuses difficultés avec un microscope à plusieurs focales et des éclairages analytiques différenciés, elle nécessite une souplesse conceptuelle infinie. L’on a peu parlé sur les antennes ou dans la presse françaises en général de la stupéfiante défaite américaine lors de la bataille de Ramadi en Irak voilà 4 jours. Cela en revanche a été abondamment commenté par la presse américaine. Plusieurs dizaines de tanks récemment livrés par les USA à l’armée irakienne, ont été abandonnés par leurs servants qui ont déserté le combat, et ont été récupérés par Daesh. Si Monsieur Obama fait la une de la presse people, notamment en Europe et séduit par le charme maîtrisé de sa communication, ses inflexions en termes de diplomatie depuis son arrivée à la Maison Blanche auront été catastrophiques. Mesurer de l’étranger la compétence du chef d’état de la plus grande puissance au monde à l’aune de ses aptitudes face aux caméras et de son style vestimentaire remarquablement soigné est de la plus grande ineptie. Certaines informations prises à bonnes sources indiquent que le chef de Daesh, Abou Bakr Al Baghdadi, aurait été pour le moins sérieusement blessé lors de frappes américaines voilà quelques jours en Irak. Sans imaginer un seul instant la mansuétude du barbu enturbanné qui aurait été blessé à la colonne vertébrale, on peut craindre que ses séides ne se livrent en son absence à une surenchère de conquête violente et destructrice de la cité antique pour effacer un prestigieux passé sur lequel leurs proclamations fanatiques n’ont aucune prise et pour cause, et asseoir ainsi leurs pouvoirs ! C’est ce que René Goscinny appelait dans une formule devenue désormais très célèbre : «être calife à la place du calife» …! Pierre-Alain Lévy WUKALI 21/05/2015 Courrier des lecteurs: redaction@wukali.com