An historical survey of the climate in Metz in Lorraine at the end of the medieval period


Voici un livre sur le climat publié par les éditions universitaires de Lorraine qui bien au delà de l’ère géographique étudiée saura dans le contexte géo-politique de notre époque satisfaire la curiosité d’un très large public. La thèse dont il est issu a obtenu le prix spécial du jury du concours 2012 de la Société Française d’Histoire Urbaine. Depuis les travaux d’Emmanuel Le Roy Ladurie (qui signe la préface de ce livre), tout un chacun sait que le climat a une histoire et que cette dernière a une grande influence sur les événements quotidiens, sociaux, politiques que vivaient les gens de l’époque étudiée.

De façon très empirique, de fait, dès les cours d’histoire au collège et au lycée, nous percevions cette importance. Et ceux qui ont connu ou tout du moins se sont intéressés à la vie quotidienne de leurs ancêtres (qui dans leur immense majorité étaient des agriculteurs) savent que la météorologie était à la base d’une bonne récolte ou d’une disette. Les grandes migrations qu’a connu l’humanité depuis le début des temps ont souvent eu pour origine des variations climatiques. Nos sociétés occidentales développées ont oublié tout cela et le moindre petit orage devient une catastrophe naturelle et que dire de l’étonnement qui saisit la population lors de tempêtes un peu plus violentes que celles qui se développent habituellement chaque année sur les côtes atlantiques. C’est, comme d’habitude, la connaissance de l’histoire qui permet, en grande partie, de relativiser ce qui passe pour être exceptionnel, qui l’est, peut être, pour une courte vie humaine, mais qui de fait n’est qu’un épiphénomène au regard de l’histoire de la terre et de son climat.

On sait très bien qu’en ce qui concerne le réchauffement ou le refroidissement de notre planète, il faut raisonner en centaines de milliers d’années : en un siècle, les moyennes de températures, de précipitations, d’ensoleillements ne varient que de façon infinitésimale. C’est ce que perçoit l’historien ou l’ingénieur météorologue, sûrement pas la personne vivant à cette époque. Et quand il s’agit de personnes vivant à la fin du Moyen-Âge, il ne faut pas oublier qu’à l’exception d’une petite élite, leurs principales préoccupations étaient avant tout de vivre dans de dignes conditions et de pouvoir obtenir de la nourriture à des « prix raisonnables ». Or, les variations du blé et du vin étaient conditionnées directement par la météorologie. Un hiver trop rigoureux, un été trop sec, récoltes et vendanges étaient mauvaises et les prix augmentaient. Et qui disait augmentation des prix impliquait une augmentation de la pauvreté des plus démunis et des risques de troubles à l’ordre public voir des révoltes sanglantes.|left>

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Laurent Litzenburger s’inscrit dans ce courant d’historiens qui étudient le climat pour mieux appréhender les événements qui se sont déroulés à cette époque dans un lieu donné. Ce fut le sujet de sa thèse qui vient d’être réécrite pour être publiée aux Éditions universitaires de Lorraine sous le titre de Une ville face au climat : Metz à la fin du Moyen-Âge. 1400-1530 . La fin du Moyen-Âge qui voit le rattachement de fait de la république messine au royaume de France venu lui porter secours contre son souverain légitime mais jamais accepté : l’Empereur.

Pour arriver à la somme savante et ô combien intéressante que nous livre Laurent Litzenburger, ce dernier reconnaît avoir eu la chance d’avoir accès à une importante documentation rarement, pour ne pas dire jamais, consultée sous cet angle de recherche. Il a pu compulser plus d’une dizaine de journaux ou chroniques d’époque et surtout l’important fonds des archives locales, départementales et régionales avec ses livres de comptes, rôles d’imposition, taxes diverses, atours, minutes notariales ainsi que celles des procès.|right>

À partir de cette riche et rare documentation, il a pu reconstruire l’évolution des températures messines entre 1420 et 1537 ainsi que celle des vendanges pour la même période (le vin étant à cette époque la principale ressource agricole dans le pays messin). Dans les annexes (si volumineuses de part leur richesse qu’elles se trouvent dans un CD-ROM avec le livre) on trouve aussi des données sur les tempêtes, les inondations, débâcles, étiages, etc, enfin tout ce qui concerne le climat et les conséquences directes qu’il eut pour la population.

La première partie du livre est une étude savante du climat sur cette période et des événements extrêmes qui eurent lieu (n’oublions pas que cette époque pour cette région de l’Europe fut considérée comme un « petit âge glaciaire » qui ne fut pas sans conséquences politiques).

La seconde partie porte sur « la vulnérabilité climatique de Metz à la fin du Moyen-Âge » dans laquelle apparaissent les faiblesses de Metz au niveau de son approvisionnement et les tentatives des édiles de contrôler l’augmentation des prix et par la tentative de mettre en place d’une sorte de politique sociale en faveurs des plus démunis. De fait, à cette époque, le système des greniers messins qui permettaient d’engranger « de quoi nourrir la ville durant trois ans » et de prévenir les crises frumentaires ne fonctionne plus pour plusieurs raisons dont la forte variabilité climatique de la fin du XV siècle et l’isolement de la République face à la naissance de grandes principautés dans sa périphérie. De plus, l’augmentation des frais d’entretiens des biens publics (greniers, moulins), des agents municipaux, grevèrent grandement les finances de la cité ce qui provoqua l’augmentation de critiques de plus en plus violentes contre les magistrats incapables de gérer les méfaits climatiques.

La troisième partie est plus « ethnologique ». Laurent Litzenburger s’efforce, de façon convaincante, de dessiner les mentalités dominantes de l’époque face au climat et les réactions de la population pour tenter de conjurer le « mauvais temps ». Il développe les pratiques paysannes mais aussi les plus « savantes » (nous sommes aux balbutiements de la climatologie) pour prédire le temps, ainsi que les pratiques religieuses (processions, apparition de nouvelles saintes liées au climat et données à la dévotion des fidèles comme Sainte Barbe ou Sainte Sérène (avant 1497, elle ne guérissait que de la fièvre, à partir de cette date on l’évoque pour que cessent les périodes trop sèches ou trop pluvieuses)) mais aussi les procès en sorcellerie qui tendent à se multiplier à cette époque : il y en eut 126 (92 femmes et 34 hommes) entre 1335 et 1520. Face à l’incompréhensible, on désigne des boucs émissaires comme l’a montré René Girard.

La conclusion de cet important ouvrage nous montre une cité messine en plein déclin qui n’a pas su s’adapter aux évolutions de la société dans laquelle elle se trouvait, cité qui n’a pas su se connecter aux réseaux des villes qui se développent, cité qui percevait le climat avec une idéologie médiévale et qui n’a pas su gérer les conséquences de ce risque pour éviter le mécontentement urbain face à des crises frumentaires à répétition.
Puis Charles Quint vint assiéger Metz, le duc de Guise en assura sa défense, et Metz fut rattachée de fait à la couronne de France.

Ce livre malgrè ses aspects « savants » et d’une lecture très facile et grâce à un angle d’étude original, apporte une nouvelle pierre à l’histoire de Metz, histoire originale et encore perceptible dans ses pierres et son environnement. Le livre de Laurent Litzenburger est le fruit d’un vaste travail de recollement de très nombreuses, rares et riches d’archives, qui rendent comptent comme des almanachs des variations du climat et de ses impacts sur les mentalités de la République de Metz, de la grande comme de la petite histoire. Un livre universitaire aussi parfaitement adapté à la curiosité du grand public qui saura y puiser une mine d’informations

Félix Delmas


Une ville face au climat : Metz à la fin du Moyen Âge. 1400-1530

Laurent Litzenburger

PUN – Editions Universitaires de Lorraine. 40€


WUKALI 01/06/2015


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