So rare are in France books, novels or movies dealing with the Algerian war but this novel is famous !


Un long silence, un trop long silence, un laps de temps de 17ans s’est écoulé depuis la dernière parution d’un roman de René-Victor Pilhes, un temps éprouvant, mais voici que vient de sortir en cette année 2016 un nouveau titre: La Nuit de Zelemta . René-Victor Pilhes rappelez vous c ‘est l’auteur puissant et inspiré de La Rhubarbe (1965) Prix Médicis, Le Loum, du formidable L’imprécateur en 1974, plus tard en 1985 c’est La Pompéi avec ses personnages inquiétants et quelques années ensuite La Médiatrice.

René-Victor Pilhes, c’est pour ceux qui le connaissent, et j’ai eu l’honneur un temps de le côtoyer rue saint Guillaume, d’abord une voix rocailleuse avec cet accent ariégeois si chantant, une présence toute solaire, une personnalité imposante. Son oeuvre, car c ‘est bien d’une oeuvre qu’il s’agit, c’est une séquence de notre histoire contemporaine relatant les dessous mystérieux et obscurs de la politique ou les mouvements périphériques qui lézardent les structures de l’entreprise et des milieux de la presse tout particulièrement. C’est une littérature de la faille. Car il connait son monde notre René-Victor il sait ce dont il parle, qu’il s’agisse de l’histoire ou qu’il s’agisse des médias ou des combats politiques auprès de Jean-Pierre Chevènement. René-Victor Pilhes, c’est une présence qui s’exprime dans un style, avec une puissante qualité d’écriture, c’est une mémoire aussi, et aujourd’hui avec la sortie en librairie de La Nuit de Zelemta c’est un regard vif et clair sur les événements et les hommes qui ont conduit à la guerre d’Algérie.

Il existe en fait peu d’oeuvres dans notre littérature romanesque sur cette période qui a précédé la Guerre d’Algérie, avant cette Toussaint de 1954. Bien entendu L’étranger d’Albert Camus, si l’histoire se déroule en Algérie, son sujet même n’a rien à voir avec celui qui nous occupe, d’autant plus qu’il a été écrit bien avant tous ces événements tragiques. La trame du roman de René-Victor Pilhes est simple, dans la France de la IVème République, un jeune homme, un jeune français d’Algérie, Jean-Michel Leutier, un pied noir comme on appellera plus tard les européens vivant là-bas, part faire ses études en métropole, c ‘est un élève brillant au lycée Pierre de Fermat à Toulouse. Le hasard né d’une rencontre amoureuse le conduit à visiter une prison à Albi où est incarcéré un des chefs de la rébellion algérienne, un certain Abane Ramdane qui a réellement existé. Un temps sous la coupe magnétique de ce leader, il s’en éloigne peu à peu. «Dans sa prison d’Albi, Abane dessinait les contours d’une Algérie non plus française mais bel et bien indépendante, certes où les Européens tiendraient leur place mais seulement leur place, et il serait nécessaire de largement se pousser afin d’en ménager aux autres, aux Arabes, aux Berbères, de revoir sérieusement à la baisses leurs immenses propriétés, une remise à niveau économique et politique draconienne inévitable»

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Son retour dans sa famille à l’occasion des vacances de Pâques, ne se déroule pas comme il l’eût souhaité. Il est hanté par ses dernières conversations avec Abane, le dimanche des Rameaux 1953, le «syndrome d’Abane» comme il le nomme. Il décrypte ce qu’il voit dans sa terre retrouvée avec inquiétude. Dans les rues d’ Oran, la beauté du décor n’a pas changé et les rues fleurent bon la France: rue Victor Hugo, rue Baudin, boulevard national, avec en périphérie la cité Moulay Said dite« le Douar» et la cité Moulay Abdelkader au sud. Dans la jolie petite ville d’Aï-Témouchent où habitent ses parents, son père est adjudant chef de la gendarmerie et avait, hasard de l’histoire, eu quelques années auparavant à conduire l’interrogatoire d’Abane Ramdane, il retrouve sa famille, ce petit peuple métissé et haut en couleur, des petits commerçants, des fonctionnaires, des syndicalistes, des instituteurs où chacun vit en harmonie avec l’autre. Il revoit ses copains de collège, catholiques ou musulmans et qui ont pour noms Sidal, Otaro, Ramirez, Pujol, Lahoual. Peu à peu cette apparence de consensus, cette illusion d’une société égalitaire et apaisée se délite. C’est comme un toit de tuiles sous le souffle de la tempête qui arrive, une tuile se détache de la charpente puis une autre…

Les années s’écoulent, les massacres de Constantine durant l’été 1955 décident du destin de Jean-Michel Leutier, il a résilié son sursis, il s’engage et après être sorti de l’École des Officiers de Réserve de Cherchell en 1956, il est nommé aspirant en Algérie. Un soir de mars, dans le massif de Zelemta alors qu’il est dans une opération de contrôle du djebel, sa patrouille tombe sur Abane…

Le roman est habilement densifié par de très nombreuse références avec les citations des noms des personnages et des événements qui ont fait la grande et la petite histoire. René-Victor Pilhes fait la part belle et avec tendresse à ces hommes, ces gens simples, ces petites gens qui se réclamaient de la république et qui hélas seront abandonnés et oubliés par la France de la métropole. Par une astuce narrative et la création d’un personnage qui se fait commentateur ( un petit curé), René-Victor Pilhes réussit le tour de force de positionner historiquement et dans le contexte de l’époque une histoire qui fit couler tant de larmes et de sang, et restitue sous une forme littéraire une tragédie dont les stigmates ne sont toujours pas effacées aujourd’hui. Le style a trouvé un point d’équilibre et développe une véritable intelligence du sentiment.

Nous avons attendu cher René-Victor Pilhes près de dix-sept ans pour retrouver enfin dans la trace de vos mots et la beauté de vos phrases le souffle héroïque et cruel de l’histoire. La Nuit de Zelemta est un grand roman. Pour votre prochain ouvrage ne nous faites point languir !

Pierre-Alain Lévy


La Nuit de Zelemta
René-Victor Pilhes

éditions Albin Michel17€50

La Sélection Livre du mois de WUKALI


WUKALI 19/02/2016
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